Le MEDEF s'intéresse au logement et a souhaité le faire savoir le 9 janvier en présentant, dans un Livre blanc, 48 mesures pour atteindre le chiffre de construction de 500.000 par an. Etaient mobilisés pour l'occasion le président du MEDEF lui-même, Pierre Gattaz, le président de la FPI (Fédération des promoteurs immobiliers), François Payelle, celui de la FNAIM, Jean-François Buet, et celui de la FFB (Fédération française du bâtiment), Jacques Chanut. Malheureusement, la solennité de la conférence dépassait largement la consistance des propositions, à défaut de la nouveauté, sauf peut-être lorsqu'il s'est agi pour le MEDEF de balayer devant sa porte, concernant la gouvernance d'Action logement.
Pour l'essentiel, il s'agit plus d'incantations que de remèdes miracle. Exemple avec le foncier qu'il faut "libérer" : tout le monde est d'accord sur ce point, mais tout le monde connaît aussi les freins. La mobilisation du foncier public peut apporter de l'oxygène aux zones tendues, et la précédente ministre du logement, Cécile Duflot a tenté avec sa loi du 18 janvier 2013 de secouer le cocotier. Les limites sont à présent connues : après avoir rêvé de 930 terrains permettant de construire 110.000 logements, on en est après inventaire rigoureux des préfets à 224 lieux éligibles, dont 110 prioritaires. La ressource n'est pas infinie, et les opérations susceptibles d'être menées sont complexes à monter, avec un tissu urbain à recomposer pour les intégrer ! Pire encore pour ce qui concerne la mobilisation des terrains privés : le livre blanc préconise une accentuation des abattements temporaires sur l'imposition des plus-values de cession de terrains constructibles afin de créer un "choc d'offre", et réclame ensuite une fiscalité inversée (plus on garde, plus on paye), oubliant au passage les mesures déjà votées dans la loi de finances pour 2013, et qui vont alourdir fortement les valeurs locatives des terrains constructibles dans les zones tendues, sur lesquelles est assise la taxe foncière des propriétés non bâties. Il oublie surtout qu'une grande partie des terrains concernés passe par la préemption ou par les procédures d'aménagement sous la maîtrise des maires, et que ceux-ci compliquent la tâche des promoteurs, en organisant la surenchère qui fait flamber le coût du foncier, en multipliant les contraintes, voire en bloquant purement et simplement les projets parce qu'ils se sont fait élire sur la promesse d'arrêter le "bétonnage" ou de refuser un projet HLM, apporteur de mauvais voisinage et dévalorisant pour l'immobilier local... Il est vrai aussi que la "prudence" des maires à l'égard des nouvelles constructions est dictée par une contrainte plus avouable : tout nouveau logement oblige à prévoir une augmentation de capacité des équipements scolaires, sportifs et de loisirs, au contraire d'une opération du bureaux, commerces ou d'activités, qui de surcroît rapporte plus en termes d'impôts locaux !
Même inefficacité de l'incantation désormais rituelle contre les normes de construction : non seulement on ne peut en attendre que des allègements à la marge - les normes pour l'accessibilité aux handicapés, et celles relatives aux places de stationnement -, déjà en cours ou promises, mais elle ignore une règle de base de l'immobilier neuf : baisser les coûts de construction, ou augmenter la capacité de construction sur les terrains ne peut faire baisser les prix de vente qu'à court terme, sur les opérations où le terrain est acqui ou sécurisé ; pour les autres, sans action autoritaire sur le foncier, qui ne peut venir dans les zones tendues que du niveau de la métropole ou de la région, les prix du foncier absorbent le différentiel obtenu !
Pour le reste, les revendications se limitent à demander de l'argent public - rendre plus incitatifs et stables les dispositifs de défiscalisation des investissements locatifs, favoriser la rénovation dans le parc existant, sachant que seul un subventionnement massif est susceptible de donner des résultats tangibles - ou reprennent le leitmotive des propriétaires, essayant de faire croire que le réduire les droits des locataires (cela s'appelle pudiquement "rééquilibrer les rapports locatifs") favoriserait un afflux massif d'investisseurs dans le locatif privé, alors que l'on sait que leur désaffection a des causes plus profondes, et notamment la baisse de rentabilité provoquée par la disparition des perspectives de plus-values rapides à court terme... Dans le contexte actuel, les auteurs du Livre blanc ont peu de chances d'être entendus et c'est heureux. Même en cas d'alternance politique contrairement aux promesses qui ont déjà commencé, comme on l'a vu récemment avec le programme "choc" de François Fillon pour le logement !
Concernant la construction de logements sociaux, les acteurs privés veulent être mieux associés à la conception et la réalisation des programmes, et bénéficier du foncier de l'Etat cédé avec une décote, alors qu'aujourd'hui, seuls les établissements fonciers publics, les organismes HLM ou les sociétés d'économie mixte, peuvent les acquérir. Ils souhaitent avoir des partenaires HLM plus puissants et demandent pour cela la suppression de la limite de compétence territoriale des organismes afin de leur permettre de construire partout où sont les besoins, l'optimisation de la mutualisation financière entre organismes, et le regroupement de ceux qui n'atteignent pas la taille critique "au regard des attentes en matière d'investissement et de services aux locataires"...
Plus inattendu, le MEDEF et les trois fédérations réfléchissent à une nouvelle stratégie pour "Action Logement" (le mouvement des collecteurs du "1% logement"). Il est vrai que le MEDEF est plus directement concerné puisqu'il cogère ce dispositif qui brasse près de 4 milliards de collecte par an. On en est pour le moment qu'aux objectifs : "inscrire la stratégie d'Action Logement dans un plan quinquennal, sans la remettre en cause chaque année" (en fait c'est déjà le cas [NDLR]), "s'engager dans la construction de logements sociaux et de logements intermédiaires, en particulier pour les jeunes salariés", "développer l'offre de résidences collectives avec services dédiées aux jeunes actifs et aux salariés en mobilité, "renforcer les emplois de la participation des employeurs consacrés aux prêts à l'accession et aux prêts travaux", "sécuriser les salariés dans leur parcours résidentiel en élaborant une nouvelle garantie des loyers (c'est ce qui est acté dans la convention quinquennale avec l'Etat de décembre 2014 [NDLR]) et en étudiant la mise en place d'un dispositif d'accompagnement des salariés propriétaires en mobilité professionnelle", et enfin "transformer le dispositif à l'horizon 2017". Une mission de préfiguration pilotée par Jacques Chanut, président de la FFB a été mise en place et devrait rendre ses conclusions à la fin du printemps. La création d'un collecteur unique est même envisagée !
Pour Pierre Gattaz, président du MEDEF, "le Livre blanc pour le Logement propose des solutions concrètes et responsables pour relancer une filière d'excellence française et répondre à une préoccupation croissante des entreprises". Exprimer cette préoccupation par rapport au coût du logement pour leurs salariés et les difficultés de recrutement qu'engendre la pénurie de logement accessible dans des régions comme l'Ile-de-France, est déjà en soi un pas important...
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