Avant l'élection régionale d'Ile-de-France qu'elle a emporté face à Ckaude Bartolone, Valérie Pécresse avait diffusé un programme ambitieux et détaillé pour le logement. Au delà du reproche convenu à la majorité sortante d'être responsable de l'insuffisance de la construction dans la région, alors que celle-ci sévit depuis plusieurs années et que de nombreux programmes sont bloqués ou retardés depuis la victoire de son camp politique dans de nombreuses villes de la région, la nouvelle majorité LR et UDI s'engage, grâce à la loi "NOTRe", qui fait de la Région un véritable acteur du logement et de la rénovation urbaine, à jouer un rôle moteur pour relancer la construction en Ile-de-France "aux côtés des maires". "C'est possible car le foncier existe, il suffit de le mobiliser", dit son dossier de campagne.
A le lire, cela semble facile : construire sur les terrains dont la région est propriétaire - elle détiendrait près de 10 millions de mètres carrés de foncier non bâti autour des lycées - et en débloquant ceux que "stocke" l'Etablissement public foncier d'Ile-de-France (l'EPFIF). La présidente de la Région a promis de prendre elle-même la tête de cet organisme afin d'accélérer la libération des 250 hectares de terrains qu'il a déjà acquis. Enfin elle s'est engagée à mettre à contribution la SNCF et la RATP, en contrepartie des investissements massifs que la région réalisera dans les transports, et en particulier du renouvellement du matériel roulant (4,5 milliards d'euros supplémentaires). Bien entendu, il sera mis à profit des 68 nouvelles gares du Grand Paris pour financer la construction de logements, de bureaux, de services et de parkings. A noter que des sources autorisées mettent déjà en garde contre une surproduction de bureaux si l'on additionne tout ce qui est déjà prévu autour des nouvelles gares.
Autres engagements : création de 100 nouveaux quartiers écologiques en Ile-de-France, bien desservis par les transports, d'ici la fin de la mandature. "De vrais quartiers, des quartiers qui ont une âme, avec des rues, des espaces verts, mais aussi des commerces en pied d'immeuble, des services publics, des installations sportives, des activités économiques... Ces quartiers accueilleront notamment des personnes âgées propriétaires ou locataires d'appartements familiaux qui veulent devenir propriétaires d'un logement plus petit". La région s'appuiera sur le "Club des Maires reconstructeurs" : il regroupe plus de 75 maires représentant 2 millions d'habitants, qui "veulent construire plus et autrement, en plaçant la qualité de vie au centre de leurs projets", dont les 44 maires nouvellement élus aux dernières élections municipales qui "ont ainsi décidé de suspendre la construction de 4.600 logements lancés par les anciennes municipalités socialistes et qui ne correspondaient pas aux attentes de la population et de construire 23.700 nouveaux logements". Moins sociaux évidemment...
Le programme promet pourtant de promouvoir la mixité sociale, mais une "vraie mixité", pas celle qui consiste à amener des pauvres chez les riches... Cela commencera en intégrant dans les opérations de renouvellement urbain les reconstructions de logements sociaux dans des programmes plus importants de logements privés locatifs intermédiaires et d'accession sociale à la propriété. "Ces programmes intégreront l'installation de commerces ainsi qu'une sécurisation efficace et humaine avec la vidéo-protection dans les halls et le retour des gardiens d'immeubles".
Sans surprise, les classes moyennes sont au centre des attentions du programme, et pour elles les logements intermédiaires. Objectif n° 1 : en finir avec les quartiers ghettos "où l'on empile du logement très social sur du logement social". Il sera mis fin aux financements de logements "très sociaux" dans les communes qui comptent déjà plus de 30 % de logements sociaux, "parce que la mixité sociale doit se faire dans les deux sens". La construction de logements sociaux devra se faire d'abord "pour les classes moyennes", "abandonnées ces dernières années par la Région qui a arrêté de financer le PLS. Et pour aider ces classes moyennes à devenir propriétaires dans le neuf et l'ancien, la Région créera un PTZ (prêt à taux zéro) "parcours résidentiel", pouvant aller jusqu'à 40.000 euros remboursables sur une période de 12 à 25 ans, cumulable avec celui de l'Etat et fonctionnant sur les mêmes critères. Mais le PTZ régional sera accessible pour l'achat d'un logement neuf mais aussi pour l'achat d'un logement ancien, "ce qui permettra notamment de rénover les centres-villes dégradés et les centres-villages en zone rurale, et donc de relancer les commerces de proximité qui les ont quittés". Ce prêt pourra également être utilisé par les personnes occupant un logement social pour acquérir leur logement...
Quant aux besoins de logements sociaux ou "très sociaux", dont le besoin reste criant, encore plus que de logement intermédiaire, ce sera à d'autres que la Région de les financer !
Les étudiants ne sont pas oubliés, avec l'engagement de construire 25.000 nouveaux logements étudiants sur la mandature. Autant d'objectifs chiffrés dont il sera facile de vérifier la réalisation !
La lutte contre les marchands de sommeil et l'habitat indigne sera renforcée : les politiques menées jusqu'ici par la Région (lutte contre le saturnisme et soutien aux copropriétés dégradées) sont jugées trop timides. Mais les moyens envisagés sont limités. La candidate veut conclure une convention avec la préfecture de région, l'Agence nationale de l'habitat (ANAH) et les associations d'élus des collectivités concernées afin de donner aux autorités compétentes (préfet et maires) davantage de moyens pour appliquer la loi. Il est promis un numéro vert permettant à toutes les victimes des marchands de sommeil de pouvoir signaler leur situation auprès des services compétents afin qu'ils leur viennent en aide... Malheureusement, si le problème pouvait se résoudre ainsi, cela se saurait !
Il est promis également de "nouveaux services de proximité pour les locataires des logements sociaux", à mettre en place en fédérant les bailleurs sociaux : "interventions d'urgence au domicile, réparation hors plages d'interventions actuelles des bailleurs, services aux personnes âgées, garde et accompagnement scolaire, etc." La Région soutiendra la création d'une "bourse numérique d'échange de logement social" pour "offrir à chacun un logement conforme à ses besoins". L'ambition est de l'étendre dans un deuxième temps à toute la France, "où chaque locataire pourra faire part de ses besoins et trouver le logement qui y correspond le mieux". Idée séduisante mais qui risque de ne pas rencontrer le succès attendu, quand on sait la difficulté d'obtenir que des personnes âgées acceptent, sans contrainte réglementaire ou pénalisation forte, de laisser un logement devenu trop grand pour un plus petit, même avec économie de loyer à la clé...
Le programme n'omet pas de sacrifier à l'idée récurrente d'encourager les maires à adapter leurs plans locaux d'urbanisme afin d'autoriser le propriétaires de construire une ou plusieurs pièces en plus sur leur terrain, "pour eux ou pour accueillir des membres de leur famille ou de nouveaux locataires". Ces solutions ont pour les rédacteurs du programme un "triple avantage : développer l'offre de logements, apporter un complément de revenus aux propriétaires, dynamiser la vitalité du commerce de proximité". Rien que cela...
Enfin, pour construire plus vite et moins cher, on trouve une fois de plus l'inévitable incantation contre "l'inflation des normes", censées être "l'une des premières causes du rallongement des délais de construction
et du renchérissement de l'immobilier". En conséquence, pour relancer la construction en Ile-de-France, "toutes les normes régionales qui se rajoutent aux normes nationales et européennes seront supprimées". Vu les résultats epsilonesques de la simplification des normes décidées à ce jour au niveau national, il serait imprudent de s'attendre à des effets spectaculaires au niveau régional...
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