Sentiment de grande improvisation au gouvernement concernant les mesures en préparation pour le logement ! Annonces par petites touches d'un côté, report à la semaine prochaine de la présentation de la politique d'ensemble de l'autre, tendances contradictoires également : par exemple la promesse d'éradiquer les logements mal isolés et de réduire les normes dans la construction. Sans compter les formules creuses comme "il faut faire mieux en dépensant moins" (Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la Cohésion des territoires, sur RTL le 13 septembre matin)...
Résumons : le gouvernement semble courir deux lièvres à la fois : réduire les APL et autres postes budgétaires du logement qui totalise aujourd'hui 40 milliards d'euros d'aides publiques - le logement verra son budget baisser en 2018, a confirmé à l'AFP une source proche du dossier - et créer un "choc d'offre" pour faire globalement baisser les prix et les loyers.
Pour le premier, il s'attaque en priorité aux aides personnelles du logement qui représentent à elles-seules 18,5 milliards par an au rythme actuel. Selon L'Opinion, le montant des économies réclamées au logement pourrait atteindre deux milliards d'euros. Selon des sources concordantes, le gouvernement pourrait ainsi baisser les aides personnelles au logement (APL) dont bénéficient les locataires du parc HLM, d'un montant allant jusqu'à 60 euros mensuels, en contraignant les bailleurs sociaux à réduire d'autant leurs loyers. Le journal L'Opinion, qui assure avoir eu accès à une version provisoire d'articles du projet de loi de Finances 2018, évoque, lui, une baisse pouvant aller "jusqu'à 50 euros". Plus généralement, il est également prévu que le montant des APL soit calculé en fonction du revenu actuel des bénéficiaires, et non pas avec un décalage de deux ans. Rien par contre pour les étudiants, dont les aides sont reconnues pour être les plus inflationnistes...
Directement ciblés - et touchés -, les organismes HLM pourraient, en échange, être "invités à augmenter les surloyers payés par les ménages dont les revenus excèdent de plus de 20% les plafonds de ressources, soit 4% du parc HLM". Il est envisagé deux autres contreparties. D'abord, l'allongement de la durée des prêts consentis par la Caisse des dépôts (CDC) à une vingtaine d'années, contre une quinzaine aujourd'hui. Ensuite, un gel de deux ans du taux de rémunération (0,75%) du livret A, qui finance le logement social. Ensuite, Bercy autoriserait les organismes HLM à baisser le taux d'intérêt auquel ils enregistrent dans leurs comptes les emprunts qu'ils contractent : il pourrait être ramené de 2,4% à 2% ou 1,8%.
Il est douteux cependant que cela suffise aux organismes HLM pour compenser la baisse des loyers à hauteur de la baisse des APL, à un moment où ils sont sollicités pour la rénovation énergétique du parc et où ils font face à d'importants investissements en réhabilitation des ensembles anciens, dans le cadre notamment des opérations de rénovation urbaine...
Quant aux conséquences que la baisse de recettes de loyers pourrait avoir sur la capacité des organismes HLM à construire de nouveaux logements, pas de problème selon Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires : le gouvernement mettra en oeuvre des mesures permettant aux bailleurs sociaux de vendre jusqu'à 40.000 logements par à leurs locataires ! Objectif ambitieux formulé par plusieurs ministres du logement successifs du quinquennat Sarkozy, et jamais atteint : le maximum réalisé est de 8.000 ventes par an, et pas par mauvaise volonté : les organismes s'y sont tous mis et font de leur mieux car c'est effectivement un moyen commode de se procurer des fonds propres en vue de construire, alors que les aides de l'Etat et des institutions publiques se sont raréfiées depuis plusieurs années. La mise en copropriété et en vente des ensembles immobiliers n'est tout simplement pas facile : toutes les résidences ne s'y prêtent pas : beaucoup de logements sont invendables sans réhabilitation lourde, et beaucoup le sont aussi parce que de très mauvaise qualité et situés dans des secteurs déprimés. Quiconque connaît le sujet sait qu'il faudra beaucoup d'imagination au nouveau ministre pour inventer des moyens de quintupler le rythme actuel.
En tous cas beaucoup plus que pour les mesures annoncées de nature à créer un choc d'offre : elles relèvent plus de l'incantation que du concret : simplification de l'instruction des permis de construire, censée accélérer leur délivrance alors que l'on sait que ce sont les maires qui la plupart du temps freinent les projets et les complexifient en multipliant les exigences, lutte contre les recours abusifs (deux lois s'y sont déjà attaquées récemment), action sur la fiscalité pour lutter contre la rétention de foncier constructible (déjà tenté et retoqué par le Conseil constitutionnel), simplification des normes (cela fait dix ans qu'on s'y attaque), alors que celles-ci sont justifiées par des impératifs de sécurité (les normes incendie sont en passe d'être rendues plus sévères suite à la catastrophe de la Tour Grenfell à Londres), d'économies d'énergie ou d'accessibilité, exigences irréversibles, ou encore accélération du déblocage des terrains publics, alors que le précédent quinquennat y a été consacré, avec des résultats infinitésimaux ! Au final, pour créer un "choc d'offre", ce plan a plutôt l'allure d'une pelletée de "poudre de perlimpinpin", destinée à plaire aux professionnels, et fondée de surcroît sur l'idée simpliste selon laquelle la hausse des coûts de construction engendrée par des normes contraignantes se répercute sur les prix du neuf : c'est vrai à un horizon d'un an ou deux, mais après ceux-ci sont conditionnés par le marché et toute hausse des coûts de construction conduit à une baisse du prix des terrains... On reste confondu par tant d'ignorance des mécanismes liant entre eux les marchés du logement, celui de l'ancien à la vente, celui du neuf, celui de la location et celui des terrains. Contrairement à l'idée commune, ce n'est pas ce dernier qui tire les autres !
Enfin, le "choc d'offre" risque d'être contrarié par les autres projets du gouvernement comme une restriction du dispositif d'incitation à l'investissement locatif "Pinel" et une restriction du prêt à taux zéro (PTZ). Jacques Mézard a évoqué une "réorientation" et un "recentrage"...
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