Pour mieux cibler sa réforme de l'Etat, le gouvernement a demandé à un groupe de spécialistes, le Comité action publique 2022, de plancher sur des pistes d'économies pour réduire de 30 milliards d'euros le déficit public à horizon de 2022. S’étant fait remettre leur rapport, et jugeant probablement trop explosives certaines des propositions formulées, le gouvernement avait prévu de ne pas le publier, expliquant qu’il dévoilerait les recommandations du groupe de travail qu’au fur et à mesure que seraient annoncées les mesures qui s’en inspireront. Finalement, dans des conditions non éclaircies, le rapport a fuité et nous avons pu nous en procurer une copie (1).
L’immobilier et le logement sont concernés dans les propositions 11 18 et 20, avec des mesures qui suscitent plus de scepticisme que de surprise. Le constat de la situation actuelle reprend tous les leitmotive de la macronie : on dépense trop alors que le coût du logement s'alourdit pour les ménages et que la pénurie s'aggrave dans les zones tendues. Aucune des grandes contradictions n'est levée, et notamment celle de la dépendance des gouvernements à l'égard de l'activité du bâtiment, elle-même tributaire des aides à la pierre (aux particuliers via le prêt à taux zéro, au logement social, ou pour l'investissement locatif privé), celle du pouvoir d'achat des ménages grevé par la hausse ininterrompue des prix de l'immobilier, pourtant un des moteurs de l'investissement dont dépend le bâtiment, et celle du rôle assigné au logement social : logement abordable pour pour une grande moitié des ménages qui ne peuvent accéder au logement privé devenu hors de prix ou refuge pour pauvres au risque d'accentuer encore leur ghettoïsation ?
Déjà les quelques mesures prises dans le budget 2018 - baisse des APL loyers avec répercussion obligatoire sur les loyers des HLM grevant leur capacité d'investissement, suppression des APL accession et restriction du prêt à taux zéro - viennent de casser la dynamique du bâtiment et du logement social : les professionnels tirent déjà la sonnette d'alarme, et l'on sait à quel point les gouvernements peuvent difficilement lui résister !
Face à ces dilemmes redoutables, le rapport CAP 2022, ne propose que des mesures techniques, dont la pertinence - au oins pour certaines - ne sera pas forcément gage de facilité de mise en oeuvre, tant les parties prenantes sont figées sur leurs positions : promoteurs, propriétaires, collectivités et élus locaux bailleurs sociaux, sans oublier Bercy. Si dans chaque niche il y un chien prêt à mordre comme on le dit souvent, cela promet un bon concert d'aboiements et pas mal de reculades ! Jugeons-en :
- proposition 11 Se loger mieux à moindre coût :
.afin de libérer l’offre foncière, faire de l’échelon intercommunal le niveau opérationnel de l’ensemble des politiques locales d’urbanisme et de logement, et notamment de l’instruction et la délivrance des permis de construire ;
.établir un cadre juridique et fiscal pérenne pour l’investissement locatif privé. Pour cela il est préconisé: la suppression des régimes d’exception comme le Pinel ou les locations meublées non professionnelles, qui, dans les zones tendues, favorisent plus les rentes des propriétaires immobiliers fonciers que l’augmentation de l’offre, et n’a pas démontré son efficacité dans la construction de logements intermédiaires en raison de l’absence de contrôle des conditions de ressources des locataires, la création d’un régime de droit commun unique pour les investisseurs autorisant la déduction des charges de propriété et d’un amortissement, l’interdiction de l’imputation des déficits fonciers sur les autres revenus catégoriels (ces déficits resteraient imputables uniquement sur les bénéfices fonciers ultérieurs), l’interdiction de l’imputation des intérêts d’emprunt dans le revenu imposable, et l’élargissement du régime du micro-foncier à une assiette de recettes brutes de 30.000 euros en augmentant le taux forfaitaire de déduction à 35% ;
.atténuer la frontière entre parc public et parc privé pour les ménages bénéficiant de revenus suffisants afin qu’ils ne restent pas figés dans le parc social. Il s’agit d’appliquer, uniquement en zone tendue, le supplément de loyer de solidarité (SLS) ou surloyer pour les ménages ayant des revenus suffisants et de réviser les barèmes. De cette manière, on atteint un total de loyer (comprenant le surloyer) dans le parc social proche des prix pratiqués sur le marché privé pour les ménages bénéficiant de revenus suffisants. Ceci peut inciter les ménages à sortir du parc social pour se loger dans le parc privé ;
.favoriser la péréquation entre les bailleurs du parc social – y compris sur les ressources supplémentaires provenant de l’augmentation des surloyers – afin de ne pas pénaliser les bailleurs accueillant les ménages les plus modestes dans les territoires les moins valorisés ;
.remédier aux distorsions de l’aide personnalisée au logement (APL) selon la nature des revenus. Le Comité propose de recentrer l’APL et de mieux l’articuler avec les autres revenus de transfert afin d’en améliorer l’équité. Cela suppose de calculer désormais l’APL en prenant en compte, sans distinction d’origine, l’ensemble des revenus (salaires, revenus de transfert, revenus de remplacement) à l’exception de l’AAH (une réflexion sur l’intégration de l’APL dans l’allocation sociale unique que nous proposons de mettre en place à terme – voir proposition n°12 – devra par ailleurs être conduite). Cela passe aussi par le maintien de la possibilité, pour l’ensemble des étudiants, de bénéficier des APL mais sans pouvoir se rattacher au foyer fiscal de leurs parents ;
.normaliser l’action publique en matière de financement du parc social : transformer les statuts de l’ensemble des bailleurs sociaux en statuts commerciaux (pouvant comporter des sociétés publiques locales à but non lucratif), afin de favoriser les regroupements, et les assujettir à l’impôt sur les sociétés, responsabiliser les acteurs en cas de recours au soutien financier auprès de la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), notamment avec une mise sous tutelle possible, et transformer le "1% logement" en ressource fiscale et dans le même temps diminuer le montant qui est prélevé sur les entreprises (sic)
- proposition 18 Supprimer les doublons et améliorer le partenariat entre l’État et les collectivités territoriales : transférer la compétence en matière d’aide à la pierre au niveau régional ou métropolitain, la question spécifique de l’Ile-de-France devant être traitée séparément afin de déterminer le niveau de transfert le plus pertinent ;
- proposition 19 Renforcer la cohérence de l’action publique territoriale : améliorer la lisibilité et l’efficience de l’organisation territoriale de la justice ;
- proposition 20 Mettre un terme à toutes les interventions publiques dont l’efficacité n’est pas démontrée : aides fiscales zonées, taux réduits de TVA, etc. – harmoniser l'ensemble des aides à la transition énergétique, supprimer le taux réduit de TVA sur les travaux de rénovation thermique et le faire passer au taux intermédiaire.
A noter aussi la proposition 16 : "aller vers une société « zéro cash » pour simplifier les paiements tout en luttant mieux contre la fraude fiscale"...
(1) Comité Action Publique 2022 – juin 2018 : "Service Public : se réinventer pour mieux servir – Nos 22 propositions pour changer de modèle"
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