Après les députés le 12 juin, le Sénat a adopté le 25 juillet en première lecture le projet de loi "ELAN" évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, avec de très nombreuses modifications. La procédure accélérée ayant été engagée, une commission mixte paritaire a été convoquée. Elle siégera à la reprise des travaux parlementaires début septembre. Les désaccords étant importants entre les députés et les sénateurs sur de nombreux points, il est peu probable qu’elle aboutisse à un accord, et donc l’Assemblée nationale devrait avoir le dernier mot.
Loi fleuve depuis le début, le projet de loi prend, à force d'amendements dans tous les sens, le chemin des précédentes lois traitant du logement, à savoir sa transformation en un gigantesque "fourre-tout". Il cherche à la fois à créer de nouvelles structures partenariales d'aménagement urbain, simplifier certaines normes de construction (comme les exigences d'accessibilité ou le concours d'architecte pour les HLM) ou contraintes d'urbanisme (comme la loi littoral), à lutter contre les recours abusifs contre les projets des promoteurs, faciliter la transformation de bureaux en logements, lutter contre les "marchands de sommeil", mais aussi à réformer le fonctionnement des copropriétés et faciliter le traitement des copropriétés en difficultés.
Deuxième grand volet : la réforme du secteur du logement social, après que la loi de finances ait amputé ses ressources en lui imposant une baisse des loyers pour compenser la baisse des APL aux locataires, en facilitant la vente des logements sociaux aux locataires ou au privé, en obligeant les organismes à se regrouper et à mutualiser leurs moyens, et en mettant un terme au maintien dans les lieux pour les locataires dont les ressources permettent d'accéder au logement intermédiaire, voire privé.
Troisième volet : le parc locatif privé, avec la création d'un "bail mobilité", visant les personnes ayant besoin d’un logement sur une courte durée tout en offrant des garanties pour les bailleurs et les locataires dans un nombre limité de cas, et une demi-mesure concernant l'encadrement des loyers mis en place par la loi "ALUR" pour être appliqué dans toutes les zones tendues, mais restreint par le gouvernement Valls aux seules villes volontaires, à ce jour Paris et Lille. Situation bancale qui a conduit la justice administrative à annuler les arrêtés instaurant ces encadrements. Prenant le parti de ménager la chèvre et le chou - les propriétaires depuis le début vent debout contre cette mesure anti-libérale, et les locataires, très contents d'en bénéficier - le gouvernement a prévu de poursuivre la possibilité pour les collectivités d'"expérimenter" l'encadrement en attendant une évaluation dans 5 ans, mais - le diable étant dans les détails - dans des conditions qui l'autoriseront à Paris et la bloqueront probablement à Lille...
Passant à son tour sur le projet de loi en première lecture, le Sénat en a rajouté une couche, écornant la loi SRU (qui impose 20 et 25% de logements sociaux dans les zones tendues), récupérant pour les maires des prérogatives en matière de permis de construire que le gouvernement voulait remonter aux intercommunalités, mais aussi rétablissant partiellement les exigences d’accessibilité dans les bâtiments collectifs d’habitation : le projet de loi adopté par les députés avait réduit à 10% le nombre de logements accessibles dans les bâtiments neufs, les autres devant être "évolutifs", c’est-à-dire accessible en grande partie et pouvant être rendu totalement accessibles, pour tous les handicaps, par des travaux assez simples ; le Sénat a porté le quota de logements accessibles à 30%...
C'est cependant en matière de copropriété que le Sénat s'est montré particulièrement offensif : le gouvernement avait prévu de mener une grande réforme du droit de la copropriété en vue de rendre le fonctionnement des syndicats de copropriétaires et la prise de décision plus fluide, notamment en matière de travaux, mais par voir d'ordonnances. Le Sénat lui brûle la politesse en supprimant une des deux ordonnances prévues et en insérant sa petite réforme dans la loi. Probablement un simple baroud d'honneur car les députés auront tout loisir de rétablir la procédure initiale prévue par le gouvernement !
Le Sénat a même osé quelques escarmouches en faveur des propriétaires bailleurs, comme celle consistant à rendre le décret du 17 août 1987 relatif aux charges récupérables révisable tous les deux ans à compter du 1er janvier 2019 ! Un décret qui n' été touché qu'une fois depuis trente ans, et encore à la marge, tant les gouvernements craignent d'ouvrir une boîte de Pandore entre propriétaires et locataires...
A noter aussi une mesure qui fera plaisir aux copropriétaires : un amendement répute les colonnes montantes électriques dans les immeubles collectifs mises en service avant la promulgation de la loi comme appartennant au réseau public de distribution d’électricité à l’issue d’un délai de deux ans à compter de la promulgation de la loi. De quoi mettre fin à des litiges croissants lorsque pose la question de la nécessaire réfection des colonnes devenues vétustes !
A suivre...
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