Dans le cadre de l'article 18 de la loi Elan (Évolution du logement, de l'aménagement et du numérique), le 19 septembre 2018, la commission mixte paritaire a tranché en faveur d'un quota de 20% de logements directement accessibles dans le neuf tandis que les 80% restants seront destinés à être « évolutifs », c'est-à-dire rendus accessibles à l'issue de travaux simples. Le gouvernement, au nom de la simplification des normes, prévoyait dans sa première version le passage de 100% à 10% de logements accessibles aux personnes handicapées dans la construction neuve. Les députés avaient voté cette mesure, mais les sénateurs ont opté pour un quota de 30%. En commission mixte, sénateurs et députés se sont donc mis d'accord pour couper la poire en deux à 20%.
Les associations sont vent debout contre cette mesure qui, en outre, remet en cause le principe de la Convention relative aux droits des personnes handicapées adoptée à l'Assemblée générale des Nations unies par 161 pays, dont la France, le 13 décembre 2006. Ladite Convention et son protocole facultatif ont été ratifiés le 18 février 2010 et sont en vigueur en France depuis le 20 mars 2010.
Force est de constater que moins de 10 ans après cet engagement, l’universalité n’est plus de mise, la santé économique de la France vaut bien quels accommodements ! Cependant, tout en expliquant que le gouvernement prévoit grâce à la loi Elan de faire en sorte que 100% des logements construits soient évolutifs, le premier ministre a annoncé jeudi 26 septembre son intention de rendre obligatoire, par voie réglementaire, la construction d'ascenseurs dans les immeubles de trois étages et plus (actuellement quatre étages et plus), pour favoriser l'accessibilité des personnes âgées ou handicapées afin qu’elles puissent rester dans leur logement ou en trouver un facilement. La France se placerait ainsi, selon Édouard Philippe, dans la moyenne des pays européens. Ainsi l’honneur serait sauf au prix d’une petite concession du gouvernement sur le sacro-saint allègement des normes jugées inutiles, coûteuses ou obsolètes ?
Evidemment, l'assouplissement des normes handicapés est une vielle réclamation des promoteurs, qui prétendent que des contraintes trop sévères renchérissent les prix de l'immobilier. Notamment en obligeant à consacrer des surfaces importantes aux toilettes et pièces d'eau, ou aux couloirs de circulation. C'est en fait un de ces pièges que le "bon sens" tend à celui qui ne connaît pas le fonctionnement des marchés de l'immobilier. Autant il est naturel de voir les professionnels de manière quasi-pavlovienne pester contre les contraintes, autant il est étonnant de voir les pouvoirs publics tomber dans le panneau ! En effet, que va apporter cet allègement des normes handicapés lorsque le marché des terrains va se réajuster : tout simplement une hausse des prix de ces derniers. Car il n'y a pas de marché autonome des terrains à bâtir qui fonctionnerait en fonction de l'offre et de la demande : le prix d'un terrain se fixe en fonction de ce que l'acquéreur peut construire et de la valeur marché de cette construction une fois réalisée (1). Ainsi, si un promoteur grâce à cet allègement peut construire davantage de logements, le vendeur du terrain, mettant les acheteurs en concurrence, demandera un prix supérieur...
(1) Un candidat acquéreur d'un terrain à bâtir, en particulier un promoteur évalue la quantité de locaux qu'il peut réaliser et leur prix de vente en fonction du marché local, qui est influencé par les prix de l'ancien et le pouvoir d'achat des acquéreurs (pour les biens destinés à la location par le taux de rentabilité espéré par les acquéreurs finaux des locaux eu égard aux loyers pratiqués dans le secteur). Il soustrait ensuite le bénéfice souhaité et le coût de la construction, et détermine ainsi le prix maximal qu'il peut consacrer au foncier. Si le coût de construction diminue, le prix qu'il pourra consacrer au terrain pour emporter l'affaire augmente...
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