La 24ème édition du rapport annuel sur "L’État du Mal-logement" de la Fondation Abbé Pierre (1) livre une nouvelle description de la crise du logement. Si le marché de l’immobilier affiche une bonne santé générale, 4 millions de personnes restent, selon le rapport, mal logées ou privées de domicile, tandis que 12 millions voient leur situation fragilisée par la crise du logement.
Dans la première catégorie (3,953 millions de personnes), 143.000 sont sans domicile fixe du tout, hébergées pour 25.000 d'entre elles en chambres d'hôtel (21.000 ménages), 91.000 en logement de fortune, et 641.000 en logement contraint chez des tiers. 2,819 millions de personnes (1,123 millions de ménages) vivent dans des conditions très difficiles : en privation de confort (2,090 personnes en 939.000 ménages) ou en surpeuplement "accentué" (934.000 personnes en 218.000 ménages).
A cela il faut ajouter les "gens du voyage" subissant de mauvaises conditions d’habitat (208.000 personnes).
Dans la 2ème catégorie des personnes fragilisées par rapport au logement (12,138 millions de personnes en 4,952 millions de ménages, on trouve les propriétaires occupant un logement dans une copropriété en difficulté (518.000 ménages), les locataires en impayés de loyers ou de charges en danger d'expulsion (493.000 ménages), les personnes modestes ayant eu froid pour des raisons liées à la précarité (1,443 millions de ménages), et les personnes subissant un taux d’effort net supérieur à 35%, leur laissant un reste-à-vivre inférieur à 650 euros par mois par unité de consommation (2,713 millions de ménages).
Le rapport pointe notamment la chute de l'effort public pour le logement, qui est retombé sous son niveau de 2007 (1,69% du PIB), alors qu'il avait atteint 2,2% en 2009, pour ne plus cesser de diminuer depuis. En revanche, la part des dépenses pré-engagées dans le budget des ménages n'a cessé de croître : elle était de 12,5% en 1959 pour arriver à 29% en moyenne, le logement représentant dans ce total 22,6 points.
Ce rapport met en évidence en particulier le sort des personnes sortant d’institutions (aide sociale à l’enfance, prison et hôpital psychiatrique), souvent sans accompagnement ni solution de logement. Il montre que ces "sorties sèches", qui vont jusqu’à s’apparenter à des expulsions de fait, aggravent la détresse de personnes particulièrement vulnérables et les conduisent parfois "aux portes de la rue". Tout en critiquant les politiques du logement, le rapport soutient l’approche du "logement d’abord", qui consiste à orienter directement les personnes sans domicile vers un logement autonome, est plus efficace et plus digne que les parcours chaotiques au sein du système d’hébergement d’urgence. Cette philosophie, soutenue par le candidat Emmanuel Macron devant la Fondation Abbé Pierre en janvier 2017, fait désormais l’objet d’un plan gouvernemental, entré en 2018 dans sa phase opérationnelle avec la désignation de 23 territoires chargés de le mettre en oeuvre de manière accélérée. La Fondation fait un premier bilan des "timides premiers pas", dans un contexte social et politique défavorable, marqué par les coupes budgétaires majeures subies par la politique du logement.
(1) Fondation Abbé Pierre - 1er février 2019 - Rapport annuel n°24 - "L’État du Mal-logement en France 2019" - v. aussi le dossier de synthèse complet
|