Pour les 10 ans de l'Autorité de la concurrence, le Premier ministre, Édouard Philippe, a annoncé un train de mesures destinées à dynamiser la concurrence, au profit des consommateurs, dans plusieurs domaines. Trois secteurs ont été répertoriés comme des "angles morts du pouvoir d’achat", augmentant les dépenses « contraintes » des ménages : la construction automobile, la santé, le logement ou la banque.
Dans le domaine du logement, le premier ministre a déploré une absence d’information concernant la possibilité offerte aux copropriétaires de changer de syndic, et annoncé trois mesures imminentes : en premier lieu, l’obligation de soumettre tous les trois ans à la concurrence leur mandat, en informant mieux les copropriétaires qui, selon lui ignorent leurs droits, et en facilitant "la portabilité" des contrats. Il annonce que le gouvernement encouragera l'information des copropriétaires sur la possibilité de changer de syndic, et qu'il imposera "l'obligation de présenter des contrats-type", afin de permettre la comparaison des contrats, avec des sanctions financières. Enfin, il sera veillé à rendre comparables certaines prestations comme l'organisation d'assemblées générales, voire à "maîtriser certaines d'entre elles comme l'état daté", allusion aux honoraires que facturent les syndics aux copropriétaires qui vendent leur logement pour les informations qu'ils doivent transmettre au notaire...
Probablement mal informé par ses services, le Premier ministre a fait une démonstration magistrale de l'art d'enfoncer les portes ouvertes ! Un contrat-type obligatoire a bien été mis en place par décret du 26 mars 2015, prévu par la loi ALUR du 24 mars 2014, fixant les prestations devant impérativement être incluses dans le forfait de gestion courante, dont l'assemblée générale annuelle, et la liste limitative des honoraires que les syndics peuvent facturer en sus de ce forfait ! La seule nouveauté serait la sanction financière en cas de non respect, le Premier ministre a annoncé que des amendes de 3 000 à 15 000 euros allaient entrer en vigueur, ce qui pour le coup ne serait pas inutile car les cas d'interprétation large et de créativité tarifaire de certains syndics ne sont pas rares, comme l'ont révélé plusieurs enquêtes privées comme publiques. Par ailleurs, annoncer comme une nouveauté le plafonnement par décret des honoraires facturés pour l'établissement de l'état daté est une provocation : la loi ALUR l'a prévu en 2014 et le décret est toujours dans les cartons des ministères de la justice et du logement ! Mieux vaut tard que jamais…
Plus généralement, croire que des gains de pouvoir d'achat vont pouvoir résulter d'un renforcement de la concurrence entre les syndics révèle une grande méconnaissance de ce secteur : la concurrence y est déjà très vive, au détriment de la qualité de la prestation. Imaginer, comme l'explique doctement Edouard Philippe, que les copropriétaires ne changent pas de syndic parce qu'ils ne savent pas qu'ils peuvent le faire est d'une grand naïveté ! Le renouvellement des mandats est annuel dans l'écrasante majorité des copropriétés, et chaque année les syndics sont sous la menace de la présentation d'un concurrent.
Enfin, si le Premier ministre voulait vraiment s'attaquer aux "dépenses contraintes", il viserait le noyau dur des dépenses de logement, qui ont flambé sous l'effet de la hausse des prix de l'immobilier sur un marché non régulé, entraînant les charges de remboursement des ménages et les loyers, ou poussant nombre d'entre eux à s'éloigner des centres urbains et à remplacer alors des dépenses de logement par des dépenses de transport ! Mais livrer les syndics en pâture au grand public est plus facile et rapporte de l'audience pour pas cher, boucs émissaires faciles sur l’hôtel de la sacro-sainte concurrence !
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