Après passage du projet de loi "énergie et climat" au Sénat, une commission mixte paritaire a trouvé un accord sur un texte satisfaisant les deux assemblées. Comme celui adopté par les députés le 28 juin, ce texte comporte plusieurs dispositions mettant la pression sur les propriétaires de logements locatifs, qui constituent une minorité des maisons individuelles mais la moitié des logements en copropriété, alors que pour ces derniers les travaux nécessaires à la réduction de la consommation d'énergie sont en très grande partie collectifs et ne dépendent donc pas de leur seule volonté.
Du coup, le législateur a dû reconnaître être gêné aux entournures. Ainsi, le gouvernement devra fixer par décret un seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an au-dessus duquel un logement ne pourra être considéré comme "décent", et donc ne pourra être loué ; mais en copropriété, si un locataire s'avise de vouloir faire respecter son droit à un logement décent, le juge ne pourra ordonner de mesure visant à permettre le respect de ce seuil dès lors que son bailleur démontre que, "malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal". Or en copropriété, l'essentiel des travaux relève des parties communes et donc de décisions d'assemblées générales où les copropriétaires bailleurs ne sont généralement pas en odeur de sainteté. La démonstration sera donc vite faite ! Précisons aussi que cette mesure n'entrera en vigueur qu'à une date fixée par décret, et au plus tard le 1er janvier 2023, et que de surcroît les contrats de location en cours à la date d’entrée en vigueur de cette disposition n'y seront pas soumis avant leur échéance !
En attendant, la loi doit se contenter de mesures plus douces. Elles concernent essentiellement les "passoires thermiques", à savoir les étiquettes F et G des diagnostics de performance énergétique (logements qui ont une consommation énergétique primaire supérieure ou égale à 331 kilowattheures par mètre carré et par an). Une première disposition empêchera à compter du 1er janvier 2021 les bailleurs de tels logements situés dans les secteurs tendus où s’applique un plafonnement des hausses de loyers fixé annuellement par décret, d'utiliser la faculté d'augmenter le loyer au delà de l'indice IRL en cas de travaux ou de loyers manifestement sous-évalués. De même, lorsque des travaux d'économie d'énergie sont réalisés par le bailleur dans les parties privatives d'un logement ou dans les parties communes de l'immeuble, une contribution pour le partage des économies de charge ne pourra plus être demandée au locataire si le logement n'accède pas à une étiquette inférieure à F...
A plus long terme, la loi affiche l'obligation d'éradiquer les logements classés F et G : ceux-ci devront avoir disparu le 1er janvier 2028, "sauf pour les bâtiments qui, en raison de contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales, ne peuvent faire l’objet de travaux de rénovation permettant d’atteindre une consommation inférieure au seuil mentionné ou les bâtiments pour lesquels le coût des travaux pour satisfaire cette obligation est manifestement disproportionné par rapport à la valeur du bien" : les critères relatifs à ces exonérations seront précisés par décret. Par exception, cette obligation ne s’appliquera qu’à compter du 1er janvier 2033 aux copropriétés en difficulté -en plan de sauvegarde, OPAH, ORCOD (opération de requalification de copropriétés dégradées), ou déclarées en état de carence...
En attendant cette échéance, les propriétaires auront l'obligation, à compter du 1er janvier 2022, en cas de vente ou de location d’un bien immobilier classé F ou G, de mentionner cette obligation dans les publicités relatives à la vente ou à la location ainsi que dans les actes de vente ou les baux concernant ce bien ; à compter du 1er janvier 2028, cette obligation se transforme en obligation de mentionner le non-respect de l’obligation dans les publicités relatives à la vente ou à la location ainsi que dans les actes de vente ou les baux concernant ce bien.
Egalement, toujours à compter du 1er janvier 2022, en cas de vente ou de location de tout ou partie d'un immeuble bâti dont la consommation énergétique primaire le classe en F ou G, le diagnostic de performance énergétique tenu à la disposition de tout candidat acquéreur ou locataire devra comprendre également un audit énergétique ; celui-ci doit présenter notamment des propositions de travaux permettant de monter au moins d'une lettre de l'étiquette énergétique, et dont l’une au moins permet d’atteindre un très haut niveau de performance énergétique ; il devra mentionner à titre indicatif l’impact théorique des travaux proposés sur la facture d’énergie ; il devra fournir des ordres de grandeur des coûts associés à ces travaux et mentionner l’existence d’aides publiques destinées aux travaux d’amélioration de la performance énergétique.
Enfin, les propriétaires auront à partir de cette même date l'obligation de mentionner dans les annonces de vente de lots de copropriété, y compris celles diffusées sur une plateforme numérique, pour les biens immobiliers à usage d’habitation et "à titre d’information" (en plus de l’étiquette énergétique), le montant des dépenses théoriques pour le chauffage, le froid et l’eau chaude sanitaire ; tout manquement par un professionnel à l’obligation d’information mentionnée est passible d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3.000 euros pour une personne physique et 15.000 euros pour une personne morale ! Les bailleurs auront par ailleurs l'obligation de mentionner dans les contrats de location, également " à seul titre d’information", le montant des dépenses théoriques de l’ensemble des usages énumérés dans le diagnostic de performance énergétique et définis par voie réglementaire...
D'ici leur entrée en vigueur, ces mesures devront faire l'objet d'un ou plusieurs décrets d'application.
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