L’Assemblée nationale a adopté en première lecture, le 28 novembre, la proposition de loi du député Modem de Haute-Garonne, Jean-Luc Lagleize, qui vise à réduire le coût du foncier et à augmenter l’offre de logements accessibles aux Français. Le député, qui avait été responsable du projet de loi "ELAN" auprès de son groupe à l'Assemblée nationale, avait aussi été chargé par le Premier ministre d’une mission visant à proposer des solutions afin de "lutter contre la spéculation foncière" et réduire le coût du foncier.
Constatant qu’actuellement, "tout le processus de l’acte de construire pousse à construire toujours plus cher", les particuliers voulant "réaliser une plus-value lors de la cession de leurs biens profitant des investissements réalisés par la commune" et même "les pouvoirs publics [participant] de cette spirale délétère via le mécanisme d’enchères publiques sur leurs biens fonciers et immobiliers afin de les attribuer au plus offrant", la proposition de loi vise à proposer des outils à l’État et aux élus locaux destinés à freiner la guerre des prix et à permettre aux Français de se loger mieux et moins cher. Le volet fiscal, qui ne peut être traité dans une telle proposition de loi, devait, quant à lui, faire l’objet d’amendements dans le projet de loi de finances pour 2020, rendez-vous apparemment manqué.
Les principales mesures proposées sont :
- interdiction de la vente aux enchères lors des cessions de foncier public s’agissant du domaine privé de l’État et des collectivités territoriales afin d’enrayer la spirale continue d’augmentation des prix ; la cession aurait désormais lieu en gré à gré (après consultation d’experts fonciers tel que le service des Domaines) ou sur concours à prix fixe portant sur le programme, l’architecture, l’intégration paysagère ou encore l’écologie des bâtiments ;
- la création d’offices fonciers, sur le modèle des offices fonciers solidaires ainsi que d’observatoires fonciers locaux, à titre optionnel dans les zones détendues mais de façon obligatoire dans les zones de tension ; cette transparence doit exercer une certaine pression sur les promoteurs amenés, par là même, à baisser leurs offres de prix… Par ailleurs, ces observatoires pourront définir une liste de quartiers géographiquement délimités comportant pour chacun le prix de vente maximum des logements neufs à construire, selon leur typologie (logements sociaux, accession sociale, et logement intermédiaire) ;
- la généralisation de la dissociation entre le foncier et le bâti en permettant aux collectivités locales de créer un office foncier libre (OFL), qui leur permettrait de proposer des baux réels libres (BRL) sur les fonciers qu’elles aménagent (domaine privé des collectivités, de l’État ou de ses établissements publics). Ces baux seraient rechargeables, transmissibles et cessibles et les prix de cession seraient préconisés par l’observatoire du foncier, sur le modèle du dispositif d’encadrement des loyers.
A noter également la proposition de mise en place d’un fonds pour la dépollution des friches, qui pourrait être géré par Action logement, l'octroi aux maires de la possibilité de faire appel à une expertise menée par un ordre d’experts agréé par l’État, afin de renforcer l’objectivité et la transparence des données, ainsi que l'inversion du principe de la règle et de l’exception afin que lorsqu’une opération de construction et d’aménagement est souhaitée par le maire, il puisse la mettre en œuvre sans devoir déroger à la règle.
Enfin, le député a proposé l'établissement d’un lien direct et mesurable entre le PLU (éventuellement intercommunal), le PLH (Plan local de l’habitat, éventuellement intercommunal) et la délivrance des permis de construire en rendant obligatoire un compte-rendu annuel de la construction de logements en conseil municipal et s’il y a lieu en conseil communautaire.
Le parcours de cette proposition de loi n'est pas gagné d'avance lorsqu'elle affrontera le Sénat, car il restreint pour les maires la possibilité de céder au prix fort les terrains dont ils s'assurent la maîtrise. La dissociation du foncier et du bâti est également une technique qui n'a pas que des réussites à l'étranger : la dissociation de la propriété du foncier et du bâti est, de longue date, une pratique courante à Amsterdam. Mais la flambée des rentes reversées à la ville dans le cadre de baux emphytéotiques, a fait que ce système est fortement décrié, et une réforme est en cours. Au Royaume-Uni, la dissociation du foncier et du bâti remonte à l'époque féodale : acheter un bien immobilier revient le plus souvent, outre-Manche, à contracter un bail emphytéotique pour une durée limitée. La moitié de l'Angleterre reste ainsi détenue par moins de 1 % de la population...
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