L’imposition soudaine des mesures de confinement à compter du 17 mars a conduit d’une part à la fermeture au public des agences et bureaux des professionnels de l’immobilier (transactionnaires, administrateurs de biens, syndics), au confinement à domicile, voire à la mise en activité partielle de tous les collaborateurs dont la présence n’est pas indispensable au maintien de l’activité de l’entreprise et notamment celles pouvant être organisées sous forme de télétravail, et de manière générale à une très forte baisse de l’activité en raison de l’application de ces mêmes mesures de confinement à la clientèle et aux prestataires, entreprises de bâtiment et de services ou notaires. En conséquence, l’activité résiduelle depuis cette date se résume quasi exclusivement au dénouement – avec toutes les difficultés impliquées par les restrictions – des opérations en cours : ventes, locations, congés, assemblées de copropriétaires et d’associations syndicales convoquées à annuler, travaux en cours majoritairement à l’arrêt, etc. L’activité de visites en vue de la vente ou de la location est fortement ralentie, voire arrêtée en raison des risques de contamination et d’exercice par les collaborateurs de leur droit de retrait, de même que l’instruction des demandes de financements. Les notaires s’organisent pour assurer l’établissement et la signature électronique des actes sans recevoir la clientèle et ayant un recours massif au télétravail, mais il reste à savoir si tous sont correctement équipés pour cela.
Les points suivants seront intégrés dans les ordonnances prévues par le projet de loi d’urgence économique COVID-19 :
- prorogation des mandats de syndic jusqu’à l’assemblée de leur renouvellement ou de désignation d’un nouveau syndic, et au plus tard le 31 décembre 2020 ;
- prorogation des cartes professionnelles échues jusqu’au 31 décembre ;
- prorogation des certifications des diagnostiqueurs immobiliers ;
- prorogation de divers délais : Pinel ; permis de construire, etc.
Les syndics et gestionnaires d’immeubles locatifs doivent néanmoins pourvoir à la gestion technique courante avec des entreprises – chauffagistes, ascensoristes, entreprises de nettoyage… – soumises aux mêmes contraintes de fonctionnement et obligées de protéger leurs équipes, et régler leurs factures pour ne pas les mettre en difficulté. Ils doivent aussi veiller à ce que le personnel attaché aux immeubles soit correctement sécurisé sous peine de voir l’exercice du droit de retrait se répandre, qu’en cas de contamination la responsabilité du gestionnaire soit mise en cause ! Des affichages de consignes sanitaires doivent être effectués à titre préventif.
Le risque est grand également que les retards de paiement des charges se multiplient, à supposer que les professionnels conservent un minimum d’organisation opérationnelle pour adresser les appels de provisions, mettant à mal les trésoreries des copropriétés.
Enfin, reste l’incertitude quant au maintien ou non de l’activité des entreprises du bâtiment, dans le neuf et dans la rénovation. L’annonce précipitée du confinement a provoqué un différend entre les organisations professionnelles et le gouvernement, doublé d’une appréhension de la part des personnels et un risque massif d’exercice du droit de retrait, sans parler des risques de rupture d’approvisionnement, en ciment, notamment. Un conflit est latent, avec d’un côté, les professionnels qui veulent arrêter leurs chantiers et de l’autre, les autorités, qui insistent pour maintenir une activité économique jugée essentielle et qui accusent les entreprises de vouloir profiter de l’aubaine du régime d’activité partielle facilité. La ministre du Travail a notamment accusé la Capeb, l'organisation qui domine l'artisanat du bâtiment, d'avoir enjoint à ses membres d'arrêter tous leurs chantiers, ce qui a provoqué une très violente réaction de Jacques Chanut, président de la très puissante Fédération française du bâtiment (FFB). Un accord est intervenu le 21 mars entre le gouvernement et les organisations professionnelles permettant théoriquement de renforcer, dans les tout prochains jours, la continuité de l’activité du secteur et la poursuite des chantiers, tout en préservant la sécurité du travail sur les chantiers à travers des procédures adaptées, notamment pour respecter les gestes barrières et maintenir les distances entre salariés. Il est prévu pour cela la diffusion d’un guide de bonnes pratiques, préalablement validé par les ministères du travail et de la Santé. Réalisé en lien avec les professionnels intervenant sur les chantiers et avec l’appui des experts de l’Organisme professionnel de prévention du Bâtiment et des Travaux Publics (OPPBTP), il donnera, pour toutes les entreprises de toutes tailles, une série de recommandations pour assurer des conditions sanitaires satisfaisantes sur les chantiers et poursuivre les activités. Il reste à savoir si l’ampleur de la réorganisation du travail que ces recommandations impliqueront sera compatible avec les possibilités des entreprises, notamment les petites…
À noter aussi que les architectes, représentés par l’UNSFA, qui n’a pas été invitée, refusent de souscrire à cet accord et ne maintiendront leur maîtrise d’œuvre que s’ils sont impliqués dans la rédaction des bonnes pratiques, craignant que leur responsabilité soit mise en cause en cas de problèmes.
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