Dans un article publié récemment, Jean Bosvieux, directeur des études de 1997 à 2014 à l’Agence nationale pour l’information sur l’habitat (ANIL), puis de 2015 à 2019 directeur des études économiques à la FNAIM, identifie les causes probables de la non application de l’encadrement des loyers par une partie des bailleurs parisiens. Reprenant les travaux de l’OLAP (Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne) qui révélaient que le taux de dépassement des plafonds dans les nouveaux baux signés n’avait que légèrement diminué (de 26% à 21%) entre 2015, date de l’entrée en vigueur de l'encadrement par plafonnement à Paris (le 1er août très exactement) et fin novembre 2017, date à laquelle les textes règlementaires ont été annulés par le tribunal administratif de Paris, l’auteur analyse les causes possibles de ce constat :
la méconnaissance de la loi par les bailleurs. Cela ne peut guère être le fait que des bailleurs personnes physiques qui mettent en location et gèrent leurs logements eux-mêmes. Dans le cas, majoritaire à Paris, des locations dans lesquelles intervient une agence immobilière, le professionnel concerné connaît forcément la législation et il est tenu d’attirer l’attention de ses mandants sur le dispositif. Au demeurant, les polémiques suscitées par les mesures d’encadrement et les péripéties judiciaires consécutives à leur mise en place ont été très largement diffusées par les médias, de sorte qu’il est peu vraisemblable que les bailleurs, même s’ils ne recourent pas aux services d’un professionnel, n’en soient pas informés ;
le bailleur est convaincu, ou fait semblant de l’être, que le logement loué possède réellement des qualités exceptionnelles qui justifient le dépassement du plafond en revendiquant un "complément de loyer" pour caractéristiques exceptionnelles. S’il loue par l’intermédiaire d’un professionnel, il lui faut alors convaincre ce dernier de la réalité de ces qualités, ce qui peut ne pas être très difficile en l’absence de jurisprudence en la matière ;
la connaissance du dispositif et la faiblesse des risques encourus. Pour qu’il y ait sanction, il faut que le locataire saisisse la commission de conciliation, puis le tribunal si un accord amiable n’est pas trouvé. Même dans ce dernier cas, le bailleur n’était tenu, aux termes de la loi ALUR, qu’à rembourser le trop perçu au locataire. La loi Elan a institué la possibilité d’une amende pouvant aller jusqu’à 5.000 euros, mais les études de l’OLAP portent sur la période antérieure à la promulgation de cette loi ;
la méconnaissance de la loi par le locataire, plus vraisemblable que pour le bailleur ;
la réticence du locataire à engager une procédure, alors qu’il a apposé sa signature sur le bail, ce qui peut lui apparaître comme la remise en cause d’un contrat dont il a accepté les termes. Il est sans doute d’autant moins motivé pour ce faire qu’il prévoit d’occuper un logement pendant une durée relativement brève, ce qui est souvent le cas pour les logements de petite taille : on comprend que dans ce cas il puisse hésiter à s’engager dans une procédure pour un gain hypothétique et d’un montant peu élevé.
|