Le congrès de l'USH (Union sociale de l'habitat - ex Union des HLM, qui fédère l'ensemble des organismes HLM), grand rendez-vous annuel du logement social, qui s'est tenu à Nantes à partir du 20 septembre 2005, ne pouvait pas tomber plus à-pic : deux incendies meurtriers qui ont eu lieu cet été dans des immeubles parisiens vétustes ont reposé la question du manque de logements sociaux en France, et mis en lumière crûment à la fois les conséquences de trente ans de désengagement des pouvoirs publics en faveur du logement, et les insuffisances de la politique actuelle qui prétend pourtant à un redoublement de l'effort, mais qui ne met pas réellement les moyens nécessaires pour atteindre ses objectifs...
Certes, la construction de HLM a été relancée par le plan de cohésion sociale : l'Etat et les organismes se sont ainsi engagés sur un rythme de 100.000 logements annuels alors que celui-ci était tombé à près de 50 à 60.000 selon ce qu'on met dans cette catégorie. Mais, ce plan, en place depuis quatre mois, connaît un démarrage mitigé, avec des régions accusant du retard, comme l'Ile-de-France, qui aura construit fin 2005 moins que l'année dernière.
Une première cause est le prix élevé des terrains, dopé par la flambée de l'immobilier et celle de la promotion privée, notamment sous l'effet du dispositif d'amortissement fiscal, dit "de Robien", qui, délivré sans grande contrainte en raison de plafonds de loyer élevés, favorise l'investissement locatif de haut de gamme. Michel Delebarre, président de l'USH, a beau jeu de critique le "double langage" du gouvernement qui d'un coté veut pousser la construction de logement social et de l'autre encourage le renchérissement des terrains, et ne donne même pas l'exemple en cédant les siens ou ceux des entreprises publiques au plus offrant !
Il est vrai que la critique a été entendue puisque Jean-Louis Borloo a annoncé que l'Etat pratiquerait dans ses ventes qu'il entend accélérer une décote de 25 % sur leur valeur de marché...
Le second obstacle est la crise du financement, un système "à bout de souffle", selon Paul-Louis Marty, délégué général de l'USH, qui rappelle que depuis la dernière grande réforme en la matière, qui date de 1977, "on a rien inventé de nouveau" !
Le directeur général de la Caisse des dépôts (CDC), Francis Mayer, tout en se félicitant que les organismes HLM économisaient 700 millions d'euros par an avec la baisse du taux du livret A, a indiqué le 21 septembre à l'AFP travailler avec le gouvernement sur un allongement de la durée des prêts, et une déconnexion du financement de l'achat de terrains avec celui de la construction, pour que les collectivités et les organismes HLM puissent constituer des réserves foncières. Il faut selon lui également parfaire les systèmes de décentralisation, tout en reconnaissant que "c'est un gros travail".
Enfin, il faut également que les organismes HLM et les collectivités constituent des réserves foncières. Et c'est peut-être là que le bât blesse : Claude Sadoun, président du Crédit immobilier de France, interrogé en marge du congrès, estime que "l'Etat a abandonné toute politique de maîtrise foncière et des besoins fonciers depuis 1960", et que la pénurie de terrains est "créée artificiellement par les documents d'urbanisme". Autrement dit, les maires délaissent le logement au profit de la construction d'équipements sportifs ou culturels.
Il est de bon ton de stigmatiser aujourd'hui les maires qui ne respectent pas les 20% de logement social exigés par l'article 55 de la loi "SRU" et de réclamer l'augmentation des sanctions, y compris au sein de la majorité parlementaire qui avait pourtant failli défaire cette obligation ! Il n'empêche que la réticence est bien réelle et même avouée par un maire comme Eric Raoult, qui non sans une certaine candeur met en avant le risque de non réélection, ce qui en dit long sur les préoccupations prioritaires d'une certaine catégorie d'hommes politiques : il est vrai que député-maire du Raincy (Seine-Saint-Denis) fait fort en proposant aux maires des villes ayant moins de 20% de logements sociaux de le rejoindre dans une "coordination" pour combattre un "a priori idéologique et partisan qui refuse de les écouter pour connaître leur spécificité" et élaborer "un projet équilibré de diversité urbaine qui substituerait le contrat à la contrainte" prenant en compte "les réalités actuelles de leurs politiques d'habitats et non de leurs situations passées", façon élégante d'exprimer le syndrôme "NIMBY" (Not in my backyard, ou pas dans mon jardin...) largement répandu dans leur électorat...
Le gouvernement est bien forcé de reconnaître le problème, et Jean-Louis Borloo a bien annoncé dans son discours de clôture l'étude d'un alourdissement de la sanction du non respect des 20%, ainsi que quelques autres mesures comme la possibilité pour les préfets, à partir du 31 décembre 2005, de se substituer aux maires pour signer les permis de construire avec les bailleurs sociaux. La taxe locale d’équipement sera également revue dans le projet de loi de finances 2006 pour encourager les maires à accueillir de nouveaux habitants.
Enfin, pour lutter contre la rétention de terrains par les propriétaires, la taxe foncière sur les propriétés non-bâties sera alourdie...
Reste que les objectifs fixés par la plan de cohésion sociale restent de l'avis de nombreux acteurs bien théoriques, d'autant plus que les circuits de financement et les filières de décision ont changé, du fait notamment de l'entrée en vigueur de la loi sur les responsabilités locales, et que la mise en place de cette nouvelle mécanique institutionnelle prend du temps et est susceptible de ralentir durablement le montage des opérations. Sans compter que la politique de construction de logements sociaux se télescope avec celle de démolition reconstruction et de restructuration des ensembles dégradés, à laquelle est consacrée une part croissante de crédits publics qui dans le contexte budgétaire actuel n'ont pas vraiment augmenté !
D'autant aussi qu'un autre facteur plus inattendu vient ajouter aux difficultés de la construction de logement social : l'indisponibilité des entreprises du bâtiment qui préfèrent répondre aux commandes de la promotion privée, jugées plus rémunératrices, et qui font face à une véritable pénurie de main d'oeuvre, ainsi que l'envolée des coûts de construction sous l'effet de l'augmentation des prix du pétrole et de l'acier...
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