Le gouvernement souhaite "assurer la continuité de l'activité" des transactions immobilières, a indiqué le cabinet du ministre chargé du logement après une réunion le 24 mars entre les fédérations de professionnels et le Conseil supérieur du notariat. Cette réunion faisait suite à un vif échange entre la Fédération nationale de l'immobilier (FNAIM) et le conseil supérieur du notariat (CSN). Tout a commencé par une lettre du président de la FNAIM au ministre pour dénoncer l’attitude de refus pur et simple de nombreux notaires d’authentifier des actes qui leur étaient demandés, malgré l’annonce par le CSN de la fermeture de l’accueil du public dans les offices tout en assumant leur obligation de service public, notamment via le télétravail. Et de demander au gouvernement d’intervenir auprès du CSN, car ce refus avait des conséquences pour les agents immobiliers impliqués dans les transactions qui ne pouvaient être actées – 100.000 ventes seraient ainsi en instance de réitération –, les mettant en difficulté, car la signature de l’acte authentique conditionne la perception par les agences de leurs honoraires de négociation. Or, fait valoir le président de la FNAIM, beaucoup d’adhérents de sa fédération n’ont que l’activité de transactions immobilières et sont de très petites entreprises, particulièrement touchées par la réduction d’activité brutale qu’elles subissent.
La réponse cinglante de Jean-François Humbert, président du CSN, a révélé un contentieux plus profond, lié au lancement par la FNAIM à l’occasion de son congrès de décembre dernier du « caducée ». Le président du CSN, tout en qualifiant la demande de la FNAIM de "revendication d’intérêts catégoriels en cette période de péril grave pour le monde", révèle que le CSN a assigné la FNAIM en référé pour "détournement d’emblèmes de l’État", et analyse cette mise en cause des notaires comme une tentative de réponse à cette assignation… S’en est suivi une très violente campagne de nombreux notaires sur les réseaux sociaux contre le président de la FNAIM, réveillant la virulence observée à l’époque des lois ALUR et Macron…
La réunion du 24 mars a permis, selon le cabinet du ministre, aux fédérations professionnelles (FNAIM, Unis, SNPI, Plurience), aux représentant des promoteurs (FPI, Afil) et au Conseil supérieur du notariat "d'échanger sur leurs difficultés respectives et d'organiser la continuité d'activités". Objectif qui n'est pas forcément partagé par tout le monde, certains professionnels estimant que "le maintien de l'activité immobilière n'est pas forcément "indispensable au pays au ces temps difficiles". C'est le cas d'un directeur de réseau d'agences, Frédéric Ibanez, qui a publié une lettre ouverte très critique à l'égard du président de la FNAIM, ponctuée de "j'accuse". De son côté, le CSN, en la personne de son président Jean-François Humbert, a démenti tout refus généralisé. Les notaires "ne renoncent pas [...] à leur mission de service public", a-t-il indiqué, mais la profession est "tributaire, dans l'exercice de sa mission, de la disponibilité de partenaires et de services publics également impactés par la crise".
Aujourd'hui, pour les ventes dans l'ancien, le CSN affirme qu'"une grande majorité des offices s'est organisée en télétravail avec des procurations permettant de signer les actes de vente". Pour les ventes dans le neuf en revanche, "il est nécessaire d'adapter les textes pour permettre des signatures en visioconférence. Un texte a été préparé par la chancellerie en ce sens". Celui-ci a déjà "été transmis au Conseil d'Etat" et, "dès sa publication, il facilitera la signature des acquisitions en VEFA", est-il indiqué.
La signature à distance des ventes immobilières reste cependant difficile. Pour signer une vente immobilière sans que le client ait à se déplacer, il est nécessaire qu’une procuration soit donnée à l’un des collaborateurs de l’étude notariale, de façon à ce que ce dernier représente physiquement l’acheteur ou le vendeur. Actuellement, il faut donc compter sur le volontariat des collaborateurs pour accepter de se déplacer, en dépit de l’épidémie de Covid 19.
Et quand bien même cet obstacle serait levé, d’autres subsisteraient tels que «les difficultés à obtenir les offres de prêt, à débloquer les fonds pour payer le prix et, surtout, à l’impossibilité de revisiter le bien avant l’acte de vente, à relever les compteurs, à se remettre les clés et à déménager», explique le CSN. C’est la raison pour laquelle, un consensus se dégage souvent en faveur d’un report de la signature de la vente immobilière.
Quant aux promesses de vente en cours, mieux vaut négocier des délais sur les clauses suspensives et les promesses elles-mêmes, afin qu’elles ne deviennent pas caduques, que d'essayer coûte que coûte d'arriver à une signature dans l'urgence. D'autant qu'une des ordonnances du 25 mars proroge les délais administratifs pour accepter ou refuser une demande, et qu'entre dans cette catégorie le délai imparti aux collectivités pour répondre à une déclaration d'intention d'aliéner (DIA), point de passage obligé avant de pouvoir signer l'acte authentique...
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