Mais
si la disparition de l'aide était une chance
pour les plus professionnels des promoteurs ? Et si
cette évolution, qui rompt avec près de
30 ans d'aides publiques à l'investissement locatif,
remettait les choses à leur place ? Plusieurs
observations à cet égard.
Tout
d'abord, si le dispositif fiscal a toujours eu un effet
incitatif, il n'a jamais constitué le seul argument
d'achat ni la seule composante de la rentabilité.
Le choix du lieu et de l'environnement, la qualité
de la construction, la taille et le standing du logement
rapportés au marché local, la possibilité
de pouvoir aisément trouver un locataire ou de
pouvoir le remplacer : voilà quels étaient
les critères fondamentaux de sélection.
Il est clair que la fiscalité redressait de façon
importante le rendement locatif - de l'ordre de 2% -
sur la durée de la réduction d'impôt
ou de l'amortissement, selon les époques et les
formules.
Le
problème est que cet argument a fini par rendre
les professionnels et les investisseurs moins exigeants
sur l'essentiel, au point de conduire à des excès,
ou en tout cas de rendre la production de logements
moins qualitative intrinsèquement parlant. L'opération-vérité
n'intervient d'ailleurs que lors de la sortie de la
période de contrat fiscal. A quoi a-t-on souvent
assisté ?
On
a vu des reventes qui révélaient des prix
initiaux qui n'étaient pas en accord avec les
qualités du bien, notamment en termes de localisation,
et des espoirs de plus-values déçus. Les
niveaux de loyer initiaux ayant servi de base au calcul
de rendement ont été difficiles à
tenir dès la première rotation de locataire,
avec des difficultés à louer le logement.
A la clef : une perte d'exploitation, généralement
au bout de quelques années, ou en tout cas à
la fin de la période fiscale.
Je
ne parle pas de scandales ni d'abus, même s'il
y en a eu de la part de promoteurs ou de réseaux
de commercialisation qui ont mis à mal l'image
de la défiscalisation et des promoteurs. Je parle
du gros de la production normale. La défiscalisation
a fait oublier qu'elle ne devait être qu'un atout,
et pas tout le charme.
Le
fard retiré, la construction locative va apparaître
sous son vrai jour, et les promoteurs fiers de leur
métier en sortiront grandis. On ne peut même
pas nier qu'il faille réinventer le modèle,
en restant vigilant à toutes les composantes
au profit du client investisseur.
Non,
les promoteurs dignes de ce nom ne promettront pas des
taux de rentabilité boostés, mais des
taux rendant compte du potentiel réel du bien.
Pour être clair, là où on annonçait
du 3,5%, on présentera du 1,5 ou du 2%, hors
plus-value de revente. Et alors? L'investissement immobilier
restera compétitif et surtout un bien réel
(par opposition aux placements mobiliers telles que
les actions boursières ou l'assurance vie).
Oui,
il sera plus que jamais nécessaire de l'assortir
de solutions de gestion fiables, parce qu'aucun cadeau
fiscal ne viendra amortir le choc d'une vacance anormale
ou d'un impayé non recouvré. Oui, il faudra
offrir des assurances et des garanties de haute qualité
et oublier définitivement les formules peu protectrices.
L'euphorie de réduire ses impôts n'atténuera
plus le manque de discernement de l'investisseur.
Oui,
il va être opportun de concevoir des logements
qui pourront plus aisément devenir des résidences
principales après avoir été des
investissements locatifs, pour les enfants des investisseurs
ou pour les propriétaires eux-mêmes, en
privilégiant l'habitabilité, la qualité
des équipements et la capacité des matériaux
à traverser le temps.
D'ailleurs,
il y a fort à parier que les promoteurs favoriseront
la mixité des statuts entre accédants
à la propriété et investisseurs,
alors qu'on avait fini par avoir des résidences
exclusivement occupées par des locataires et
composées de logements aux surfaces habitables
si petites qu'elles en devenaient inconfortables. Il
faut mettre fin aux appartements avec des séjours
de la taille d'une chambre et des chambres " placard
" de la taille d'une salle de bain. Les produits
seront ainsi moins calibrés, plus polyvalents,
et cette mixité locataires/propriétaires
au sein d'un même immeuble induira un entretien
plus qualitatif des parties communes. Les propriétaires
occupants sont gages d'une attention quotidienne supérieure,
on le sait d'expérience. Les syndics d'immeubles,
avec des conseils syndicaux plus attentifs, seront de
fait plus incités à apporter un meilleur
service. Enfin, si les appartements n'ont plus le destin
définitif d'être locatifs, leurs acquéreurs
seront plus enclins à les acheter enrichis des
attributs du développement durable : il est désormais
certain que la facilité à revendre et
le confort à habiter soi-même sont conditionnés
par la vertu énergétique.
Passé
le moment de l'agacement, je ne considère pas
que la fin du Scellier soit la fin de l'investissement
locatif. Je considère à l'inverse que
c'est une chance pour les professionnels les plus sérieux
et les plus exigeants, comme pour leurs clients.
Il
reste toutefois aux propriétaires fonciers, notamment
les collectivités locales et les aménageurs,
à ne pas trop se laisser séduire par le
seul critère de la meilleure offre foncière
au détriment de la conception et de la qualité
du projet qui leur est présenté.
Il
faut aussi et surtout garder à l'esprit que ce
que nous bâtissons traversera plusieurs générations
successives, la durée de vie d'une résidence
n'est pas limitée à celle d'un dispositif
fiscal.
Par
Marc Gedoux, Président de Pierre
Etoile
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