Selon
une étude IFOP de septembre 2011, 50 % des
ménages consacrent entre 30 et 50% de leurs revenus
disponibles au logement, 15 % déclarent même
être obligés de réduire leur budget
alimentation. Le loyer étant le principal poste
de dépenses des ménages, il suffirait
donc de bloquer les loyers pour faciliter l'accès
au logement des locataires. Certains proposent de bloquer
strictement les loyers, d'autres de limiter la hausse
à l'IRL même en cas de relocation. Les
opposants estiment que le marché s'auto régule
et que cette mesure serait même contreproductive.
Chaque camp propose des arguments recevables mais je
propose d'autres pistes de réflexion qui s'attaquent
au réel problème : le manque de logements
à prix abordables.
Encadrer
les loyers pour favoriser l'accès au logement
Selon les partisans de cette mesure, cela permettrait
à court terme de relancer le pouvoir d'achat
des ménages et donc de relancer la consommation.
Un logement plus abordable favoriserait la mixité
sociale et la mobilité professionnelle. Des loyers
plus faibles permettraient souvent de rapprocher le
locataire de son lieu de travail et donc de diminuer
les frais de transports et la pollution associée.
D'autre
part, en cette période de crise ne semble-t-il
pas normal de privilégier le locataire
par rapport au propriétaire qui possède
déjà un patrimoine immobilier ? Compte
tenu du rendement des placements financiers actuels,
l'immobilier resterait un investissement sûr même
avec un blocage des loyers.
Même
si Monsieur Apparu, secrétaire d'état
au logement, est farouchement opposé au blocage
des loyers, il propose néanmoins une taxe sur
les loyers abusifs des chambres de bonne supérieurs
à 40 € le m2 qui semble prouver qu'il faut
réguler le marché locatif.
Est-ce
en encadrant les loyers que l'on va réellement
aider les locataires ?
D'après les opposants, les loyers ont atteint
un niveau si élevé qu'il est de plus en
plus difficile de trouver des locataires solvables.
Conséquence les prix ont tendance à se
stabiliser voire à diminuer dans certains secteurs.
En d'autres termes le marché s'auto régule
et cette mesure est donc inutile. De plus, les loyers
sont déjà plafonnés pour tous les
investissements immobiliers réalisés dans
le cadre du dispositif Scellier et chaque année
l'Etat publie un décret pour bloquer les loyers
parisiens.
Après
la réforme de la plus-value immobilière
cette nouvelle mesure pourrait finir par décourager
totalement les investisseurs privés. En décourageant
les particuliers d'investir dans l'immobilier locatif
ce sont les locataires qui seront pénalisés
à terme par le manque de logements disponibles.
La
rentabilité étant moindre, le propriétaire
aura plus de mal à réaliser les travaux
d'amélioration de son logement en particulier
ceux visés par le Grenelle de l'environnement.
Les prix de l'immobilier continuant de monter la rentabilité
d'un investissement locatif serait bientôt nulle.
Dans ces conditions pourquoi investir dans l'immobilier
locatif ?
Et
s'il existait d'autres solutions pour favoriser le marché
locatif ?
Il faut avoir le courage d'orienter la politique du
logement vers l'accroissement de l'offre (construction
de nouveaux logements) plutôt que vers la demande
(aides individuelles au logement). Limiter progressivement
les aides au logement de 6 millions de ménages,
qui paradoxalement favorisent les propriétaires.
En effet, sans ces aides les bailleurs trouveraient
moins de locataires solvables et seraient amenés
à baisser les loyers. Une partie de ces aides
estimées à 16 milliards d'euros serait
alors systématiquement réinvestie dans
la construction de logements sociaux.
On
devrait également libérer plus rapidement
les logements sociaux occupés par des locataires
qui disposent de revenus supérieurs aux plafonds.
Créer en priorité des logements intermédiaires
pour les locataires qui ne peuvent accéder aux
logements sociaux et qui n'ont pas la capacité
à louer dans le privé. On peut imaginer
la création d'un avantage fiscal uniquement
pour les bailleurs qui investissent dans ces zones et
qui s'engagent à respecter des plafonds de loyers.
Il
convient de favoriser une politique de logement locale
pour permettre aux collectivités territoriales
d'intervenir directement sur le foncier, la densité
de construction, les tailles des logements, les aides
aux logements, les normes (handicapé, écologique,
), les incitations fiscales aux investisseurs,
les taxes immobilières,
pour s'adapter
au marché local.
Il
est temps de ne plus estimer les loyers dans une ville
en se rapportant à un prix théorique du
m2 quel que soit le logement. Chaque type de location
représentant à lui seul un micromarché
spécifique avec ses propres prix en fonction
des surfaces offertes comme le montrent clairement de
nouveaux outils comme la Cote
des Loyers.
Augmenter
la densité de construction au coeur des
agglomérations et favoriser la division parcellaire
des maisons individuelles pour faire face au manque
de foncier. Obliger les communes dans les zones tendues
à respecter (voire augmenter) le ratio de 20%
de logements sociaux en alourdissant les amendes et
taxer les logements non occupés ou le foncier
non utilisé.
Enfin,
laissons Action Logement (ex 1% logement) gérer
librement les ressources collectées auprès
des entreprises de plus de 20 salariés pour les
aider dans leur parcours résidentiel. L'Etat
ayant ponctionné 3,7 milliards d'euros de 2009
à 2011.
Je
comprends la difficulté des locataires à
se loger pour un budget correct. Mais cette problématique
du logement locatif doit-elle être supportée
uniquement par les petits propriétaires en bloquant
les loyers ? La majorité de ces bailleurs possède
un ou deux biens dont les revenus locatifs viendront
compléter leur retraite.
Le
problème majeur du logement en France est avant
tout un problème de disponibilité de logement
à prix abordable. N'oublions pas que les investisseurs
institutionnels se sont retirés de ce marché
au profit de l'immobilier d'entreprise. Les bailleurs
particuliers jouent un rôle essentiel dans le
logement en France car le marché locatif privé
permet de loger plus de 20 % des ménages français.
J'espère
que la campagne présidentielle sera un lieu privilégié
de discussion pour une véritable politique du
logement qui ne se résumera pas à encadrer
ou non les loyers. Je laisserai la conclusion à
l'économiste suédois Assar Lindbeck, qui
fut président du comité Nobel d'économie,
et qui déclara que "après les bombes
incendiaires, le contrôle des loyers est le plus
sûr moyen de raser une ville".
Par
Richard Horbette, fondateur de LocService.fr
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