Depuis
quelques mois, les problèmes que rencontrait
ce groupe avec ses banques alimentaient les chroniques
professionnelles. Certains groupes de pression ont cru
utile de s'en accaparer pour faire avancer des propositions
visant la modification de la loi de 1965 sur la copropriété.
Celles-ci semblent toujours d'actualité.
Or
de notre point de vue, ces propositions nous semblent
non pertinentes, ou pour le moins incomplètes,
par rapport aux problèmes posés par cette
affaire. De façon surprenante, la proposition
de loi modificative ne concerne que l'activité
des syndics de copropriété. A aucun moment,
elle n'inclut l'activité dédiée
à la gérance locative.
Un projet de loi de circonstance qui ne traite qu'une
partie du problème soulevé
Comment
peut-on se satisfaire d'un texte laissant de côté
tout un pan de l'activité des administrateurs
de biens ? Cette interrogation démontre déjà
le caractère partiel sinon orienté de
cette proposition
En
fait, un certain nombre d'acteurs du secteur de l'administration
de biens ont parfois réagi de façon excessive
à des informations incomplètes rapportées
par la presse. Celles-ci auraient dû rester confidentielles.
De cette façon, Urbania aurait bénéficié
d'un environnement propice à l'émergence
de solutions aux problèmes qu'elle rencontrait
avec ses banques. Pour peser sur les décisions,
certaines parties prenantes se sont permis à
l'évidence, de divulguer quelques informations
choisies. Une fois mises sur la place publique, ces
informations partiales présentaient soudainement
les administrateurs de biens comme portant tous les
péchés du monde. A mon sens, l'analyse
des raisons de cette situation par les professionnels,
le législateur et le gouvernement mérite
d'être réexaminée.
Fort
d'une légitime inquiétude sur la représentation
des fonds des copropriétaires, pourquoi n'est-on
pas aussi préoccupé par les fonds appartenant
aux propriétaires bailleurs et locataires ? Or
l'utilisation de ces fonds, à un usage autre
que celui qui aurait dû en être fait, peut
poser problème.
Pour
mieux comprendre, il faut faire un retour en arrière
au moment où la loi Hoguet a été
votée le 2 janvier 1970 et à la date de
publication de son décret d'application, le 20
juillet 1972. Depuis cette époque, la loi a peu
évolué, alors que l'exercice de la profession
d'administrateur de biens, réglementée
par ces textes, s'est largement modifiée.
Originellement
la profession d'administrateur de biens était
exercée par des cabinets familiaux indépendants,
dont la manière d'exercer leur activité
s'apparentait à un exercice " libéral
". Depuis les années 80, sont apparus, sous
l'impulsion des " vendeurs d'eau ", des regroupements
capitalistiques qui ont changé en profondeur
la physionomie des cabinets de gestion d'immeubles.
L'affaire Urbania révèle
surtout les lacunes de la loi Hoguet
En
conséquence, ce n'est plus la Loi sur la copropriété
qui devrait à l'heure actuelle être modifiée,
mais la loi Hoguet, car elle est devenue imparfaite
sur deux points :
-
Le premier, est que l'obligation légale d'ouvrir
un compte bancaire dédié ne s'applique
qu'à l'activité de transaction et non
pas à celle de gestion immobilière.
L'obligation d'ouvrir un compte bancaire pour cette
dernière activité ne s'impose légalement
qu'en cas de cessation de la garantie financière
par le garant et en cas de non obtention d'une garantie
de la part d'un autre garant.
Ce
n'est qu'en cas de cessation de la garantie financière
délivrée par le garant, que l'article
70 du décret de 1972 oblige l'administrateur
de biens, ne disposant plus de cette garantie, de créditer
le compte dit " de l'Article 70 " de l'ensemble
des fonds et valeurs détenus pour compte de tiers.
Toutefois dans la pratique, la plupart des professionnels
ouvrent des comptes bancaires dédiés à
cette activité. Mais ce n'est que la conséquence
des obligations réglementaires provenant de deux
sources :
.des règlements intérieurs des sociétés
de cautionnement mutuel qui délivrent les dites
garanties.
.des recommandations du Conseil National de la Comptabilité
qui demande aux experts-comptables, de créer
un compte de régie qui doit avoir sa contrepartie
dans un compte bancaire.
Mais
ce n'est pas une obligation légale. Certains
administrateurs de biens ont réussi à
s'y soustraire dès lors qu'un banquier, un expert-comptable
et un garant ne les obligent pas à respecter
une certaine orthodoxie professionnelle et créent
ainsi une confusion entre leur trésorerie propre
et celle détenue pour compte de tiers. C'est
ce qui est peut être arrivé au sein du
groupe Urbania.
-
Le second point, consisterait à faciliter la
mise en uvre de la garantie financière
par ses bénéficiaires finaux en cas de
non représentation des fonds par un professionnel
défaillant. En effet, pour que cette garantie
soit opérante, la créance de la copropriété,
du bailleur ou du locataire, doit être "
certaine " " liquide " et " exigible
". Dès lors que le créancier n'a
pu faire expertiser et juger que le professionnel lui
doit une certaine somme, le garant n'est pas obligé
légalement de rembourser les fonds.
Comme
chaque syndicat de copropriété, propriétaire
ou locataire est titulaire d'une créance dont
le montant reste inférieur à 10.000 €,
et comme il ne peut de surcroit se regrouper au sein
d'une même procédure, ils n'ont pas le
plus souvent les ressources nécessaires pour
mener individuellement une procédure judiciaire
à l'encontre des garants. Ils se retrouvent donc
contraints d'abandonner le recouvrement de leurs fonds.
De
ce fait, malgré un nombre de défaillances,
peu élevé, mais néanmoins non négligeable,
les montants des sinistres pour lesquels les garants
sont réellement appelés sont très
inférieurs aux sinistres réels. Ainsi
pour les garants concernés, le coût de
ces sinistres est très faible. En l'état
l'activité de délivrance de garanties
financières, au titre de la Loi Hoguet, peut
être une activité rentable.
Cette
situation s'est amplifiée avec l'évolution
de la réglementation bancaire qui exige des établissements
financiers et bancaires un niveau de fonds propres plus
important que le niveau applicable aux autres acteurs
délivrant ce type de garanties.
Ceci a d'ailleurs amené certaines sociétés
de cautionnement mutuel à changer de statuts,
passant de celui d'établissement financier à
celui de compagnie d'assurance.
En
effet, les sociétés d'assurance, également
habilitées par la Loi Hoguet à délivrer
ces garanties financières, ont des exigences
en matière de fonds propres moindres que celles
des banques et des établissements financiers.
Qui plus est, quand leur ratio de sinistres sur primes
encaissées est faible. Ainsi, en minimisant en
toute légalité le montant des remboursements
liés aux sinistres, ces nouveaux acteurs se sont
multipliés. Ils ont développé une
politique de délivrance de garantie financière
à moindre coût et à destination
d'administrateurs de biens dont la situation financière
exigerait légitimement qu'elle leur soit définitivement
refusée.
Cette
situation a eu pour conséquence de permettre
à un certain nombre de cabinets d'administration
de biens de continuer à exercer. Du fait de leur
nombre, ils ont tiré vers le bas le niveau des
honoraires que ces métiers exigent pour être
convenablement exécutés. L'insatisfaction
des clients sur la qualité du travail rendu,
ne peut qu'augmenter, lorsque certains leur font croire
que le niveau des honoraires restent toujours trop élevé.
Le
projet de réforme de la loi sur la copropriété
ne nous semble répondre en aucun point aux problématiques
posées par l'analyse objective et technique de
la situation révélée dans l'affaire
Urbania.
Pour
résumer il faut réformer la loi Hoguet
selon deux points importants :
1
- Introduire dans la loi, pour l'activité "
Gestion Immobilière ", l'obligation d'ouvrir
un ou plusieurs comptes dédiés à
la réception des fonds mandants, en laissant
aux différents mandants le choix d'ouvrir ces
comptes en leur nom.
En
effet suivant la taille de ces derniers, l'opportunité
de l'ouverture d'un compte dont ils seraient les titulaires
n'est pas la même. Ceci est d'autant plus vrai
que la multiplication de ces comptes aurait pour corollaire
l'augmentation des coûts de gestion administratifs.
Il ne peut échapper à personne que la
gestion et le classement de tous les documents relatifs
à une centaine de comptes prend plus de temps
que pour un seul compte bancaire.
2
- Obliger les garants à être plus sélectifs
dans la délivrance de leurs garanties de façon
à ce qu'ils soient systématiquement impactés
en cas de défaillance du professionnel garanti.
Pour ce faire, il faut donner la possibilité
à l'ensemble des mandants - Syndicats de copropriété,
Propriétaire bailleurs et locataires - de pouvoir
engager une " action collective " pour faire
valider leurs créances par le biais d'une seule
procédure vis à vis du garant. Dès
lors que ces derniers s'exposeraient à être
appelés pour des montants plus importants, ils
seraient naturellement et de manière autorégulée,
amenés à ne délivrer leurs garanties
qu'à des professionnels de qualité.
Si
ce type de dispositions ne sont pas édictées,
les mêmes causes produiront les mêmes effets.
Par
Bernard Terrasse
Directeur du Département des Professions Réglementées
Immobilières de la Bred Banque Populaire.
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VOS
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1.
(Contribution reçue le 28 octobre 2010 à
10h44)
Nous
avons lu avec intérêt la tribune de Monsieur
Terrasse, responsable à la Bred Banque Populaire
étant ici rappelé que les Banques Populaires
sont propriétaires du groupe FONCIA.
Votre interlocuteur, dans un premier temps, confirme
- ce que nous disons seuls depuis plusieurs années,
voir nos articles sur les LLOYD'S - que la garantie
des fonds mandants des syndics fonctionne très
mal, générant des effets pervers.
Bravo, c'est la première fois que nous sommes
rejoints sur cette question si importante.
Dans
un deuxième temps néanmoins et pour résoudre
le problème, votre interlocuteur propose une
solution qui est étonnante :
- "
permettons aux syndics de conserver leur compte unique
;
- "
en cas de faillite, permettons simplement aux créanciers
de se regrouper pour obtenir gain de cause ".
Étonnant.
Voici un grand professionnel qui admet que le système
ne marche pas et qui - au lieu de fournir une proposition
pour que la garantie fonctionne simplement - nous dit
: " Facilitons les recours judiciaires et tout
ira bien, car les garants auront peur et feront la police
".
Cette
réponse à la fois déconcertante
et inefficace montre que ce banquier-syndic veut tout
simplement - avec cette non solution - faire oublier
la vraie solution que tout le monde connaît, à
savoir :
-
obligation du compte séparé généralisé,
sans dérogation et avec fourniture des relevés
bancaires au conseil syndical ;
- donc possibilité de déterminer
simplement la créance en cas de faillite ;
- donc possibilité e faire jouer simplement
la garantie, ceci sans aucune nécessité
de faire quelque procédure judiciaire que ce
soit.
Pourquoi
faire compliqué quand on peut faire simple ?
Fernand
Champavier
Le
Président de l'Arc.
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