Ce sera le cas si une proposition de loi, soutenue par les associations de consommateurs mais aussi par les nouveaux concurrents d'EDF et GDF, qui doit permettre aux ménages de revenir aux tarifs réglementés d'électricité et de gaz dans un nouveau logement, va jusqu'au bout du processus parlementaire. Synthèse de trois textes présentés par des élus UMP et socialistes, la proposition de loi rétablit la possibilité pour les particuliers qui emménagent dans un nouveau logement de souscrire un contrat avec le fournisseur historique (GDF pour le gaz et EDF pour l'électricité) aux tarifs réglementés quand bien même un occupant précédent du logement (propriétaire ou locataire) aurait souscrit un contrat au tarif "libre" avec un concurrent. En l'état actuel de la législation, cette possibilité n'existe pas, la sortie du tarif réglementé étant définitive pour le logement et non pour l'occupant !
Cette irréversibilité du passage aux tarifs du marché libre était censée permettre la possibilité même de maintenir des tarifs réglementés en compatibilité, avec les directives européennes relatives à l'ouverture à la concurrence du marché de l'énergie, telles que transposées en droit interne par les lois du 10 février 2000 et du 3 janvier 2003, modifiées par les lois du 9 août 2004, du 13 juillet 2005 et du 7 décembre 2006 : directive de 1996 concernant l'électricité, suivie en 1998 d'une directive sur le gaz, et deux directives du 26 juin 2003 concernant des règles communes pour le marché intérieur de l'électricité et du gaz naturel, ayant vocation à organiser le marché de l'énergie sur l'ensemble du territoire de l'Union européenne.
Il faut savoir que l'irréversibilité n'était prévue dans la loi du 7 décembre 2006 que pour les consommateurs non domestiques, et qu'elle a été étendue aux consommateurs domestiques par le Conseil constitutionnel ! Du coup, la proposition de loi vise à revenir à la charge et rétablir la disposition retoquée, espérant que cette fois personne n'aura la mauvaise idée de saisir le Conseil : pas vu, pas pris...
Prudents, les auteurs de la proposition en ont limité les effets dans le temps, jusqu'au 1er juillet 2010.
L'émotion créée par l'irréversibilité attachée au logement de la sortie des tarifs réglementés est paradoxale par bien des aspects : elle tient en fait au sentiment général que l'ouverture totale à la concurrence des marchés du gaz et de l'électricité risque de se traduire plutôt par des hausses de prix que par des baisses - ce qui notons au passage est contraire au but théoriquement recherché et en dit long quant au bien-fondé même de la libéralisation - et qu'une sortie inconsidérée d'un occupant du parapluie protecteur des tarifs fixés par le gouvernement (dont on s'attend qu'il modère les hausses) peut créer un préjudice aux occupants suivants, et même dévaloriser le logement !
A noter que le gouvernement joue à cet égard les Ponce Pilate : successeur de celui qui a fait voter cette irréversibilité, il a laissé des parlementaires de la majorité monter au créneau sans s'y opposer, le secrétaire d'Etat à la consommation Luc Chatel s'en remettant "à la sagesse du Sénat". Plus fort, la ministre de l'économie, Christine Lagarde, se dit "réjouie" de cette proposition, sans expliquer pourquoi dans ce cas le gouvernement n'en n'est pas l'auteur ! Constatant une "volatilité" des prix de l'énergie sur le marché, elle s'est félicitée que "les tarifs réglementés assurent la stabilité des prix" proposés par EDF et GDF, alors que seuls "quelques milliers de contrats ont été signés" par des particuliers pour des énergies à prix libres depuis le 1er juillet...
Il est vrai qu'alertés par les médias et les organisations de consommateurs, UFC-Que Choisir en tête, ils ne se sont pas précipités sur la concurrence, notamment en ce qui concerne l'électricité (5.000 passages à la concurrence selon EDF) : du coup GDF, qui compte bien capter une partie des clients d'EDF et Poweo, qui avait aussi de grands espoirs font grise mine et misent sur le succès de la proposition de loi, espérant que la possibilité de retour arrière, au moins pour un successeur dans le logement, rendra les consommateurs moins craintifs ! Ainsi par exemple les bailleurs ne seront-ils pas tentés d'interdire dans les contrats de bail tout changement de fournisseur sans leur autorisation (disposition à la légalité douteuse mais conseillée par une grande organisation de propriétaires)...
En réalité le gouvernement joue sur du velours : si le Conseil constitutionnel retoque la proposition de loi, il pourra toujours s'exonérer du camouflet, et s'il n'est pas saisi, ce sera tout bénéfice !
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