Il a fallu attendre trois années pleines après les premiers drames - 25 morts, pour moitié des enfants, dans la nuit du 14 au 15 avril 2005 dans un incendie d'un hôtel du 9ème arrondissement à Paris, suivi au mois d'août par d'autres sinistres meurtriers - pour que l'Etat établisse enfin un état des lieux de l'habitat indigne en France : dévoilé par l'Express, il est accablant !
Le texte, rédigé par Nancy Bouché, présidente du Pôle national de lutte contre l'habitat indigne, précise que "si la qualité du logement s'est considérablement améliorée depuis les années 1970, cette situation a occulté la réalité de la subsistance d'un secteur réellement indigne fort lucratif pour des propriétaires peu délicats". Il s'agit pour l'essentiel de "marchands de sommeil", ces bailleurs qui, tout en négligeant l'entretien de leurs propriétés, encaissent des loyers auprès de locataires souvent en situation de précarité.
L'importance de ce parc de logements dégradés est révélé par les arrêtés de police pris dans chaque département et portant sur l'insalubrité ou l'insécurité (l'état de péril) des bâtiments. Selon l'enquête, 28 départements ont au moins 20 mesures de police en cours, 17 autres en dénombrent au moins 50.
Ainsi, le Nord, fortement urbanisé et peuplé, affiche à lui seul 576 arrêtés d'insalubrité concernant plus de 1.000 logements accueillant au total 2.500 personnes. Suit de près la Seine-Saint-Denis : la préfecture y a recensé 469 arrêtés d'insalubrité, dont 239 sont assortis d'une interdiction définitive d'habiter. Ils concernent 1.800 logements. 160 autres arrêtés de péril ont, par ailleurs, été lancés par les maires. L'enquête du ministère du Logement précise enfin que, sur les 348 hôtels meublés du département, 51 ont fait l'objet d'un avis défavorable à la poursuite de leur exploitation. Côté justice, une trentaine d'affaires font l'objet de procédures en Seine-Saint-Denis.
Le sud de la France n'est pas épargné : dans le Var, les services de l'Etat ont pris 68 arrêtés d'insalubrité depuis 2002, alors qu'une cinquantaine d'arrêtés de péril sont en cours, dont un nombre significatif à Toulon. Il s'agit alors, très souvent, d'immeubles en copropriété.
Le rapport déplore la passivité fréquente des préfectures : accueilli avec volontaroisme par Christine Boutin, ministre du logement et de la ville, il révèle l'insuffisance de relais efficaces, et surtout un obstacle majeur : la difficulté à reloger les habitants expulsés. Ainsi, les locataires d'immeubles déclarés définitivement insalubres doivent être pris en charge par le bailleur. Et, si ce dernier ne répond pas à son obligation de relogement, c'est à l'autorité publique de trouver une solution, et force est de constater qu'elle n'est pas toujours au rendez-vous...
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