La commission constituée au sein du CNIS (Conseil national de l'information statistique) sous la direction de Bernard Worms, président de l'ANIL a rendu son rapport à Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, sur l'information statistique sur le logement et la construction. Elle était chargée d’une expertise de la qualité des indices et prix moyens actuellement produits par les différents acteurs du marché immobilier - notaires, fédérations et réseaux d'agents immobiliers, fédération des promoteurs-constructeurs - ainsi que par les administrations et l'INSEE, et de proposer les voies et moyens de se doter d’ "indicateurs fiables, suffisamment fins et actualisés, pour mieux connaître l’évolution du marché, au plan national comme au niveau local".
La demande des pouvoirs publics, telle qu'elle a été formulée, est de pouvoir disposer à terme d'outils de pilotage performants, mais également de "donner plus de transparence au marché du logement, gage d'efficacité et d'équité dans les transactions".
Le rapport fait un état des lieux des statistiques publiques et privées ; sans surprise, il note la "grande qualité et la précision des données statistiques publiques au niveau national", mais déplore "le manque d'accès à des données locales", et le manque de réactivité et d'indicateurs conjoncturels avancés". Il ne fallait pas être grand clerc : si les chiffres des notaires sont établis sur une collecte quasi exhaustive des transactions signées dans leurs études en Ile-de-France, il n'en va pas de même en province ou certaines villes comme Carpentras sont même ignorées des statistiques.
Par ailleurs, les chiffres des notaires et de l'INSEE, publiés avec un délai de 2 à 4 mois après la collecte des informations à la source donnent les prix des ventes signées en acte authentique, et décrivent donc les conditions de marché prévalant 5 à 9 mois avant leur parution...
Le rapport regrette aussi "la présence de gisements d'information inexploités" (les données de l'administration fiscale par exemple), et "le manque d'accès à l'information"...
Concernant les sources privées, il dénonce une "difficulté de lecture" et préconise "la mise en place d'une offre d'étalonnage - un indice de fiabilité - pour les producteurs de [ces] statistiques afin de rendre plus fiables et plus lisibles les différentes sources d'information. C'est une façon diplomatique de prendre acte des critiques qui ont été faites aux indices de la FNAIM, dont toutes n'étaient pourtant pas exemptes d'arrières-pensées...
27 mesures sont préconisées au total, dont l'organisation de la statistique publique pour une meilleure connaissance du logement au niveau local, l'accompagnement des notaires dans l'amélioration de leur outil statistique et dans sa diffusion, l'amélioration des enquêtes et des systèmes de production statistiques de l'INSEE et des ministères, et un accès facilité pour tous aux données...
"A terme nous avons comme ambition de proposer des statistiques à l'échelle d'une rue", a déclaré Benoist Apparu à l'AFP, mentionnant l'idée d'un "portail Internet référent" qui permette au grand public d'avoir les bonnes références. "Il suffirait de taper le nom d'une rue pour accéder au prix au m² des cinquante dernières ventes conclues dans cette rue" a-t-il notamment indiqué, en reconnaissant qu' "il y a du travail" pour y arriver...
Le problème est surtout de reconnaître que l'information que produisent institutions publiques (administrations de l'équipement et du logement, INSEE), ou semi-publiques (notariat) vise surtout à satisfaire les besoins des pouvoirs publics ; quel est intérêt en effet pour les acteurs du marché immobilier de connaître l'indice des prix "corrigé des variations saisonnières" des ventes conclues il y a presque un an ? Par contre connaître les prix moyens par type de biens et par quartier dans toute la France et avoir les moyens avec d'estimer le juste prix d'un appartement ou une maison en fonction de ses caractéristiques est autrement plus opérationnel. Mais il faudra pour cela que notaires et agents immobiliers se mettent d'accord sur les informations stratégiques qu'il faut collecter dès la promesse de vente qui est signée chez les uns ou chez les autres, et qu'ils mettent en place des traitements statistiques appropriés permettant leur utilisation et leur mise à disposition, dans des conditions qui les rendent accessibles, et donc à des prix non-prohibitifs pour les professionnels et le grand public. Vu la bonne volonté des parties prenantes, il faudra beaucoup de volonté politique et de constance pour surmonter les difficultés techniques et relationnelles d'un tel projet...
A moins que des acteurs privés viennent mettre tout le monde d'accord : encore faudrait-il qu'ils aient accès à l'information source sur les transactions en train de se faire ou tout juste conclues ; pour les premières, les trois ou quatre grands portails d'annonces sont pratiquement en mesure de fournir des informations précises sur les prix demandés. Restent les transactions conclues en promesse de vente : une grosse moitié est signée chez les agents immobiliers ; une collecte contractuelle avec les réseaux et les fédérations de professionnels, plus quelques grands groupes tels Foncia, peut réunir un nombre suffisant de références pour que leur traitement permettre de dégager des indices et prix moyens fiables. Telle est en fait l'ambition du professeur Mouillart qui, fort de l'expérience et du succès de l'observatoire CLAMEUR pour les loyers, fondé à peu près sur ce principe, a annoncé pour cet été la mise en place d'un observatoire pour les prix de vente.
Les notaires risquent alors d'arriver sur un marché déjà occupé...
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