Le ministre de l'écologie, Jean-Louis Borloo, a présenté au conseil des ministres du 8 avril une communication relative au traitement des zones les plus exposées à la suite de la tempête Xynthia, et dans la foulée les préfets de Vendée et de Charente-Maritime ont présenté aux élus puis à la population concernée la délimitation des zones d'extrême danger, dites "zones noires" où les risques peuvent être mortels, destinées à retourner à l'état naturel, avec d'éventuelles activités diurnes, comme par exemple les activités ostréicoles.
L'Etat proposera d'emblée l'acquisition à l'amiable des biens situés dans ces zones pour ceux qui le souhaitent. A défaut il pourra engager une procédure d'expropriation. Par ailleurs, des prescriptions seront imposées dans les zones exposées aux risques qui peuvent être protégées ("zones jaunes"). Ces zones devront faire l'objet d'un programme de protection sur la base de systèmes d'alerte et d'évacuation, de prescriptions techniques sur les bâtiments ou de protections collectives.
La définition des zones repose sur plusieurs critères : hauteur d'eau constatée (à partir d'un mètre), vitesse/force de la vague, possibilité de se protéger.
Les procédures d'acquisition à l'amiable, et ultérieurement les éventuelles procédures d'expropriation, seront financées par le fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit "fonds Barnier", créé en 1995. Dans tous les cas, pour le sinistré, le rachat du bien, y compris le foncier, se fera à la valeur établie par France-Domaines a indiqué le ministre, cette estimation se faisant - précision utile - sans tenir compte du risque pour ne pas pénaliser les sinistrés. L'intervention du fonds se fera en complément des montants perçus par les sinistrés de leur assurance au titre des dommages subis, et qui ne pourront être utilisés pour les réparations du fait de la démolition, elle-même à la charge de l'Etat. Enfin, le ministre promet aux personnes devant être relogées un accompagnement personnalisé.
Cela suffira-t-il pour calmer des esprits qui n'ont pas tardé à s'échauffer ? pas sûr ! Déjà la commune de La Faute-sur-mer, la plus touchée par le passage de Xynthia avec 29 morts et où l'Etat prévoit de raser 674 maisons situées en "zone noire", "va demander une révision" de ce zonage pour en réduire l'ampleur, a indiqué le maire, René Marratier. Il a rappelé que la commune comprenant "un parc de 4.000 habitations" et que la zone noire présentée par l'Etat représente "8 à 10 hectares" de la commune "annihilés". Selon le maire, la perte du camping municipal, qui doit fermer le 15 avril, représente "800.000 euros" de recettes en moins et celle de 674 habitations quelque "674.000 euros" d'impôts en moins, une perte qu'il espère voir compenser par l'Etat.
L'autre commune sinistrée, l'Aiguillon, pourrait suivre. Les commerçants du secteur sont catastrophés et poussent à limiter les "zones noires".
Par ailleurs, l'indemnisation des propriétaires s'annonce aussi conflictuelle ; l'addition partagée entre l'Etat et les assureurs pourrait s'élever "entre 300 et 400 millions d'euros" au total, a estimé Jean-Louis Borloo, le 8 avril, lors d'une audition au Sénat. Les prix du marché avant la tempête, sans tenir compte du risque apparu depuis lors, devrait alourdir la note dans des stations balnéaires où le prix de certains pavillons peut atteindre 600.000 euros.
Les indemnités aujourd'hui plafonnées à 60.000 euros par maison devront être déplafonnées a reconnu le ministre. Or le "fonds Barnier" n'est pas florissant, comme le rapporte le quotidien Le Monde : les missions du fonds , alimenté par un prélèvement sur chaque contrat d'assurance, n'ont cessé d'être élargies, au point qu'avant même la tempête, "le montant des dépenses engagées était déjà deux fois supérieur aux recettes", selon les sources citées du ministère de l'écologie.
Les recettes annuelles atteignent environ 150 millions d'euros. Compte tenu de la durée des programmes et de l'étalement des paiements, le fonds Barnier "dispose actuellement de 80 millions d'euros de trésorerie en caisse", soit un quart du coût probable des indemnisations, indique la même source, selon le quotidien. Ce n'est donc pas gagné d'autant qu'au-delà de l'évacuation définitive des zones noires, le fonds Barnier devra aussi financer les démolitions des bâtiments et des infrastructures, le retour à la nature.
Pour le député Christophe Priou (UMP, Loire-Atlantique), cité par Le Monde, qui dénonçait déjà le problème de ressources du fonds Barnier lors de l'examen de la loi de finances 2010, "la meilleure solution serait d'augmenter les recettes en haussant le taux de prélèvement sur les contrats d'assurances, même si cela revient à faire payer les clients".
Dominique Souchet et Véronique Besse, députés de Vendée et membres du Mouvement pour la France, présidé par Philippe de Villiers, ont suggéré, mercredi, une autre piste : ils ont déposé une proposition de loi, cosignée par une trentaine de députés, visant à "créer un fonds d'indemnisation alimenté par un prélèvement sur le chiffre d'affaires des promoteurs immobiliers qui ont loti et construit en zone inondable".
"Une manière de désigner un bouc émissaire", indique Le Monde, qui suggère que "les missions d'information diligentées par l'Assemblée nationale et le Sénat, tout comme l'enquête préliminaire pour homicides involontaires ouverte par le procureur de La Roche-sur-Yon, risquent de mettre en lumière une chaîne plus complexe de responsabilités, où ni les municipalités ni les services de l'Etat ne seraient épargnés".
Si les propriétaires sinistrés s'organisent un peu, cela promet une belle bataille judiciaire...
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