Le projet de loi en préparation sur la copropriété et les syndics, annoncé en pleine affaire Urbania par le ministère de la justice, a été dévoilé, et constitue, si ses dispositions ne sont pas "rabotées" par le parlement, une véritable mise au pas de la profession de syndic de copropriété : carte professionnelle et conditions d'accès, de contrôle et de garantie financière spécifiques, obligation de formation continue, mise en concurrence, déontologie, dispositif de sanctions disciplinaires, resserrement de l'encadrement des honoraires, et fin de la dispense d'ouverture d'un compte bancaire séparé au non de chaque syndicat de copropriétaires !
Au passage, même les syndics non professionnels (ceux qu'on appelle à tort bénévoles car en fait, sauf dans le cas des syndicats coopératifs, ils peuvent être rémunérés, la seule condition étant qu'ils soient copropriétaires dans l'immeuble) devront être vierges de toute condamnation pour crime ou délit, souscrire une assurance de responsabilité et suivre à leur première désignation une formation aux frais de la copropriété...
Relevant jusqu'ici de la même règlementation que les agents immobiliers et les administrateurs de biens (les gérants locatifs), découlant de la loi du 2 janvier 1970, dite loi "Hoguet", les syndics professionnels seraient désormais l'objet d'une carte professionnelle et d'une règlementation spécifique, partie intégrante de la loi du 10 juillet 1965 régissant la copropriété. Comme dans la loi Hoguet, la délivrance de la carte professionnelle sera soumise à des conditions de non condamnation et de qualification, mais celles-ci seront spécifiques aux syndics et comporteront une obligation, pour les dirigeants de cabinets comme pour les responsables de succursales, agences ou bureaux, de justifier d'une expérience professionnelle ou d'accomplir un stage de formation.
Par la suite, la formation continue sera obligatoire, dans des conditions qui seront fixées par décret.
Les honoraires seront encore plus encadrés : les associations de consommateurs obtiennent que le gouvernement ne s'en tienne pas à l'arrêté "Novelli" du 19 mars 2010 et règlemente par décret le contenu des prestations facturées dans le forfait de gestion courante ! Visiblement, le ministère de la justice ne veut pas laisser ce sujet au secrétariat d'état charge de la consommation...
Autre mesure inattendue qui risque d'être un "casus belli" avec les syndics : la désignation du syndic devra être précédée de la mise en concurrence de plusieurs contrats. Curieusement, un décret du 20 avril 2010 vient justement de préciser que l'obligation de mise en concurrence prévue par les textes pour les autres prestations ne concernait pas les syndics... Comme la loi ne fait pas de distinction entre "désignation" et renouvellement du mandat, tout renouvellement étant considéré dans les textes comme une désignation, il y a là une rude bataille d'amendements en perspective !
De manière générale, les pouvoirs du conseil syndical sont encore renforcés : il devra être consulté pour le budget et pour tous projets de contrats avant qu'ils ne fassent l'objet d'une question inscrite à l'ordre du jour d'une assemblée générale.
Mais, surtout, tous les syndics seront soumis à des règles déontologiques qui seront définies par une nouvelle instance créée : le "Conseil de la copropriété", qui intégrera l'actuelle "Commission relative à la copropriété". Ce conseil aura aussi la charge de définir le contenu de la formation continue obligatoire.
Des commissions régionales de déontologie et de discipline des syndics seront créées dans le ressort de chaque cour d'appel. "Tout manquement aux lois, règlements et prescriptions du code de déontologie, toute négligence grave, tout manquement à la probité ou à l’honneur, même se rapportant à des faits commis en dehors de l'activité de syndic, peut donner lieu à sanction disciplinaire", dit le projet de loi dans sa forma actuelle. Les commissions pourront être saisies par le ministère de la justice, le procureur de la République, le préfet, ou un groupe de copropriétaires représentant au moins un tiers des voix de tous les copropriétaires du syndicat concerné. Elles tiendront à jour un fichier des syndics de copropriété ayant fait l’objet de sanctions disciplinaires avec l’indication de ces sanctions. Elles pourront prononcer jusqu'à des interdictions temporaires ou définitives d'exercer les fonctions de syndic ! Elles pourront aussi prononcer des mesures de contrôle et de formation à la charge du syndic concerné...
La DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) ou ce qui en tiendra lieu après sa réforme devra exercer des contrôles réguliers des professionnels.
Enfin, les associations de copropriétaires, ARC (Association des responsables de copropriété) en tête, obtiennent aussi gain de cause après des décennies de lutte acharnée sur la question des comptes bancaires séparés au nom des syndicats des copropriétaires : plus de dispense possible, ils deviendront la règle pour les syndics dès le prochain renouvellement de leur mandat ! Bien que la Chancellerie s'en défende, il s'agit là probablement de la conséquence la plus directe de l'affaire Urbania, qui pose le problème de l'usage des fonds entre les mains des syndics lorsqu'ils sont gérés sur leurs propres comptes bancaires !
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