Alors que la France s'est engagée - au niveau européen et dans le cadre de la négociation du "Grenelle de l'environnement" - à respecter des objectifs très ambitieux de réduction des consommations d'énergie pour ses bâtiments (40% de la consommation énergétique du pays), et que les acteurs de l'habitat existant, le plus gros consommateur, se mettent progressivement en mouvement, le secteur de la copropriété (565.000 copropriétés, 8,5 millions de logements, dont 6,2 millions de résidences principales) semble suivre la tendance beaucoup plus lentement que dans le secteur des maisons individuelles ou du logement social. Et ce pour plusieurs raisons : l'inadaptation des aides, essentiellement individuelles (crédit d'impôt, "Eco-prêt à taux zéro" ou Eco-PTZ, aides dans le cadre de la lutte contre la précarité énergétique) alors que les travaux d'économies d'énergie sont majoritairement collectifs, et surtout la complexité de la prise de décision dans un univers où la propriété des parties communes des immeubles est collective, et la maîtrise d'ouvrage diluée...
Du coup, la rénovation énergétique massive et ambitieuse qui serait nécessaire pour atteindre l'objectif de 40% d'économies que se fixe le "Plan bâtiment Grenelle" peut sembler hors d'atteinte, en tous cas avec les outils d'incitation dont se dote le gouvernement pour le moment : l'Eco-PTZ, le diagnostic de performance énergétique (DPE) individuel, obligatoirement affiché en cas de vente et location, ou collectif, à faire dans les 5 ans, ou encore l'audit énergétique pour les copropriétés de plus de 50 lots, qui peut ne déboucher sur aucune décision de travaux concrète, ou la promotion des contrats de performance énergétique (CPE), encore très théoriques...
La faible mobilisation des copropriétaires induit celle des professionnels, notamment les syndics de copropriété, malgré des tentatives de sensibilisation de leurs organisations professionnelles, comme avec l'opération "100.000 logements éco-rénovés en 2012" lancée par la FNAIM en août dernier. Les plus avancés d'entre eux sur le sujet prêchent très souvent dans le désert ou au mieux se heurtent à un fort scepticisme.
Conscients de l'existence de freins puissants, économiques - le coût des investissements nécessaires - comme sociologiques - la diversité des copropriétaires et des objectifs poursuivis -, d'une absence de climat de confiance entre les intervenants (copropriétaires, syndics, bureaux d'étude, entreprises) et la prédominance de visions négatives de la question, le "Plan urbanisme construction architecture (PUCA)", dépendant du ministère de l'écologie, et l'ANAH (Agence nationale de l'habitat) ont lancé un appel à propositions de recherche-actions visant à mieux connaître les ressorts des décisions en copropriété, les conditions pour qu'un audit énergétique se traduise par un plan de travaux à objectif de performance énergétique ambitieux, les raisons pour lesquelles les copropriétés calent sur les financements (réticence à créer et alimenter des "fonds travaux", peu ou pas de recours à des prêts collectifs, manque de coordination dans la mobilisation des aides individuelles, etc.), ou sur l'articulation des travaux de maîtrise de l'énergie à mettre en oeuvre avec parfois des mesures de rénovation générales, dans des copropriétés souffrant déjà de déficit d'entretien...
Les associations "Planète Copropriété" et Club de l'amélioration de l'habitat s'apprêtent à déposer plusieurs propositions en ce sens.
L'appel à propositions vise aussi les modalités d'un accompagnement des copropriétés dans la complexité technique et financière des opérations d'amélioration énergétique ambitieuses, avant, pendant et après leur mise en oeuvre, cet accompagnement pouvant permettre, ainsi que le formule l'appel à projet :
- d'aider les occupants à "objectiver" leur confort et à suivre leurs dépenses en temps réel ;
- d'inciter et aider les copropriétés à établir un premier bilan de la situation avant le recours à un professionnel ;
- d'assurer le premier accueil des copropriétaires porteurs des préoccupations de l'amélioration à volet énergétique ;
- d'expérimenter et évaluer les différentes formes d'exercice de la fonction d'assistance à maître d'ouvrage pour aider au dialogue avec les professionnels, contrôler ces derniers et donner un avis aux copropriétés, assurer les études de faisabilité socio-financière, et aider à monter les dossiers de subventions ;
- de regrouper des entreprises de plusieurs corps d'état autour d'un pilote, interlocuteur de la copropriété.
Ce dernier aspect des réflexions appelées pourrait déboucher sur l'émergence d'un nouveau métier, celui d'accompagnateur des copropriétés, assistant à maîtrise d'ouvrage et en même temps tierce partie entre les copropriétaires, les syndics et les intervenants techniques.
Lourd défi pour les syndics professionnels, qui peuvent autant tirer profit de ces intervenants d'un nouveau type qu'ils peuvent les craindre, car rendant encore un peu plus complexe leurs relations aux copropriétaires. Pourtant rien ne peut normalement se faire sans eux, et sans de leur part une démarche pro-active face aux évolutions qui se préparent (avec une possible accélération en cas de brutal renchérissement de l'énergie), une formation appropriée de leurs gestionnaires, et probablement des expérimentations à mener en partenariat avec toutes les instances engagées dans la bataille : les PACT, l'ANAH, l'ADEME, les opérateurs déjà engagées dans des actions comme les OPATB, le "COC" parisien (Copropriétés objectif climat), le réseau des Espaces Info énergie (EIE), les associations locales de l'énergie ALE, etc.
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