Conformément au calendrier annoncé, les deux fédérations professionnelles organisatrices des "Etats généraux des professions immobilières", la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier) et l'UNIS (Union des syndicats de l'immobilier) - le SNPI (Syndicat national des professions immobilières) allié à l'origine dans l'opération s'en est retiré en raison selon lui du poids excessif des grands groupes - ont commencé à présenter leurs conclusions, dans un premier temps à leurs adhérents (agents immobiliers, administrateurs de biens et syndics de copropriété), avant de les transmettre aux pouvoirs publics et aux médias. Le but est de peser sur la rédaction du projet de loi préparé par le ministère de la justice, dit de "réforme de l'exercice des activités d'entremise et de gestion immobilières", qu'ils ont réussi à bloquer pour le moment ce qui n'est pas le moindre de leur succès.
Le deuxième est d'avoir réussi, à l'échelle de deux grandes fédérations, regroupant une bonne moitié des entreprises du secteur mais jusqu'ici concurrentes, à réaliser un diagnostic sans complaisance des causes de dysfonctionnements et de mauvaise image de leurs professions, et à formuler des propositions importantes, susceptibles de surprendre une grande part des professionnels, et au risque, comme le fait remarquer Henry Buzy-Cazaux, ancien délégué général de la FNAIM et fin connaisseur des milieux des professions immobilières, de prouver a postériori la nécessité d'une réforme qu'ils ont combattu d'une seule voix dans un premier temps...
Les propositions sont présentées sur six axes :
- Renforcement des exigences en matière de compétences professionnelles : les fédérations demandent que les dirigeants, les directeurs d'établissements secondaires et les agents commerciaux soient soumis aux mêmes exigences de diplôme ou de VAE (validation des acquis de l'expérience), complétées par l'obtention d'un "certificat d'aptitude professionnelle" spécifique à chaque activité ; elles demandent aussi qu'il soit mis en place une aptitude initiale spécifique pour tous les salariés devant aujourd'hui être porteurs d'une attestation (ancienne "carte grise"), à savoir ceux habilités à négocier, s'entremettre, ou s'engager pour le compte d'un titulaire de carte professionnelle (dits salariés "habilités") ; enfin, elles demandent que soient soumis à formation continue obligatoire, sous peine de sanctions disciplinaires, aussi bien les dirigeants que les directeurs de succursale, les salariés "habilités" et les agents commerciaux.
- Création d'un code de déontologie : reconnaissant que ceux imposés à leurs adhérents n'ont pas suffi à restaurer la confiance perdue des clients, et qu'une grande part (40% ?) des professionnels n'adhère à aucune organisation, les fédérations signataires demandent que toutes les entreprises relevant de la loi "Hoguet" soient soumises à un même corpus de règles déontologiques plaçant le consommateur au centre de leurs préoccupations, garantissant le respect du libre choix du client, la confidentialité, la loyauté des méthodes commerciales et de la publicité, et une "concurrence libre, saine et loyale reposant sur la qualité du service" ; à noter aussi l'obligation d'information sur les conflits d'intérêts possibles, et une prise en charge formalisée des réclamations et l'obligation de traitement "dans un délai raisonnable".
- La médiation en tant que solution alternative à la voie judiciaire : il est proposé la création de commissions régionales de conciliation pour traiter les litiges entre professionnels et consommateurs "ou non-professionnels", quitte à ce que ces commissions déclenchent une action disciplinaire en cas de manquements graves et répétés d'un professionnel.
- Le respect des règles professionnelles : reconnaissant le peu d'efficience aujourd'hui de l'action disciplinaire, laissées aux seules organisations professionnelles qui ne regroupent que 60% des praticiens, les fédérations signataires demandent qu'elle soit assurée par une commission nationale de discipline présidée par un magistrat, et comprenant un représentant du Parquet général, un professeur d'université ou maître de conférences juriste et 12 représentants des professionnels, cette commission pouvant être saisie notamment par les associations de consommateurs agréées ; le projet de loi prévoit quant à lui des commissions régionales, de composition sensiblement différente, comprenant notamment des représentants des consommateurs...
- Création d'un Conseil des professions immobilières : ce n'est pas un ordre comme le préconisent certains, mais cela y ressemble ; les fédérations signataires reprennent le principe du "Conseil de l'entremise et de la gestion immobilières" proposé par le projet de loi, en préconisant un "Conseil des professions immobilières", chargé d'établir les règles déontologiques, les aptitudes professionnelles, ainsi que la nature et le contenu de la formation continue obligatoire, de s'assurer du respect des obligation de formation continue en s'appuyant sur les organisations professionnelles, enfin de tenir un registre national des titulaires de cartes professionnelles, etc.
- Renforcement de la protection des consommateurs et la préservation de l'équilibre économique des entreprises : sous cette rubrique sont présentées des propositions encadrant les négociateurs sous statut d'agent commercial (70% des négociateurs) et surtout ceux des nouveaux réseaux de mandataires indépendants qui se mettent en place et inquiètent les agents immobiliers traditionnels, ainsi que les "chasseurs d'appartement".
Pour la gestion des copropriétés, les fédérations prennent le contrepied des demandes insistantes des associations de consommateurs, de mieux en mieux relayées sur le plan politique, de rendre vraiment obligatoire le compte bancaire séparé au nom du syndicat des copropriétaires, tentant de démontrer au contraire l'intérêt pour les copropriétaires du dépôt des fonds des syndicats sur les comptes bancaires des syndics ; elles demandent de préserver la possibilité pour ces derniers de bénéficier des produits financiers du placement des fonds de la clientèle, puisqu'ils lui en fait profiter par des honoraires supposément moins élevés.
L'ARC (Association des responsables de copropriété), l'association de consommateurs la plus en pointe dans ce qui touche à la copropriété, n'a pas attendu pour tirer à boulets rouges sur ces propositions, sur le compte bancaire bien sûr, un de ses chevaux de bataille préférés, mais aussi sur le remplacement des commissions de discipline régionales et paritaires du projet de loi par une commission nationale sans représentants des clients, préfigurant selon elle un "ordre des professions immobilières" aussi corporatiste que ce qui existe chez les notaires ou les médecins...
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