Un amendement inséré par les députés dans le projet de loi "Lefebvre" de protection et d'information des consommateurs, adopté en première lecture le 11 octobre, n'interdit pas aux agents immobiliers de proposer des mandats de vente ou de location assortis d'une clause d'exclusivité, comme cela a été dit par de nombreux médias, mais interdit la tacite reconduction, ainsi que les clauses pénales et toutes stipulations "interdisant au mandant de réaliser, sans l'intermédiaire de son mandataire, l'une des opérations mentionnées". Autrement dit, aux termes de cette disposition, même avec une clause d'exclusivité, le vendeur ou le bailleur pourraient désormais trouver par eux-mêmes un acheteur ou un locataire et conclure l'affaire sans devoir une commission à l'agent immobilier mandaté, sous réserve évidemment que cet acheteur ou ce candidat locataire ne lui ait pas été présenté par le professionnel.
Après avoir tardé à réagir, la profession s'est fortement mobilisée, et serait peut-être en train d'obtenir gain de cause : le député rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, Daniel Fasquelle, où le projet de loi doit revenir en seconde lecture s'il n'est pas adopté tel quel par le Sénat en décembre, se serait selon des informations parues dans Les Echos, déclaré prêt à revenir sur la disposition qui supprime l'indemnité à payer par le client vendant son bien en direct malgré un mandat exclusif avec un agent immobilier.
Les Echos présentent ce revirement comme le résultat d'une démarche de Sébastien de Lafond, président de MeilleursAgents.com, qui, muni d'une pétition ayant recueilli 1.300 signatures, a plaidé la cause de la profession auprès du député. En réalité, la mobilisation a été plus large : un groupe créé sur Facebook a recueilli plus de 5.000 adhésions et plusieurs milliers de messages, et les réseaux tels Era, Orpi, ou Century 21 et la FNAIM ont organisé des manifestations, conférences et ateliers sur le thème : la suppression du mandat exclusif n'est pas dans l'intérêt du consommateur, car ce n'est que sous ce type de mandat que le professionnel peut mettre en oeuvre tous les moyens techniques et commerciaux à sa disposition dans la recherche d'acheteurs potentiels.
Selon la FNAIM et les autres réseaux, ces dispositions sont de nature à créer une concurrence déloyale entre le professionnel et le vendeur, mais aussi d'entraîner la rupture de l'équilibre économique d'un grand nombre d'agences immobilières. "Partager l'exclusivité revient, de fait, à annuler la dite exclusivité. Vidé de sa substance, le mandat exclusif serait ainsi amené à disparaître purement et simplement, si le texte est adopté", indique le mémorandum proposé aux participants à un atelier presse tenu le 16 novembre.
La FNAIM a également mis en avant que le mandat exclusif représente le seul moyen pour un vendeur de s'engager dans une relation de confiance avec un professionnel, l'assurance d'une confidentialité préservée grâce à un interlocuteur unique, la possibilité d'exiger du professionnel des engagements sur les méthodes et moyens mis en oeuvre pour aboutir à la vente, la certitude de réaliser une vente plus rapidement (2,5 mois pour une exclusivité contre 4 mois pour un mandat simple), et la possibilité de bénéficier des services apportés par des groupements d'agences qui mettent en commun les mandats exclusifs (le bien du vendeur est présenté dans toutes les agences du groupement, l'acheteur ayant accès à l'ensemble des biens proposés par toutes les agences du groupement)...
Mais il a selon elle des avantages aussi pour le fonctionnement du marché et la défense des intérêts des acquéreurs : il est la garantie du juste prix, le prix du marché, le meilleur moyen d'éviter les surenchères (le bien n'est pas présenté par d'autres agences à des prix différents), et la seule condition de la qualité des annonces présentées sur internet (qui renseignent et identifient précisément le bien, les agents immobiliers sans mandat exclusif ne pouvant quant à eux, de peur de se faire "doubler", y porter des informations qui permettraient trop facilement d'identifier le bien)...
Reste à savoir comment députés et sénateurs réagiront à ce lobbying, que le gouvernement ,qui a laissé passer l'amendement - sciemment ou par inadvertance ? -, ne prévoyait probablement pas...
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