Stabilisation, baisse des prix ou poursuite de la hausse ? Les avis en ce début d'année divergent selon les acteurs, tels le réseau Century 21 et la FNAIM (Fédération nationale de l'immobilier), qui présentaient le 3 janvier pour le premier les chiffres du second semestre 2010 de l'activité de son réseau de 900 agences immobilières franchisées, et pour le second les chiffres pour le 4ème trimestre sur la base d'une sélection d'affaires remontées de ses 11.300 adhérents. Les dirigeants de Century 21 prévoient juste une stabilisation avec poursuite d'une hausse modérée de 2 à 3%, et ceux de la FNAIM plutôt une baisse, jusqu'à 5%. Quelques jours auparavant, l'agence de notation Standard and Poor's émettait une prévision de baisse des prix de 5 à 10%...
Qu'en penser ? Tous s'accordent pour prédire une baisse très forte du nombre de transactions, qui a déjà commencé au second semestre 2011. L'estimation la plus précise est donnée par Century 21, qui travaille sur l'intégralité des transactions réalisées par les membres de son réseau, ces données étant celles servant de base à l'établissement de la redevance de franchise. Sur l'année, le nombre de transactions enregistre une baisse de -6,9% (-9,2% pour le marché des maisons et -5% pour le marché des appartements). En Ile-de-France, la baisse est encore plus forte -12,9% globalement, mais -17,8% dans le Val-de-Marne ! L'activité a augmenté de 4% à Paris et de 13% à Marseille, toujours en décalage par rapport au reste de la France, mais diminué de 7% à Lyon et son agglomération.
En fait, les chiffres des notaires et de Bercy au mois le mois montrent que l'activité de vente sur les logements anciens, qui avait atteint un rythme annuel de 810.000 transactions à l'été 2007 et qui a touché le fond à la mi-2009 avec un rythme annuel de 560.000 transactions, avait connu une hausse ininterrompue depuis lors pour atteindre un record absolu de 832.000 à la mi-2011 (ventes de la mi-2010 à la mi-2011) ! Depuis l'été, les agences vivent par contre un véritable retournement, faisant prévoir par exemple aux dirigeants de Century 21 un nombre annuel total de ventes de 700.000 sur l'année civile 2011, et de 600.000 en 2012. La FNAIM est moins pessimiste tablant plutôt sur une stabilisation à 700.000...
En cause : le pouvoir d'achat des Français qui n'a pas évolué au rythme des prix immobiliers, plus les incertitudes économiques et une indéniable restriction dans l'octroi des crédits des banques. "Nos agences ne constatent pas une augmentation des refus de prêts une fois l'affaire signée", indique Laurent Vimont, président de Century 21 France, "les clients renoncent simplement à un achat parce que les banques refusent d'étudier leur dossier quand il n'entre pas dans des critères prudentiels stricts" !
En fait, Century 21 constate depuis le début de la crise sur chaque marché local, et notamment sur les plus tendus, que niveau de prix et activité sont reliés l'un à l'autre dans un "tunnel" qui les fait osciller dans un sens puis dans l'autre : lorsque les prix ont trop augmenté, l'activité se grippe, ce qui fait stoppe la hausse des prix et provoque même des baisses ici et là ; ce ralentissement des prix reconstitue la marge de solvabilité et fait redémarrer l'activité, qui à son tour déclenche une hausse des prix... Le tout dans un contexte général de pénurie par rapport à une demande dopée par la démographie et les besoins de mobilité (déficit de 800.000 logements selon le "consensus" des observateurs), et où la pierre constitue plus que jamais une valeur refuge, à défaut de tout autre. "C'est bien mieux que l'or" constate Laurent Vimont, qui voit la preuve de cet engouement dans la part prise par les investisseurs (18% des transactions dans l'ancien, en augmentation de 18% en un an, et même 30% à Paris, en augmentation de 20% !). Même chose pour les résidences secondaires, dont les ventes ont progressé de plus de 8%...
Autre preuve qui peut paraître paradoxale : la part des ouvriers-employés augmente chez les investisseurs : pour Laurent Vimont, la crainte du chômage joue en faveur d'un projet d'achat immobilier et non pas en sa défaveur : "avoir un emploi est une valeur qu'on a intérêt à monnayer, et en cas de problème, on est bien mieux armé pour résister et négocier des délais avec sa banque qu'avec un bailleur"...
Par contre, le niveau des prix a fait reculer les acquéreurs de résidences principales (-5% France entière) et mis à Paris quasiment hors marché les primo-accédants. Sur un an, le prix moyen au m2 a progressé de 6% en France, tiré vers le haut principalement par le marché des appartements (+8,3% contre +3,5% pour les maisons). Cette augmentation annuelle résulte toutefois essentiellement de la hausse enregistrée au premier semestre, et masque le recul des prix (-2,2%) constaté entre le premier et le second semestres 2011. Tandis que les prix parisiens n'enregistrent qu'une très légère progression entre le premier et le second semestres 2011 (+1,2%), les prix en Ile-de-France reculent, eux, de 0,3%. Quant à la province, si certaines régions tirent encore la moyenne vers le haut (+11,4% en Aquitaine et +12,7% en Poitou-Charentes), 9 régions sont en baisse, jusqu'à -9,7% en Lorraine...
Autre signe de correction du marché : les délais de vente de sont allongés entre le premier et le second semestres 2011 (+4 jours en Ile-de-France, et, fait exceptionnel, +10 jours à Paris !) et les marges de négociation ont augmenté, elles aussi, sensiblement.
Le tableau des chiffres des prix au m2 des ventes du réseau Century 21 reste saisissant de disparité : 8.394 euros à Paris, 3.418 euros dans le reste de l'Ile-de-France (de 5.649 euros dans les Hauts-de-Seine à 2.461 en Seine-et-Marne), 3.583 en PACA, 2.695 en Rhône-Alpes, et dans les autres régions de 2.244 en Languedoc-Roussillon à 1.158 en Limousin.
Toujours selon Century 21, qui dispose de chiffres précis sur les acquéreurs, les tranches d'âge qui ont progressé parmi eux sont les plus de 50 ans (30% des acquisitions, en augmentation de plus de 15%), et dans les catégories socioprofessionnelles celle des retraités. Les classes moyennes et modestes reculent fortement. Très atypique, Paris est par contre l'apanage des cadres supérieurs et professions libérales (43% des acquéreurs contre 15% au niveau national, et accessoirement des cadres moyens (30% contre 23%) essentiellement secundo-accédants (c'est à dire qui revendent un bien avec plus-value pour en acheter un autre).
Enfin, Century 21 voit une nette baisse des surfaces des biens achetés, probablement un effet des limites atteinte de la solvabilité des ménages : ceux qui peuvent encore acheter sont contraints de faire des concessions en termes de surface : -4m2 entre le premier et le second semestres 2011...
Les chiffres de la FNAIM sont établis autrement : une base de références alimentée par collecte auprès des adhérents fait l'objet d'un traitement statistique désormais calqué sur ceux qu'effectuent les notaires sous la surveillance de l'INSEE. Il en résulte des indices éliminant les modifications d'une période sur l'autre de la structure des ventes (répartition en studios, deux pièces, trois pièces etc.) et de la qualité des biens vendus (caractéristiques du type ascenseur ou non, étage élevé ou non, standing, etc.). Afin de mettre un terme définitif aux critiques émises il y a trois ans - y compris par son délégué général Henry Buzy-Cazaux qui avait été remercié sur le champ - sur la méthode de fabrication de ses indices, la FNAIM l'a soumise au Conseil national de l'information statistique (CNIS) qui, suite au mini-scandale provoqué, à la montée au créneau du secrétaire d'Etat Benoist Apparu et aux conclusions d'un rapport commandé sur la fiabilité des statistiques sur le logement, avait proposé un étalonnage des observatoires privés, facultatif. Seule parmi les "producteurs de chiffres" à l'avoir fait, la FNAIM assure avoir désormais intégré les recommandations du CNIS, et joue la transparence après avoir recalculé tous ses indices depuis 10 ans suivant la nouvelle méthode*.
Il en ressort des chiffres somme toute assez voisins de ceux de Century 21, qui se contente de faire de simples moyennes sur une base de transactions par contre exhaustive : +7,3% sur un an (contre +6% pour ces derniers), dont +8,9% pour les appartements (contre +8,3%) et +6,2% pour les maisons (contre +3,5%). A noter une hausse de 22,7% pour les appartements à Paris intra muros !
L'évolution des indices trimestriels de prix de la FNAIM met en évidence la permanence d'une hausse à rythme élevé des prix au premier semestre (+2,6% et +2,5% aux 1er et 2ème trimestres France entière, et respectivement +4,1% et +2,7% en Ile-de-France et +6,7% et +8,8% à Paris), une résistance au 3ème trimestre (+1,9% France entière dont +2,5% en Ile-de-France, et +3,9% à Paris), et par contre une cassure au 4ème trimestre : stagnation en moyenne France entière mais -0,9% en Ile-de-France et -6,3% à Paris !
L'indice recalculé de la FNAIM pour les appartements donne une hausse globale de 114% des prix de 2000 à 2007 (juste avant la crise), puis encore une hausse de 4,8% de 2007 à 2011 malgré la baisse en 2008-2009. Les régions qui ont le plus monté sont PACA et Languedoc Roussillon (+144% sur 2000-2011 et respectivement +2,8 et -5,2 depuis). L'Ile-de-France est dans la moyenne sur 2000-2007 et en hausse de 14% sur 2007-2011.
La hausse 2000-2007 pour les maisons est moins spectaculaire (+85%) et ces dernières n'ont pas retrouvé leur maximum atteint : elles enregistrent une baisse de 3,2% sur 2007-2011.
Les prévisions pour 2012 sont, tant pour Century 21 que pour le FNAIM, pessimistes sur le volume de transactions attendu, qui va remettre à la peine de nombreux professionnels. Le moral des ménages est au plus bas, ce que confirme la livraison de décembre du baromètre trimestriel FNAIM-IFOP : tous les indicateurs sont au rouge : effondrement du sentiment de facilité d'obtention d'un crédit et même - contre l'évidence - de celui de l'attractivité des taux d'intérêt des crédits immobiliers, sentiment majoritaire que la période n'est favorable ni à l'achat, ni à la vente d'un bien immobilier, et que les prix vont plutôt baisser qu'augmenter, etc.
Accord aussi sur le fait que la suppression du "nouveau" prêt à taux zéro (le "PTZ+") pour l'ancien sans conditions de ressources - il n'aura duré qu'un an - va avoir un impact mais limité : moins de 100.000 transactions par an risquent d'être rendues plus difficiles sur les 380.000 prêts prévus en année pleine avant la réforme, ce qui en dit long sur l'effet d'aubaine. Les petits appartements et dont les acquéreurs jeunes vont être un peu plus impactés : le PTZ+ représente 10% du financement sur 60% de ces transactions. Laurent Vimont pour Century 21 ne regrette pas cette suppression : "aider l'achat dans l'ancien, marché de pénurie, n'a pas de sens car l'argent public investi se retrouve immédiatement dans la poche des vendeurs", ne craint-il pas de confier...
Dernière remarque à faire : aucun des acteurs venus s'exprimer devant la presse n'a fait état d'une augmentation sensible des mises en vente de biens d'investissement ou de résidences secondaires pour profiter de l'ancien régime d'imposition des plus-values ; mais tous pensent que la réforme ajoutera un motif à la diminution de l'offre dans les temps qui viennent...
La réduction de l'offre, sous l'effet aussi de l'attentisme habituel d'une période pré-électorale alors que persistera une demande soutenue pour des raisons structurelles, est le principal fondement d'une prévision de la part du réseau Century 21 d'une poursuite d'une hausse modérée des prix en 2012. Avis que ne partage pas la FNAIM, qui croit en une correction plus forte, pouvant aller jusqu'à -5% en France entière, dans un volume de transactions en baisse de 15%, et -10% de baisse des prix à Paris, dans un nombre de transactions plutôt maintenu : un effet de la demande étrangère associée au fait que les parisiens qui achètent ont un bien à vendre qui leur procure un apport personnel en proportion du prix à mettre...
*L'INSEE et le CNIS nous font savoir par rapport à ce paragraphe de notre article que ni l'une ni l'autre de ces institutions "n'ont à ce jour connaissance des méthodes mises en oeuvre par la FNAIM pour produire ses données, contrairement à ce que laisse entendre l'article du 4 janvier. En conséquence, l'INSEE et le CNIS ne peuvent cautionner ces propos et récusent l'usage de leurs sigles à cette occasion".
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