La copropriété Grigny 2 et ses 5.000 logements constituent les deux tiers de la ville de Grigny, qui compte 2.000 logements sociaux à la Grande Borne et un millier de logements en "diffus" et petits ensembles. Autrefois (jusqu'à la fin des années 90) copropriété prospère, c'est aujourd'hui un "Titanic" qui s'enfonce inexorablement, et dont les cloisons étanches risquent de sauter les unes après les autres si on ne la coupe pas en morceaux et si l'essentiel des services à caractère urbain (voiries, assainissement, chauffage) ne sont pas municipalisés.
Le syndicat principal qui gère ces services, plus une dizaine de milliers de parkings dont une bonne partie est inutilisable faute de sécurité suffisante, est sous administration provisoire avec des impayés qui se montent à plus des 3/4 du budget annuel, de même que l'ancien syndic Sagim, une pièce de la nébuleuse Urbania non reprise dans le plan de sauvetage du groupe en 2010. Plusieurs de la petite trentaine de syndicats secondaires, qui constituent en eux-mêmes des copropriétés de taille respectable, de 150 à 350 logements, sont dans le même cas alors que d'autres - pour le moment une majorité - sont sains.
Le bâti est plutôt de bonne qualité même si de nombreux immeubles sont intérieurement dégradés, surtout ceux de grande hauteur et composés de studios et deux pièces, peu adaptés à un peuplement stable. La copropriété est bien desservie et bien équipée (gare de RER, un centre commercial, un centre sportif, un commissariat, des écoles, des crèches, des lieux de culte, le tout sur son périmètre). Elle devrait être attractive et pourtant les logements se vendent mal. Le montant des charges, maximal en raison du caractère très complet des prestations et de tous les services qui relèvent normalement de la ville, est un repoussoir. Sous l'administration provisoire, cela risque de ne pas s'arranger !
La mission de l'administrateur du syndicat principal (la moitié du budget des charges de la copropriété, et donc des charges supportées par les copropriétaires, qui en payent à la fois au syndicat principal et à leur syndicat secondaire, pour les dépenses propres de leur groupe d'immeuble, l'entretien, les gardiens, les ascenseurs, etc.) est assorti de tous les pouvoirs : ceux du syndic, mais aussi du conseil syndical et de l'assemblée des copropriétaires. La copropriété est très divisée entre les anciens copropriétaires, souvent du début, qui ont été mis en minorité au conseil syndical principal il y a deux ans, et une catégorie montante de copropriétaires, d'origine sociologique différente, et plus revendicative. Elle reproche aux anciens tenants du pouvoir syndical de ne pas avoir réagi à la lente dégradation de la gestion sous Sagim et au désordre financier qui s'instaurait.
La copropriété est en effet minée par les impayés, et gangrénée par les "marchands de sommeil", bailleurs indélicats achetant à vil prix des logements aux enchères et les louant de la main à la main à des populations fragiles ou en situation irrégulière, sans payer évidemment un seul euro de charges. Ce phénomène est en marche depuis près de 20 ans, et a justifié la mise en route d'un plan de sauvegarde dès le début des années 2000.
A cette situation est venu se greffer un imbroglio comptable et juridique entre le syndicat principal et certains syndicats secondaires, devenus fortement débiteurs à son égard. Pendant plusieurs décennies, le syndic s'est laissé convaincre par l'ancien conseil syndical, soucieux d'économie, d'adresser ses appels de charges non pas directement aux copropriétaires comme l'impose la loi, mais aux syndicats secondaires qui s'érigeaient ainsi en collecteurs de charges pour son compte. A tort ! Cela a fonctionné jusqu'à ce que certains se soient trouvés avec des difficultés de recouvrement, ce système les aggravant ! Aujourd'hui le mode d'appel des charges légal a été rétabli, mais trop tard : les créances du principal sur ces secondaires s'élève à plusieurs millions d'euros, probablement définitivement irrécouvrables...
La situation est donc urgente, et une action forte et concertée des collectivités territoriales, de la justice et des pouvoirs publics est plus que jamais nécessaire. La copropriété sous cette forme n'est définitivement pas viable et requiert une restructuration radicale si l'on ne veut pas qu'elle se transforme en trou noir, à l'échelle cette fois d'une ville entière...
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