Lorsqu'il se fait attaquer sur son bilan dans les banlieues, le candidat sortant a trouvé la parade : le plan de rénovation urbaine lancé... sous le quinquennat de son prédécesseur par jean-Louis Borloo. "Les quartiers, aujourd'hui, sont plus sûrs, plus agréables à vivre, moins éruptifs qu'il y a dix ans. Nous avons investi 43 milliards d'euros avec le plan ANRU et j'ai annoncé un deuxième plan de 18 milliards pour continuer ce travail. Il n'y a rien de plus faux que de dire qu'il ne s'est rien passé dans les banlieues", répète-t-il chaque fois que la question est abordée.
L'ennui, c'est que la rénovation urbaine, qui au demeurant ne remédie qu'à une partie seulement des problèmes rencontrés dans ces zones urbaines dites sensibles - quid de l'enclavement en termes de transports, au sous-investissement en matière d'éducation, de sécurité, d'aide à l'emploi, de lutte contre la pauvreté, etc. - est loin d'avoir été financée à cette hauteur par l'Etat, qui s'est même désengagé totalement dans les trois derniers budgets.
Par ailleurs, il est extrêmement trompeur de présenter le programme national d rénovation urbaine (PNRU), dont l'ANRU (agence nationale du même nom) est l'outil et guichet unique, comme un investissement en faveur du développement des banlieues comme devait l'être le "plan Marshall" auquel a cru la pauvre Fadela Amara et qui n'a jamais vu le jour : pour sa plus grande part, il a consisté à rattraper le retard d'entretien et d'adaptation des ensembles immobiliers sociaux qu'on avait laissé se dégrader souvent au delà de l'admissible. réparer et remettre à niveau un bâtiment n'a jamais constitué un investissement !
Le PNRU devait financer des destructions de logements vétustes, des constructions de logements neufs, des rénovations lourdes, des résidentialisations, etc. Un programme national vaste et complexe, mêlant plusieurs dizaines d'opérateurs (organismes de logements sociaux, de construction, agences locales d'urbanisme, communes, communautés d'agglomération...). Au départ, il se concentrait sur les banlieues et quartiers périphériques des ZUS (zone urbaine sensible). 215 ont été retenues comme prioritaires en 2005. En 2006 sont venus s'ajouter 342 quartiers "complémentaires". Depuis 2007, l'objet de l'ANRU s'est ouvert aux rénovations de centres historiques dégradés. Le ciblage fait par l'ANRU a fait l'objet de critiques : la moitié des ZUS françaises ne sont pas concernées, alors que 140 quartiers non classés ZUS sont inclus dans le PNRU, selon un rapport des députés François Pupponi et François Goulard.
L'ANRU a été dotée en 2003 par l'Etat d'un plan financement théorique de 12 milliards d'euros au total pour la période 2004-2013. Les 43 milliards dont parle Nicolas Sarkozy sont en fait la dépense totale que les travaux lancés dans le cadre du plan ANRU auront généré en 2013. Une dépense totale qui inclut donc des financements assurés par les bailleurs sociaux et les fonds du 1% logement, de plus en plus sollicités.
L'essentiel du financement attribué par l'Etat à l'ANRU a été voté avant 2007 : 2,5 milliards d'euros par la loi du 1er août 2003, pour la période 2004-2008, portés en 2005 à 4 milliards pour 2004-2011, puis à 5 milliards pour 2004-2013 (loi "ENL" d'engagement national pour le logement de juillet 2006). En mars 2007, la loi sur le droit au logement opposable porte ce total à 6 milliards jusqu'en 2013.
Sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, la "Boutin" du 23 mars 2009 a confié à l'agence une nouvelle mission (rénovation de quartiers anciens) en la dotant de 350 millions supplémentaires, mais a transféré son financement aux fonds du 1% logement !
Dans l'ensemble, le PNRU devait être financé à 27% par des fonds directs de l'ANRU, à 43% par les maîtres d'ouvrages (bailleurs privés ou sociaux), et à 23% par les collectivités locales dont le président sortant veut réduire les dotations. De plus, les financements annoncés pour l'ANRU n'ont pas été entièrement honorés : à deux ans de la fin officielle du programme, prévue pour 2013, l'Agence a obtenu 62% du total de l'enveloppe qu'elle doit recevoir. Le président de l'ANRU, Pierre Sallenave, expliquait en février aux Echos que "les deux tiers" des 12 milliards de financements théoriques "sont engagés", mais que seuls 4,4 milliards "ont été payés" concrètement !
Le rapport d'activité 2011 de l'ANRU ne donne que l'avancement à la date du 31 décembre 2008. A cette époque, le PNRU avait démoli 123.847 logements (49,5% de l'objectif à 2013), et avait procédé à la construction de 117.217 logements neufs (46,8% de l'objectif), à 268.946 réhabilitations, et à 288.722 opérations de "résidentialisation". Soit au total, 798.652 opérations, 61% de l'objectif final.
L'une des faiblesses de ce bilan était le faible taux de reconstructions après les démolitions : en 2008, 35,9 % des logements détruits depuis le lancement du programme n'avaient pas donné encore lieu à une reconstruction. Le plan prévoit en théorie du "1 pour 1", mais il s'est souvent heurté au freinage des collectivités.
Quant à la promesse de campagne de mettre en oeuvre un deuxième PNRU, elle n'a été destinée qu'à donner un habillage au ralliement de Jean-Louis Borloo. en réalité, le PNRU 2 a été décidé dès l'été 2011, donc avant l'entrée en campagne de Nicolas Sarkozy, qui en a juste précisé le montant, qui serait donc de 18 milliards. En théorie, car le plan de financement n'a pas encore été précisé. Or, les besoins sont élevés : le ministre de la ville, Maurice Leroy, parlait en janvier de "40 à 50 milliards" d'euros de travaux pour achever la rénovation...
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