L'amendement voté en décembre par la majorité socialiste du Sénat "Lefebvre" instaurant un encadrement (et non un blocage) des loyers des nouvelles locations et des relocations - qui avait déjà existé au début des années 90 - n'avait suscité de la part de la majorité et du président que remarques méprisantes et à l'emporte pièce. "C'est très simple: plus personne ne louera et plus personne ne construira. C'est exactement le contraire de ce qu'il faut faire. Cela n'a marché nulle part, même à l'époque de l'Union soviétique", avait balayé l'idée notre Président et pas encore à l'époque candidat déclaré. Bien entendu, les ténors de la majorité, dont la ministre de l'écologie et son secrétaire d'Etat, Benoist Apparu, lui avaient fait écho. Aucun argument, comme par exemple le fait que le dispositif préconisé est appliqué en Allemagne, avec les "miroirs des loyers", pays pris comme modèle dans d'autres domaines, ne pouvait les convaincre. L'idée était définitivement stupide !
Aujourd'hui, dans un tête-à-queue dont il a le secret, le candidat sortant est subitement - et avec le même aplomb - converti à la meilleure des idées : on va mettre en place des "Mietspiegel" et le système allemand permettant d'attaquer devant les tribunaux tout loyer supérieur de 20% à la moyenne pratiquée dans la zone concernée. "C'est une bonne idée. [...] Je l'appliquerai », indique-t-il dans une interview à paraître le 16 avril dans Femme actuelle, précisant qu' "il ne s'agit pas de bloquer les loyers mais bien d'un encadrement". Pour celui qui est devenu entretemps ministre du logement, le toujours péremptoire Benoist Apparu, ce n'est pas un revirement. "Il ne s'agit pas, dans le système allemand, d'encadrer les loyers stricto sensu, via une fixation administrative des prix : ce sont des loyers de marché avec un dispositif de lutte contre les abus", se défend-il...
En fait, ce n'est ni plus ni moins qu'une reprise d'un point du programme de François Hollande qui a fait sien l'amendement socialiste du Sénat. "Dans les zones où les prix sont excessifs, je proposerai d’encadrer par la loi les montants des loyers lors de la première location ou à la relocation". Dans les zones tendues (Paris, Ile-de-France, littoral méditerranéen, Genevois...), les bailleurs devront s'aligner sur les prix moyens qui auront été fixés par des observatoires locaux des loyers, tels l'OLAP dans la région parisienne. "Les territoires concernés et les modalités d'application seront précisés dans un décret qui sera pris lors de la première année de la mandature", explique Thierry Repentin, sénateur (PS) de Savoie, en charge des questions de logement dans l'équipe de François Hollande. Lors d'un déjeuner de presse sur le sujet le 6 avril, Christian Nicol, directeur du logement de la Ville de Paris, expliquait qu'au sein des zones tendues, dans les quartiers les plus chers, un décret pourrait imposer une décote au montant des nouveaux baux allant jusqu'à 20% des tarifs moyens du secteur, afin de calmer l'envolée des prix". Mais le cas échéant avec modulation en fonction du classement énergétique du logement résultant du diagnostic de performance énergétique (DPE).
Par contre, hors zone tendue, afin d'éviter que ne se produisent ici et là dérapages non contrôlés, les propriétaires n'auraient qu'à justifier leur par des références de loyers du voisinage pour des logements comparables. Ces références devront être fournies par des observatoires locaux qui hors région parisienne restent encore à créer.
Actuellement, la hausse des loyers de première location et de relocation alimentent l'essentiel de l'inflation des coûts du logement locatif. Les loyers des baux en cours sont indexés pendant la durée du bail sur l'indice de référence des loyers (IRL), et les éventuels réajustements lors des reconductions sont déjà encadrés par rapport aux loyers du voisinage. De fait, les propriétaires n'usent pratiquement plus de cette possibilité. Par contre ils se rattrapent lors des départs des locataires. A Paris, ils ne s'en privent pas. "En 2010, dans la capitale, les prix des loyers en cours ont crû de 0,5%. En cas de relocation, la hausse a été de 8,9%", précise Christian Nicol.
Une bonne partie de la flambée des loyers en région parisienne aurait pu être évitée si le dispositif prévu par la loi Mermaz du 6 juillet 1989 avait été maintenu, quitte à le simplifier comme ce qui est prévu aujourd'hui. En raison de la complexité de ses décrets d'application, le volet concernant les relocations ou les locations nouvelles n'a jamais été mis en œuvre. "La mesure a aussi pâti d'un contexte très différent à celui d'aujourd'hui, a expliqué Christian Nicol. A l'époque, les prix de l'immobilier étaient encore raisonnables." Aucune évaluation n'a été faite de ce dispositif, qui a été abandonné en 1997, un mois après l'arrivée de Lionel Jospin à Matignon. Après l'alternance, il ne fallait pas compter sur la nouvelle majorité pour le rétablir...
NB. Le chemin de Damas évoque un parcours provoquant un changement radical d'attitude chez celui qui le vit...
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