De mi-décembre à fin mars, 22 agréments ont été accordés par le ministre du logement pour permettre à des communes de zone C sans tension locative de faire du Scellier alors qu'elles n'y sont normalement pas éligibles. Distribution de faveurs classique avant le changement de gouvernement ? Les professionnels de l'immobilier s'étonnent en tous cas que la liste des dérogations comprenne des communes présentant peu d'attrait pour les investisseurs, ainsi que le rapporte le quotidien Les Echos...
La situation peut sembler paradoxale. La création d'une zone C non éligible avait constitué, en 2009, la grande nouveauté du "Scellier", destinée à éviter les dérives du Robien, où des particuliers s'étaient retrouvés avec des appartements inlouables, dans des zones en excès de logements. Par ailleurs, -incohérence ou double langage ? - le candidat sortant Nicolas Sarkozy déclare pendant ce temps ne plus vouloir d'aide fiscale à l'investissement locatif...
Le ministère réfute toute précipitation, indiquant que la procédure est longue : elle inclut le respect obligatoire d'indicateurs chiffrés et sur 113 candidatures, 76 % ont été rejetées, précise t-il. Et d'ajouter qu'il est parfois nécessaire de démolir de l'ancien lors de programme de requalification de quartiers, rendant alors nécessaires des constructions, même en zone non tendue...
Les agents immobiliers et propriétaires bailleurs ne voient pas ces dérogations d'un bon oeil : si parmi les communes concernées Dreux a vu sa vacance baisser, et que 13 petites communes prolongent les agglomérations de Lyon et de Grenoble, certains agréments, en revanche, sont qualifiés de cadeau politique à des maires voulant soutenir l'emploi local par le BTP. C'est le cas de Puy-en-Velay, agréé le 20 décembre et qui a pour maire le ministre de l'enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, comme le magazine Que Choisir du 21 mars le dénonce. La même accusation de faveur politique avait été faite au demeurant lors de l'agrément en juin 2011 de Vitré, dont le député-maire est Pierre Méhaignerie. En 2009, à la fin du Robien, Vitré avait pourtant été classée en zone saturée par Akerys, un des principaux spécialistes du Scellier.
D'autres agréments laissent perplexes les acteurs de l'immobilier défiscalisé : c'est le cas de Clisson (6.700 habitants, à 15 kilomètres de Nantes), de Rochefort ou encore de Bousse (Moselle). Cité par Les Echos, Akerys relève que cette commune de l'axe Longwy-Metz ne comptait encore récemment que 2.800 habitants alors que la commune limitrophe de Guénange a 7.100 habitants et plusieurs commerces mais n'a pas d'agrément. Et qu'en tous cas, la demande locative incertaine et les loyers très bas de ce type de village y rendent un investissement locatif risqué.
L'UNPI (Union nationale de la proproiété immobilière), qui représente les bailleurs privés et s'oppose aux aides fiscales, dénonce non seulement les agréments actuels mais la politique de nombre de grandes villes. "L'enjeu n'est pas de construire, mais de réhabiliter le parc ancien, or tous les maires veulent construire, dénonce au quotidien Les Echos son président, Jean Perrin. "L'agglomération du grand Dijon, sa ville, a programmé 13.000 logements en 5 ans alors qu'une de ses propres études a recensé 8.000 logements vacants !" De même, dans l'agglomération de Rodez (Aveyron), où l'UNPI a tenu récemment une assemblée générale régionale, "il y a 4.000 logements vides", poursuit-il. "Or le vice-président d'agglomération a annoncé vouloir construire 360 logements par an dont certains en locatif pour des investisseurs"...
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