C'était une des promesses phares de la campagne du candidat François Hollande en matière de logement : le doublement du plafond du livret A, actuellement à 15.300 euros, est censé constituer un moyen important d'augmenter les fonds disponibles pour le financement du logement social. Mais la concertation engagée par le nouveau gouvernement en vue de la mise en oeuvre de cette mesure patine. Il est vrai que l'ardeur a pu être refroidie par les réactions des bailleurs sociaux, qui n'attendent pas forcément des miracles de ce doublement : fin mai, Michel Ceyrac, président de la fédération des Entreprises sociales pour l'habitat (ESH) déclarait au Moniteur le 29 mai dernier, avant l'assemblée générale de sa fédération, qu'il n'en attendait pas grand-chose car seulement 9% des livrets A sont actuellement au plafond de collecte et les bailleurs sociaux ne consomment pas tous les crédits mis à leur disposition par la Caisse des dépôts...
La mesure promise n'est pas spécialement compliquée une ligne de décret suffirait. Le retard est dû à l'opposition du secteur bancaire et de l'assurance qui craint, comme le patron de BPCE, François Pérol, des effets pervers : loin de générer une épargne supplémentaire, la mesure va seulement entraîner le "transfert d'une épargne aujourd'hui fiscalisée sur un produit qui ne l'est pas".
La négociation porte à la fois sur le calendrier, avec une possible progressivité du relèvement, et sur les commissions que touchent les banques pour collecter cette épargne et qui pourraient être abaissées.
Les banques se sentent prises à contre-pied par rapport à leur priorité stratégique du moment qui est de collecter plus de dépôts pour financer les prêts qu'elles accordent aux particuliers et aux entreprises. Or, le doublement du plafond du livret A va provoquer un mouvement dans l'autre sens. Pour 100 euros déposés sur un livret A, 35 euros seulement restent au bilan des banques, tandis que 65 euros remontent vers la Caisse des dépôts, aux fins de financement du logement social. Si seuls les clients des banques les plus aisés détiennent un livret au plafond et sont donc susceptibles d'y transférer de nouveaux fonds, ces livrets représentent la moitié des encours totaux. Déplafonné, le livret A pourrait attirer 20 à 40 milliards d'épargne supplémentaire.
Pour les assureurs, c'est également une mauvaise affaire, leur produit phare, l'assurance-vie, se remettant tout juste d'une vague de décollecte historique par perte de confiance. La décollecte risque de reprendre cette fois en faveur du livret A !
Banquiers et assureurs mettent en avant un autre argument : le doublement du plafond du livret A serait susceptible de générer des transferts d'épargne longue vers de l'épargne courte et donc de limiter la capacité de financement des investissements productifs, ce qui serait contraire aux objectifs des pouvoirs publics. Une relance du plan d'épargne populaire, pour le financement des entreprises, se verrait notamment contrecarrée par cette mesure.
La Banque de France, très présente dans la négociation, recommande une période de transition. Selon elle, les évolutions doivent être conduites de telle sorte qu'elles laissent le temps aux établissements de s'adapter...
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