Est-ce devenu un "marronnier ? Déjà à pareille époque en 2011, l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière, fédération de chambres départementales ou régionales de propriétaires, revendiquant plus de 200.000 adhérents, principalement propriétaires bailleurs), avait mené une attaque en règle contre le logement social, défendant l'idée que celui-ci est un gouffre de fonds publics et devrait être restreint aux locataires les plus pauvres, l'Etat devant réorienter l'allocation des fonds publics à aider le secteur privé à augmenter son offre de logements à loyers accessibles. En fait, l'UNPI reproche au secteur public de faire de la concurrence déloyale aux propriétaires privés, alors que les conditions économiques ne sont pas équitables.
Prenant goût aux provocations médiatiques, elle pousse cette fois le bouchon un peu plus loin : s'autoproclamant de manière quelque peu abusive représentante des propriétaires immobiliers privés français, elle annonce avoir déposé le 5 mai une plainte auprès de la Direction générale de la concurrence de la Commission européenne pour rétablir les conditions d'une concurrence loyale sur le marché de l'immobilier locatif.
Elle reprend son argumentation d'il y a un an sur le fait que selon elle les aides d'Etat dont bénéficie le parc public ont créé des distorsions de concurrence injustifiées tout en prouvant leur inefficacité au regard du but poursuivi : le logement des plus démunis. A l'appui de sa démonstration, l'UNPI cite comme l'an dernier des chiffres biaisés : ainsi selon elle, les bailleurs publics français bénéficient de plus de 20 milliards d'euros d'aides par an (sans compter les aides indirectes et locales) et sont en concurrence directe avec les bailleurs privés, s'adressant de surcroit à la même population, ce qui n'est évidemment pas exact, même s'il est vrai qu'une part importante des locataires modestes est logée par la force des choses par les bailleurs privés. Sur ces 20 milliards, 3,8 milliards correspondent - dit-elle - à des aides à la pierre, 9,1 milliards d'euros à des avantages fiscaux concernant la TVA et la taxe foncière, 1,2 milliards à des avantages de taux de prêts et 6 milliards à des aides à la personne.
Elle oublie de dire que les bailleurs privés bénéficient aussi d'un régime fiscal favorable, qui leur permet notamment de déduire intégralement et sans délai de leurs revenus les travaux de réhabilitation et d'amélioration de leurs logements alors que logiquement ces travaux, qui concourent à l'investissement, ne devraient être déductibles qu'en amortissement (coût annuel estimé à 700 millions). Elle oublie d'indiquer aussi que dans ce cas, le déficit foncier qui est occasionné est déductible du revenu global à hauteur de 10.700 euros. Elle oublie le coût en fonds publics des divers régimes successifs d'incitation fiscale à l'investissement locatif (Périssol, Besson, Robien, Borloo, Scellier et autres Girardin et Demessine - coût 1,1 milliard par an actuellement), et surtout qu'en ce qui concerne les aides à la personne (15,7 milliards au total), les locataires du parc privé (6 millions) se taillent la part du lion avec 7,1 milliards contre 6 milliards pour ceux du parc social (5 millions) ! Et encore il faudrait y ajouter 1,1 milliard que coûte le cumul des aides au logement des étudiants avec la demi-part de quotient familial qui est tolérée du fait de leur rattachement au foyer fiscal des parents...
Autre argument "massue" réitéré chaque année : les HLM seraient pleins de "riches", du fait de critères d'accessibilité trop larges ; 65% des ménages est en effet éligible à un logement social, mais est-ce parce que les plafonds de ressources sont trop hauts (2.070 euros à Paris pour une personne seule et 1.800 en province, 4.840 euros pour un couple avec deux enfants dans la capitale et de 3.490 euros ailleurs) ou parce que les revenus d'une majorité de Français sont faibles ? Force est en tous cas de constater que dans les zones où le logement est cher, et qui touchent un bon tiers de la population française, ceux qui n'arrivent pas à accéder à un logement social ont beaucoup de mal )à se loger... Mais l'UNPI préfère faire du spectaculaire : "en 2007, les critères d'éligibilité avaient permis à près de 400.000 familles parmi les plus riches de France d'accéder au logement social et plus de 50.000 d'entre elles appartenaient même au dixième décile, le plus élevé, de l'échelle des revenus", indique-t-elle dans son communiqué. A noter que les 400.000 sont devenus 380.000 dans les déclarations d'une représentante de l'UNPI au Parisien...
Autre reproche : "plus d'un million de Français sont en attente d'un logement HLM et 700.000 HLM seraient vides ou sous-occupés". "Tous les chiffres de l'UNPI sont faux. Seulement 13 milliards vont au secteur locatif social sur un total de 40 milliards d'aides à la pierre et aux personnes dans le domaine du logement", déclare à l'AFP Thierry Bert, délégué général de l'Union sociale de l'Habitat (USH, qui regroupe l'ensemble des organismes HLM). Pour M. Bert, "il n'y a pas 700.000 HLM vides ou sous-occupés comme l'affirme l'UNPI mais seulement 160.000 logements vacants, essentiellement parce qu'ils se trouvent dans des zones en rénovation urbaine ou dans des régions affectées par un effondrement industriel ou un exode rural".
"Ces gens de l'UNPI sont gonflés", surenchérit Jean-Yves Mano, adjoint au logement à la mairie de Paris. "Où se posent les problèmes d'usage des logements HLM ? Dans les zones tendues, où les personnes sont dans l'incapacité de se loger convenablement dans le privé. L'UNPI souhaite qu'une partie des personnes qui vivent dans les logements sociaux dans ces zones reviennent dans le parc privé, ce qui leur permettra d'augmenter plus encore les loyers !"
Il ne croit pas si bien dire. Que demande en fait l'UNPI : que l'on convertisse les aides à la pierre en aides à la personne pour permettre aux locataires de payer les loyers du privé.
Quant à savoir si les ménages qui gagnent 4.000 euros et plus ont leur place dans le logement social, J.Y. Mano rappelle que 5% des occupants de HLM à Paris paient un surloyer parce que leurs revenus sont supérieurs aux plafonds de ressources, ce qui est peu, d'autant que la moitié d'entre eux dépasse le plafond de 20% seulement. "Ce n'est pas en s'attaquant à eux qu'on réglera la crise du logement", remarque-t-il, ajoutant qu'avec 4.000 euros de revenus, si on respecte la règle qu'appliquent tous les bailleurs, à savoir que le loyer ne doit pas représenter plus de 25% des revenus, une famille avec deux enfants ne peut dépenser plus de 1.000 euros dans son logement. "Avec cette somme à Paris, vous avez 20 à 30 m2"...
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