A l'assemblée des copropriétaires qui suit l'établissement du diagnostic de performance énergétique ou de l'audit énergétique auquel les copropriétés dotées d'un chauffage collectif doivent procéder dans les 5 ans à compter du 1er janvier 2012, les syndics doivent inscrire à l'ordre du jour la question d'un plan de travaux d'économies d'énergie ou d'un "contrat de performance énergétique" ou "CPE".
Rappelons que le CPE est un contrat par lequel une entreprise (ou un groupement d'entreprises) réalise des travaux d'économies d'énergie pouvant être de nature variée (chaufferie, fenêtres, couverture, bâti), garantit un résultat en termes de consommations futures, met en oeuvre ensuite un contrat d'exploitation, et prend en charge les factures d'énergie qui dépassent le niveau des consommations garanties par le contrat.
Cette obligation, créée par la loi "Grenelle II" du 12 juillet 2010 attend toujours des décrets d'application, la définition de modalités adaptées aux copropriétés s'avérant plus complexes à mettre au point que pour l'immobilier d'Etat ou les bailleurs sociaux. Un premier groupe de travail du Plan Bâtiment Grenelle (PBG), présidé par Philippe Pelletier, confié à un des membres de son cabinet d'avocats, Daniel Ortega, a remis son rapport en mars dernier sans apporter de réponse à tous les problèmes soulevés.
Ce qui n'empêche pas bien entendu les expérimentations : ainsi, une copropriété de 60 logements à Neuilly-sur-Marne (93) avec comme syndic Nexity vient de confier au groupement piloté par Bati-rénov (filiale de Brézillon, Bouygues Bâtiment Ile-de-France) a signé le premier contrat de performance énergétique (CPE) global en France considéré comme compatible avec le "Grenelle de l'environnement". Cette rénovation doit permettre selon ses promoteurs aux habitants de l'immeuble d'économiser jusqu'à 40% d'énergie par rapport à leur consommation actuelle. Les travaux, d'une durée de huit mois et d'un montant de 800.000 euros, portent notamment sur l'isolation thermique du bâtiment (pose de double vitrage, réfection de la toiture, isolation des façades et des combles, etc) et sur l'amélioration du système de chauffage. L'immeuble sera conforme au label BBC Rénovation.
Le projet a reçu le soutien de l'ADEME (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) et de la Région Ile-de-France qui le financent à 50%. De plus, dans le cadre d'un partenariat avec le Crédit Foncier, les copropriétaires éligibles peuvent bénéficier d'un éco-prêt à taux zéro pour les travaux restant à leur charge.
Les meilleures fées se sont penchées sur ce projet : Le Groupe Bouygues avait signé en décembre 2010 le premier contrat de performance énergétique de France dans le logement social, à Vitry-sur-Seine (logements sociaux). Le directeur copropriété du syndic Nexity, Arnaud Bazire, co-préside aussi le chantier copropriété du Plan Bâtiment Grenelle. Par ailleurs, c'est le cabinet Lefèvre Pelletier & associés, le cabinet auquel appartient Philippe Pelletier, président du comité stratégique du Plan bâtiment Grenelle, qui a mis au point le prototype de CPE sur le plan juridique et contractuel, spécialement sur la garantie de performance énergétique. Autant de raisons pour que ce CPE soit une opération exemplaire...
Pourtant des doutes se sont fait jour : l'ARC (Association des responsables de copropriété), très impliquée dans la rénovation énergétique des copropriétés, a cherché tout naturellement à en connaître les modalités et s'est heurtée à sa grande surprise à un mur d'opacité : refus de communiquer de Bouygues, fin de non-recevoir de Nexity, le syndic, au motif de la confidentialité, silence du cabinet LPG. Par ailleurs, l'ADEME, semble n'avoir eu accès qu'au dossier technique et non à la partie juridique et financière du contrat, et le conseil régional, qui conditionne sa subvention à l'obtention des mêmes informations indique selon l'ARC s'être heurté à la même opacité...
L'ARC a déjà eu à dénoncer les clauses trompeuses le l'offre Provalys WINPACTE de GDF-Suez, et plus récemment celle d'une autre filiale de GDF-Suez, Cofely. L'ARC leur reproche dans un premier temps de ne garantir qu'une économie très faible (de l'ordre de 10%), et d'allécher les copropriétaires par la gratuité du remplacement des chaudières actuelles par des chaudières à condensation, gratuité obtenue au prix du rachat des certificats d'économie d'énergie (CEE), de la reprise de l'excédent d'un ancien "P3" non utilisé, voire de la conservation par le prestataire pendant une certaine durée de tout ou partie des économies générées par le changement des chaudières par la société titulaire. Elle leur reproche aussi de comporter des clauses trompeuses (par exemple des économies calculées sur la base d'une consommation antérieure surévaluée, référence pour les degré-jours à une saison prolongée, etc.) ou une tarification de l'énergie désavantageuse. La clause d'intéressement elle-même est défavorable puisqu'elle prévoit une répartition de 50-50% de l'économie au-delà de l'objectif, contre 2/3-1/3 habituellement en faveur de la copropriété. Enfin le prestataire peut se rattraper sur une surfacturation du "P2" et du "P3", et une tarification opaque et défavorable de l'eau chaude permettant d'augmenter artificiellement le niveau des économies sur la partie chauffage, et donc l'intéressement pour le titulaire... Tous pièges que les syndics ne sont en général pas en mesure de déjouer !
Dans un second temps, l'ARC reproche aussi à ces prestataires, en même temps fournisseurs d'énergie, de "ficeler" les copropriétaires avec des contrats de longue durée de ce type, en leur faisant croire qu'ils ont fait ce qu'il fallait en matière d'économies d'énergie, alors qu'une rénovation énergétique plus ambitieuse permettrait de diminuer le besoin de production de chaleur et donc le dimensionnement de l'outil de production et la consommation d'énergie...
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