Déployé progressivement en 2011, et doté de fonds importants, le programme "Habiter mieux", piloté par l'ANAH (Agence nationale de l'habitat), a concerné à peine 13.000 ménages, loin du rythme de croisière annoncé, soit plus de 50.000 ménages aux revenus modestes par an : ce retard a déjà été pointé le 27 juin, lors d'un colloque du Club de l'amélioration de l'habitat, où l'on a tenté d'identifier les freins. L'objectif du programme est de réduire de 25% la consommation conventionnelle "théorique" (électro-domestique mis à part) de 300.000 logements en 6 ans, soit les logements du dixième des ménages français qui consacrent plus de 10% de leurs revenus à assurer leurs dépenses énergétiques.
Ce programme s'inscrit dans une action pérenne de lutte contre la précarité énergétique, en agissant directement sur les dépenses d'énergie liées au logement. Il permet aussi de mieux connaître les réels enjeux de la réhabilitation thermique du bâti ancien et de mieux cerner les attentes des ménages confrontés à la précarité énergétique.
L'ANAH ne se décourage pas de ce retard. Elle tire deux principaux enseignements de cette première période : le premier est que le ciblage sur les "passoires thermiques" permet d'engager une résorption forte de l'habitat privé le plus énergivore ; avant travaux 2/3 des logements financés comptent parmi les plus énergivores (étiquette G ou F). Cette proportion atteint jusqu'à 86% en Auvergne et en Franche Comté. Après travaux, 90% des logements aidés "gagnent" au moins une étiquette. Ce ciblage sur le parc de mauvaise qualité explique notamment le gain énergétique moyen de 39% obtenu sur le programme, un gain très supérieur au gain de 25% exigé pour obtenir les aides. Les doutes exprimées un moment à ce sujet n'étaient donc pas justifiés.
Le second est que le comportement des ménages change et conduit au choix des travaux de rénovation thermique les plus performants ; l'accompagnement systématique des bénéficiaires les incite à se concentrer sur les travaux les plus efficaces comme l'isolation des combles ou encore le système de chauffage, au détriment des changements de portes et de fenêtres, peu performants sur un plan énergétique. Grâce aux co-financements, inédits, réunis sur ce programme (Etat dans le cadre des investissements d'avenir, Collectivités territoriales, fournisseurs d'énergie par les certificats d'économie d'énergie ou CEE...), de nombreux foyers ont pu ainsi engager des travaux qu'ils n'auraient pu envisager ou financer...
Mais la montée en charge du programme demande à être accélérée dans les prochains mois, avec un objectif : rénover 300.000 logements, cette fois d'ici 2017. Un des difficultés est d'identifier les personnes susceptibles d'en bénéficier. Une autre est ensuite de les faire passer à l'acte !
L'ANAH appelle donc à une mobilisation plus forte des acteurs locaux impliqués (Elus de proximité, services de l'Etat, acteurs sociaux, artisans, fournisseurs d'énergie…) pour améliorer le repérage et l'information des foyers éligibles aux aides. Le "porte à porte" est parfois nécessaire et les emplois d'avenir pourraient utilement apporter un appui aux collectivités et aux associations.
L'autre défi est qu'il ne suffit pas de s'attaquer aux propriétaires occupants : l'ANAH doit élargir son intervention aux locataires modestes du parc privé, et aux copropriétaires vivant dans des copropriétés en difficulté. Problème : pour les locataires, il faut mettre le bailleur dans le circuit et ce n'est pas simple...
L'ANAH rappelle que la précarité énergétique concerne près de 3,8 millions de ménages (13% des foyers) consacrant ainsi plus de 10% de leurs ressources au paiement de leurs factures d'énergie (source enquête logement Insee). 87% de ces ménages sont logés dans le parc privé. 62% d'entre eux sont propriétaires du logement qu'ils occupent : il s'agit d'une population plutôt âgée (55% d'entre eux ont plus de 60 ans) qui se loge essentiellement dans des maisons anciennes construites avant 1975 souvent située en zone rurale.
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