Pour répondre à la situation exceptionnelle liée aux intempéries qui frappent un certain nombre de départements, le gouvernement a décidé de prolonger jusqu'au 31 mars la trêve concernant les expulsions de locataires ayant fait l'objet d'une décision de justice exécutoire. Dans une circulaire du 13 mars, Cécile Duflot demande en conséquence aux préfets de département de suspendre jusque là toute décision accordant le concours de la force publique à une procédure d'expulsion. Sans cela, la trêve prenait fin le 15 mars.
Souhaitant depuis quelque temps ne plus avoir le mauvais rôle, la Chambre Nationale des Huissiers de Justice a fait savoir dans un communiqué, par la plume de son président, Jean-Daniel Lachkar, qu'elle souhaitait alerter les pouvoirs publics sur la nécessité d'associer les huissiers de justice aux différents groupes de travail ou commissions sur la prévention des expulsions auxquels ils ne participent pas aujourd'hui. "Les huissiers de justice parviennent généralement, en prenant l'initiative d'alerter en amont les interlocuteurs sociaux, à trouver des solutions pour éviter l'expulsion effective", indique la Chambre.
Et d'ajouter que "le chômage, la montée des emplois précaires, l'augmentation des travailleurs pauvres, sont une réalité dans un contexte de crise où les difficultés de chacun sont de plus en plus grandes. L'huissier de justice, sur le terrain, tous les jours, connaît bien ces situations et les contextes de précarité des personnes soumises à un titre exécutoire d'expulsion. L'huissier de justice est avant tout à la recherche de solutions pour éviter le traumatisme (...). Pour la profession, l'expulsion, quand elle est effectuée, est un échec, cela veut dire que toutes les démarches que nous avons essayé de mettre en place n'ont pas fonctionné"...
Il souligne également que "la prévention doit débuter dès l'origine du problème et doit demeurer l'objectif essentiel jusqu'au dernier moment. La prévention concerne de nombreux acteurs qui ont tous leur rôle à
jouer, l'huissier de justice en est un".
Côté propriétaires, la réaction de l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière), par la voix de son président, Jean Perrin, est plus prévisible : la fédération des chambres départementales de propriétaires, majoritairement bailleurs, n'est pas contre le prolongement de la trêve hivernale mais pour sa suppression ! Pour elle, cette mesure ne saurait régler les problèmes de logement de façon pérenne. Seule une réforme de structure concernant les conditions d'occupation des logements HLM le permettrait, et il est vrai que l'UNPI le réclame avec constance.
"Il n'est pas admissible en effet que des locataires dont les revenus dépassent jusqu'à deux fois les plafonds de ressources autorisés puissent se maintenir dans ces logements", répète-t-il, laissant croire que cela règlerait ipso facto le problème du relogement des personnes expulsées.
Et si cela ne suffit pas, l'UNPI pointe l'inutilité d'une trêve une partie de l'année : "il est plus facile de reloger tout au long de l'année plutôt que sur une période réduite. Il faut également noter que l'expulsion est l'étape ultime et prévisible d'une très longue procédure. Rappelons aussi qu'au Canada, la trêve hivernale n'existe pas", écrit Jean Perrin, oubliant qu'il n'y existe pas non plus comme en Ile-de-France de pénurie de logement accessible aux revenus modestes, aux familles mono-parentales et aux personnes ayant subi un accident de la vie ; or ce sont ceux-là et non une poignée de locataires indélicats qui constituent le gros des personnes sous le coup d'une expulsion. Au demeurant, dans les régions en France où ne sévit pas de difficultés de relogement - et il en est de nombreuses -, Jean Perrin est bien placé pour savoir que les expulsions sont rapidement exécutées. Tout refus de concours de la force publique ouvre en effet droit à indemnisation par l'Etat du propriétaire, et voici plusieurs années que ce dernier essaie de limiter l'hémorragie...
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