Les objectifs du "Grenelle de l'environnement" ont pris beaucoup de retard : la loi de programmation de 2009 fixait comme objectif la rénovation complète de 400.000 logements par an à compter de 2013, et aujourd'hui, seuls quelque 120.000 logements privés (en grande partie individuels) et 25.000 logements sociaux sont rénovés chaque année. Dans le parc privé, le secteur de la copropriété en particulier piétine largement. La tentation est grande dans ces conditions d'en passer, comme cela a été prévu pour le parc tertiaire, par l'obligation règlementaire, ce que les responsables du Plan bâtiment Grenelle avaient voulu éviter, notamment dans le secteur de la copropriété, déjà durement éprouvé par les travaux obligatoires de sécurisation des ascenseurs. L'idée a en été néanmoins émise lors de la Conférence Environnementale des 14 et 15 septembre 2012, puis à l'occasion des premiers travaux du "Débat national pour la transition énergétique". Et un nouveau groupe de travail "Explorer l'obligation de rénovation énergétique dans le secteur résidentiel" a été lancé par Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, nouvelle appellation du Plan bâtiment Grenelle. Trois pistes de travail sont envisagées : obliger les propriétaires ou copropriétaires des "passoires thermiques" (immeubles en classe E, F et G) à faire des travaux pour monter d'une ou deux "classes", instaurer une obligation de travaux avant vente, et/ou instaurer une obligation de "ravalement thermique".
La plus en pointe des associations de consommateurs en faveur de la rénovation énergétique des immeubles, porteuse d'économies de charges, l'ARC (association des responsables de copropriété), prend position de manière nuancée à l'égard de ce projet, rappelant le précédent controversé - toujours en cours - des travaux obligatoires de mise en sécurité des ascenseurs : difficulté de déterminer les travaux réellement nécessaires, certains équipements surdimensionnés ou inutiles étant "imposés"par des entreprises qui abusent de la situation, et solitude des copropriétés face à des professionnels ou des entreprises tentés d'abuser de l'urgence créée par des échéances fixes, avec de surcroît des syndics eux-mêmes dépassés par la complexité techniques et en danger d'être manipulés par les premiers...
Plutôt que d'instaurer une obligation de travaux risquant de conduire aux mêmes dérives, l'ARC demande de modifier les règles de gouvernance des copropriétés en matière de gros travaux (rénovation énergétique ou non) par l'instauration d'une obligation de programmation pluriannuelle et de constitution et alimentation d'un fonds travaux dans chaque copropriété. En effet, souligne l'ARC, "il est souvent difficile, voire inopportun de dissocier la rénovation énergétique et la rénovation "tout court", surtout en copropriété où un gros retard a pu s'accumuler".
Sur le premier des trois volets des obligations envisagés par le groupe de travail, à savoir l'obligation de travaux dans les immeubles en classe E, F et G, l'ARC reconnaît qu'il est difficilement admissible de laisser de tels immeubles en l'état, sachant que les logements y sont souvent - surtout quand ils sont dans des zones foncières peu tendues - soit acquis par des gens modestes, soit loués à des gens non moins modestes, et les mettent d'emblée en situation de précarité énergétique. Pour les copropriétés, l'association propose de leur donner cinq ans pour faire des travaux permettant de gagner deux classes et pour cela, prévoir des aides et des moyens d'accompagnement. Le montant des aides doit être simple et garanti dans le temps : le manque de visibilité est en effet contre-productif pour la planification de travaux d'économies d'énergie en copropriété. A défaut, une des sanctions pourrait être, par exemple, une minoration des loyers à hauteur de 20 ou 30% ; l'ARC rappelle que ce sont en effet les bailleurs qui sont généralement les plus réticents à financer les travaux d'économies d'énergie, réticences d'autant moins admissibles qu'ils peuvent répercuter une partie de ces investissements sur leurs loyers...
L'obligation de travaux lors de la vente est plus simple à dire qu'à mettre en oeuvre ; de nombreux travaux pourraient s'avérer soit peu efficaces, soit insuffisamment étudiés (isolation sans ventilation, par exemple), soit inadaptés. "C'est tout le problème - par exemple - de l'isolation par l‘intérieur, prévient l'ARC : respiration des bois ; confort d'été"... Ces travaux pourraient compromettre le bâti, et même le confort, sans forcément amener des gains énergétiques garantis. "Si une telle obligation était instaurée, il faudrait donc développer considérablement l'aide aux BONS conseils et instaurer un système de prescriptions adaptées", insiste l'ARC, qui ne fait pas confiance aux entreprises pour garantir la pertinence de tous les projets...
Quant à l'obligation de ravalement thermique, en fait l'isolation par l'extérieur (ITE), il est tentant pour les municipalités de procéder comme les injonctions de ravalement obligeant les copropriétés à procéder régulièrement au gros entretien de la façade. Il faut cependant que les collectivités soient en mesure de proposer des aides financières, un cahier des charges, et des conseillers pour étudier à la fois la faisabilité - tous les immeubles ne sont pas adaptés à une ITE - et la possibilité d'engager d'autres travaux (ou de ne pas compromettre la possibilité de faire d'autres travaux), sans oublier les contrôles nécessaires concernant la qualité des entreprises et des travaux. La Ville de Grenoble a montré avec ses opérations spécifiques, notamment l'opération "Murs murs", que c'était possible mais coûteux, notamment au niveau de l'accompagnement nécessaire, dès lors que l'on vise des résultats de qualité...
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