A l'occasion de la journée mondiale de l'eau, l'UFC-Que Choisir s'inquiète du respect de la teneur en plomb de l'eau potable dans les copropriétés et en en appelle aux pouvoirs publics. Elle rappelle la directive européenne qui impose la division par plus de 2 de la teneur en plomb de l'eau potable d'ici le 25 décembre 2013 : de 25µg/l à 10µg/l ! Cette directive a été prise pour mettre en oeuvre les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) sur les risques pour les jeunes enfants de la présence de plomb dans l'eau (retards intellectuels). L'atteinte de cet objectif impose généralement la suppression de tous les branchements ou canalisations en plomb, y compris à l'intérieur des immeubles. Si le programme d'éradication sur le réseau public avance bien, notamment du fait des aides publiques, il n'en va pas de même pour le parc privé.
L'UFC estime à 2 à 3 millions le nombre de logements concernés, soit 10 à 15 % des logements en France, même s'il n'y a pas eu réellement d'enquête représentative et d'audit sur la présence de plomb dans l'eau au point de puisage dans les logements. Les experts indiquent que le plomb a été utilisé massivement dans les immeubles jusqu'en 1950 avant d'être définitivement prohibé en 1960. Ils sont situés principalement dans les grandes agglomérations de plus de 200.000 habitants, l'Ile-de-France concentrant un tiers des logements anciens.
Dépendant de 5 variables (nombre de colonnes montantes, complexité de l'immeuble, taille de l'immeuble, matériaux utilisés), le coût des travaux peut être estimé à une moyenne de 1.000 euros par logement, si l'on en croit l'ANAH (Agence nationale de l'Habitat), qui finance modestement les travaux réalisés par les particuliers, très loin du budget annuel des agences de l'eau (2 milliards par an) qui ont massivement aidé les collectivités pour le renouvellement des branchements plombs publics (Seine Normandie : 254 millions d'euros entre 2002-2006 ; Rhône Méditerrannée Corse : 66 millions, etc.).
A côté, l'aide de l'ANAH pour la réalisation des travaux privés de renouvellement de canalisation paraît ridiculement faible comparé aux acteurs publics. En effet, déjà loin d'être limitées aux seules canalisations et reposant sur des critères de ressources, les aides de l'ANAH n'ont pas dépassé 239 millions en 2011... Alors que les particuliers financent à 90% les agences de l'eau, via les redevances sur les factures !
L'UFC ne craint pas de dénoncer "l'attitude quasi schizophrénique des pouvoirs publics, prompts à imposer des normes mais peu enclins à œuvrer à leur mise en place rapide et sereine dans le parc privé alors qu'il semble exister un réel enjeu sanitaire"...
Du coup, l'UFC-Que Choisir annonce saisir l'ANSES, l'Autorité sanitaire, pour déterminer les risques précis liés à la consommation à long terme d'une eau contaminée au-delà du seuil de 10µg/litre, notamment dans le cas des enfants, et demande au gouvernement la réalisation d'un audit à l'échelle nationale pour vérifier l'application de la réglementation dans les bâtiments publics accueillant des enfants (crèches, écoles, etc.) et estimer le niveau d'exposition dans les logements bâtis avant 1960 ; elle demande aussi aux agences de l'eau, chargées de la qualité et de la préservation de la ressource, d'aider les particuliers de la même manière qu'elles l'ont fait pour les collectivités, en abondant le budget de l'ANAH.
Que Choisir met à la disposition des particuliers, et surtout des copropriétaires, une fiche questions/réponses pour les informer des aspects pratiques du changement de canalisation dans les logements privés. L'association de consommateurs rappelle que pour l'usager, l'obligation juridique concerne la présence de plomb dans l'eau du robinet et en aucun cas la présence de plomb dans les canalisations. Le premier acte à accomplir est donc de faire réaliser une analyse. Si le taux dépasse les 10 microgrammes par litre, il faut changer les canalisations. S'il est en dessous de ce seuil, il n'y a rien à faire.
Le propriétaire ou le syndicat de copropriétaires doit solliciter un laboratoire agréé par le ministère chargé de la santé (liste disponible sur le site des DDASS) ou accrédité par le COFRAC pour ce type d'analyse. Le coût est de 50 à 80 euros par échantillon (la moitié pour l'analyse, la moitié pour les prélèvements), sachant qu'il est nécessaire d'effectuer plusieurs prélèvements.à des moments différents de la journée. Ainsi, à 9 heures du matin, la présence de plomb est exceptionnellement basse car l'usage matinal (douches, etc.) a "lessivé" le plomb des canalisations. A 15 heures, suite à plusieurs heures de faible circulation de l'eau, le taux sera substantiellement plus élevé. Bien entendu, si les tests sont effectués lorsque le taux d'occupation de l'immeuble est bas (fin juillet par exemple), le taux de plomb sera encore plus élevé. Chaque point de l'immeuble sera aussi exposé différemment. Les étages élevés présentent une plombémie plus forte (car l'eau circule plus dans les canalisations) et il arrive parfois que, dans un même immeuble, certaines parties soient concernées par les canalisations en plomb et pas d'autres...
L'avertissement de l'UFC-Que Choisir ne va pas faire l'unanimité chez les associations de consommateurs : l'ARC (Association des responsables de copropriété) estime quant à elle que la norme de 10µg/l est trop sévère, et qu'elle a été fixée ainsi sous la pression des lobbies industriels. Elle invite elle aussi à effectuer des analyses sérieuses, mais aussi à ne pas se précipiter dans des travaux coûteux de changement des canalisations sans discernement. En tous cas à ne pas se laisser entraîner inconsidérément par des syndics eux-même sous la pression des entreprises...
Les pouvoirs publics paraissent avoir peu de moyens de contrôle et de sanctions. Un particulier propriétaire de son logement qui n'effectuerait pas les démarches contreviendrait incontestablement à la loi mais il parait très peu probable que des contrôles et sanctions soient mises en œuvre.
En revanche, les conséquences juridiques concrètes surviendront plus probablement lors de contentieux entre locataire et bailleur (le premier attaquant le second pour non-conformité) ou dans le cadre de la vente d'un bien (vice caché à négocier lors de la transaction). En effet, le locataire peut demander à son bailleur d'effectuer les travaux de mise en conformité des tuyaux dont il a la responsabilité, conformément aux dispositions du décret du 30 janvier 2002 relatif aux caractéristiques du logement décent...
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