La ministre de l'écologie, Delphine Batho, a ouvert aux journalistes une réunion du Conseil national de la transition énergétique qui auditionnait sur la précarité énergétique, sujet très médiatisé ces derniers mois, mais finalement peu connu.
Le premier choc a été d'abord causé par la découverte de l'ampleur du phénomène. Selon des statistiques de l'INSEE, plus de 8 millions de Français consacrent plus de 10% de leurs revenus à payer leurs factures d'énergie et de carburant. En fait ce chiffre est inférieur à la réalité : il extrapole l'enquête Logement de 2006, et décrit la situation avant le début de l'inflation des prix de l'énergie. Par ailleurs, si la précarité frappe partout, la région Nord-Pas-de-Calais et les zones rurales semblent particulièrement touchées, selon le Secours catholique, une des associations auditionnées.
Deuxième constat : la précarité énergétique se développe à grande vitesse : les demandes d'aides à l'énergie ont augmenté massivement depuis trois ans selon la Fondation Abbé Pierre. En cause : l'augmentation des prix de l'énergie : les prix hors taxe de l'électricité ont progressé de 10% entre 2004 et 2012, mais ceux du gaz de 70%, selon Eurostat. Le prix moyen des carburants a, lui, progressé de 4,4% par an, entre 1999 et 2012, indique une récente étude du ministère de l'économie.
La paupérisation encourage les vols de courant, que reconnaît discrètement ERDF : 10 térawattheures par an actuellement, en hausse d'environ 20% entre 2009 et 2011. Ceux qui peuvent encore payer l'énergie du chauffage fractionnent leurs dépenses ou recourent aux poêles à pétrole, grand succès commercial car on peut acheter de petites quantités de carburant, plutôt que d'assumer d'un seul coup le plein de la cuve à fioul... Mais en dégageant de l'humidité, ils contribuent à la dégradation des logements et de la santé de leurs occupants. Malheureusement, les études évaluant l'impact sanitaire de la précarité énergétique font encore défaut en France !
La précarité énergétique est aussi un facteur de désocialisation : "par manque d'eau chaude, les mères ne peuvent plus laver leurs enfants et hésitent à les envoyer à l'école ; d'autant qu'ils ont du mal à faire leurs devoirs à la lueur de la bougie", explique la vice-présidente d'ATD Quart Monde France.
Et la situation ne peut qu'empirer : il est annoncé une hausse de 30% des seuls prix de l'électricité d'ici 2017 ! Pour les associations entendues, l'idéal serait d'augmenter en proportion les minima sociaux et les tarifs sociaux de l'énergie, ou d'augmenter l'aide personnelle au logement (APL) en proportion de l'inflation des prix de l'énergie. Et que l'Etat garantisse un plancher des aides distribuées par les collectivités territoriales, dont les montants sont très variables.
Il existe aussi des solutions plus structurantes : comme la création d'un corps de 6.000 "ambassadeurs du conseil énergétique", financés par le Grand emprunt, qui feraient du porte-à-porte pour donner aux ménages défavorisés les conseils élémentaires pour économiser l'énergie. "Chaque visite peut permettre de réduire de 90 euros le montant de la facture d'un ménage" a plaidé un des associatifs. Ou l'élargissement du champ d'intervention du programme "Habiter Mieux", porté par l'ANAH (Agence nationale de l'habitat) : ce programme n'a pour le moment permis de rénover que 13.000 logements en un an.
Il serait envisagé une augmentation de la contribution au service public de l'électricité (CSPE) ; sa "part sociale" ne représente en 2013 que 2,8% des sommes collectées. Egalement l'utilisation massive du dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) ; enfin, certains demandent qu'on interdise la location des logements les plus énergivores, et à défaut quel l'on aide ceux qui sont forcés d'acheter une énergie chère et polluante, à l'instar de la prime à la cuve de fioul.
A noter qu'en fin d'audition, la ministre de l'écologie s'est demandée s'il fallait consacrer les moyens dont disposent les pouvoirs publics, et qui sont contraints, à financer la construction de logements respectant la RT 2012 ou à rénover le parc de logements les plus énergivores...
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