Dans un entretien accordé le 7 août au quotidien Corse-Matin, le président du conseil exécutif de Corse, Paul Giacobbi, proposait de limiter l'accès à la propriété pour les non insulaires, afin de lutter contre la spéculation foncière. "Si on peut acheter un terrain en Corse aussi aisément qu'une tablette de chocolat sur le rayon d'un supermarché, on court à la catastrophe", avait-il notamment déclaré, suggérant de fixer à cinq ans le délai de résidence pour avoir le droit d'acheter, ou "se fonder sur l’attachement familial à la Corse afin de ne pas pénaliser les Corses de l’extérieur"... L'idée a été lancée sérieusement, une séance de l'assemblée de Corse devant prochainement consacrer une session spéciale sur le sujet. A noter que celle-ci a déjà voté la co-officialité de la langue corse, le 17 mai dernier, condamnée le mois suivant par le ministre de l'Intérieur. Il est vrai que cette fois, un tel projet risque de poser un problème constitutionnel, notamment au regard du principe d'égalité des citoyens devant la loi.
Le principe n'est pas nouveau : il avait été avancé par les nationalistes qui proposaient déjà en 2010 de restreindre les acquisitions immobilières aux acheteurs résidant depuis au moins dix ans en Corse. Et il est loin de faire l'unanimité : impensable, par exemple, pour l'association Corse-France, fermement opposée au projet. Pour sa présidente, Marie-Dominique Roustan-Lanfranchi, les prix des terrains augmentent partout, en Ile-de-France, dans le Var, dans le Lot, la situation est parfois pire, et on ne demande rien de tel ! "Il faut arrêter de penser que la Corse est seule au monde. Pourquoi devrions-nous toujours être traités différemment des autres régions ?", s'insurge-elle dans une déclaration rapportée par Le Figaro. Pour elle, le problème n'est pas dans la spéculation : "les zones constructibles se raréfient, il devient très compliqué de trouver un terrain en Corse, voilà ce qui crée une flambée des prix. Dans de nombreuses communes, il n'existe aucun plan local d'urbanisme ! S'ils étaient réellement mis en œuvre, les maires pourraient déjà réguler l'accès à l'immobilier, en privilégiant la construction de logements sociaux par exemple". Et de se demander s'il serait judicieux de refréner les constructions en Corse : "tout un pan de l'économie locale s'en retrouverait ainsi sinistré, un de ceux qui se portent justement pas trop mal"...
Les professionnels de l'immobilier installés s'insurgent aussi contre cette proposition, et craignent les retombées d'une telle annonce. Car les transactions immobilières réalisées dans l'île sont portées par les continentaux. "Les biens supérieurs à 500.000 euros sont principalement acquis par les gens du continent, parce que les Corses n'en ont pas les moyens", indique un agent immobilier cité par Le Figaro. Si plus personne ne peut les acheter, ils vont subir une forte décote, et entraîner une baisse des prix de l'ensemble des biens, ce qui, selon un notaire corse, pénaliserait en premier lieu les Corses, et notamment ceux qui ont acheté à crédit...
A noter que seuls 53% des Français se sont dits opposés aux mesures de restriction de l'accès à la propriété dans un sondage paru le 14 août dans Le Journal du Dimanche !
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