Le 13 juin 2013, la ministre en charge de l'énergie demandait à l'ADEME en tant que pilote opérationnel de l'ONPE (Observatoire national de la précarité énergétique) de réaliser un audit des tarifs sociaux de l'énergie et à leurs modalités et coûts de distribution. Les tarifs sociaux de l'énergie sont une aide sociale originale versée via les quelque 160 fournisseurs d'électricité et de gaz naturel. Cette aide porte le nom de tarif de première nécessité (TPN) pour l'électricité et de tarif spécial de solidarité (TSS) pour le gaz. Cette aide est une obligation de service public, mais ils en sont
intégralement remboursés, y compris les frais de gestion, par des taxes payées par les consommateurs.
Les foyers éligibles sont actuellement identifiés par les organismes d'assurance maladie (OAM), et, suite à la loi "Brottes" du 15 avril 2013, des éligibles supplémentaires seront identifiés par l'administration fiscale afin de s'approcher d'une cible de 4 millions de ménages. Les tarifs sociaux comprennent 5 déclinaisons (TPN et TSS individuels, TSS collectifs, TPN et TSS résidences sociales). De par leur construction, ils constituent une aide inéquitable vis-à-vis de ceux qui ne sont pas chauffés au gaz naturel, dans la mesure où ceux qui sont chauffés au gaz naturel cumulent à la fois le TPN et le TSS alors que ceux chauffés par d'autres modes de chauffage ne reçoivent que le TPN.
Par ailleurs, la détermination générale du montant de l'aide dépend de nombreux paramètres (composition familiale, contrat souscrit…) et ses modalités de calcul sont peu lisibles, difficilement vérifiables et peuvent présenter des effets pervers (en fonction du contrat, l'aide varie : une consommation d'énergie plus importante peut conduire au final à une facture moindre, une fois l'aide déduite). Par ailleurs, concernant le TSS collectif, ses modalités d'attribution actuelle et la diversité des acteurs impliqués (bailleurs, fournisseurs…) donnent lieu à de réelles difficultés de mise en oeuvre (80.000 aides attribuées sur un total estimé à 400.000
ayants droit).
Ces tarifs constituent donc une réponse insuffisante au problème de la précarité énergétique. En particulier, les montants des tarifs sociaux apparaissent d'un montant bien trop faible au regard du montant des factures d'énergie (de l'ordre de 8 euros d'aide mensuelle par énergie) pour pouvoir effectivement protéger les ménages de la précarisation énergétique qui s'amplifie, indique le rapport.
Par ailleurs, si la procédure d'attribution automatique décidée par l'État en mars 2012 a permis de fortement accroître le nombre de bénéficiaires, en passant de 600.000 ménages à 1,3 million pour le TPN et de 300.000 à 450.000 pour le TSS, la gouvernance du dispositif nécessiterait néanmoins d'être améliorée afin d'harmoniser les pratiques de traitement des informations des différents fournisseurs. Le croisement des données reste intrinsèquement complexe et ne peut pas couvrir la diversité des situations dont notamment le suivi dans le temps des changements de situations.
L'automatisation ne concerne que les bénéficiaires dont un contrat électricité ou gaz a été reconnu. Sans contrat reconnu, obtenir l'aide relève du parcours du combattant (formulaire très compliqué et source d'erreur, service d'information perfectible…). Quant à la situation des quelque 1,35 million ayants droit non bénéficiaires de l'ACS ou de la CMUC, leur situation apparaît à ce jour inextricable s'ils souhaitent bénéficier des tarifs sociaux sans pour autant demander l'aide sociale.
Pour finir, l'expérience montre que les délais nécessaires à la mise en oeuvre des évolutions législatives et réglementaires sont généralement sous-estimés.
Le rapport recommande de consolider les tarifs sociaux en les simplifiant et surtout les compléter pour aller vers un véritable "bouclier énergétique". Des solutions immédiates peuvent maximiser le nombre de bénéficiaires dès cet hiver et améliorer les points faibles du dispositif, telles que simplifier les modalités de calcul de l'aide et relever significativement le montant des tarifs sociaux, en proposant leur doublement et leur forfaitisation, enrichir les données transmises sur les bénéficiaires pour améliorer l'automatisation, mettre en oeuvre des solutions palliatives transitoires pour disposer dès la rentrée 2013 des fichiers de nouveaux bénéficiaires, en acceptant que ces fichiers ne soient pas totalement stabilisés, faire connaître les tarifs sociaux de façon neutre et concertée (ex : campagnes de communication commune), compléter les tarifs sociaux avec un "chèque énergie" étendu à toutes les énergies, quel que soit le mode de chauffage, simplifier diverses dispositions législatives et réglementaires telles le financement direct des FSL (Fonds de solidarité pour le logement) par la CSPE (contribution au service public de l'électricité) ou encore la révision des règles de détermination de la composition familiale, tester un circuit de rattrapage de proximité pour les ayants droit non bénéficiaires (exemple : s'appuyer sur les CCAS, centre communal d'action sociale), ou encore mieux accompagner les bénéficiaires, en particulier pour l'amélioration thermique de leur logement et plus globalement pour lutter contre toutes les formes de précarité énergétique...
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