Le 5 mai 2012, l'UNPI (Union nationale de la propriété immobilière - fédération de chambres départementales ou locales de propriétaires regroupant dans les 150.000 adhérents, en majorité bailleurs) a dénoncé à la Commission européenne une distorsion de concurrence entre secteur HLM et secteur privé sur le marché immobilier locatif en France. La plainte mettait en avant les exemples de deux organismes de logement social public (OPH Nord Pas de Calais et Epinorpa-Soginorpa). L'UNPI estime que chaque année le parc public coûte à l'Etat et aux collectivités territoriales 21 milliards d'euros par an, sans que ces aides ne soient selon elle réellement contrôlées. Elle reproche aussi au parc public de concurrencer le parc privé à 75% dans des zones où "il n'y a pas de besoin manifeste" ; elle se réfère pour cela aux zones "non tendues" mentionnées dans le rapport 2012 de la Cour des Comptes...
Selon des informations recueillies par Le Figaro, la procédure se serait accélérée ces derniers temps. La Commission européenne, qui s'est déclarée compétente pour instruire cette plainte dès l'été 2012, a demandé des explications à Paris. Après plusieurs allers-retours, le gouvernement vient de rendre sa réponse définitive. Dans les prochaines semaines, la Commission dira si elle ouvre une procédure formelle à l'encontre de l'État français, comme elle l'a fait pour les régimes d'incitation fiscale à l'investissement locatif. La Commission européenne, a en effet décidé d'assigner la France devant la Cour de justice de l'Union européenne pour discrimination dans la fiscalité appliquée aux logements neufs : un contribuable français qui investit dans le logement locatif dans un autre Etat de l'UE ne peut en effet bénéficier de ces avantages, ce qui rend ces dispositifs fiscaux incompatibles avec la libre circulation des capitaux, principe fondamental du marché unique de l'UE", avait expliqué la Commission dans un communiqué.
L'UNPI avance que sur les 21 milliards qui bénéficient au sens large au logement social, 2 milliards sont injustifiés au regard du droit européen, car finançant avec trop de largesse la construction de HLM "haut de gamme" (ceux financés par les PLS ou prêts locatifs sociaux et les PLI ou prêts locatifs intermédiaires), abritant des locataires "aisés". L'UNPI n'a pas manqué bien entendu de faire son miel des scandales successifs de hauts fonctionnaires ou de personnel politique logés dans des logements à caractère social ou intermédiaire avec des loyers inférieurs au marché.
L'USH (Union sociale pour l'habitat, qui regroupe les organismes HLM) réagit régulièrement en contestant cette généralisation. Jean-Louis Dumont, président de l'USH a encore rappelé dans des propos rapportés par Le Figaro qu'à part le taux réduit de TVA à 7%, il n'y a pas aujourd'hui d'aide pour les catégories financées par PLS et PLI. "Les niveaux de loyer beaucoup plus faibles dans les HLM que dans les logements privés justifient le montant des aides en France. Elles s'élèvent à environ 10 milliards d'euros, et non pas 21 milliards", ajoute-t-on au ministère du Logement.
L'USH dément aussi l'affirmation de l'UNPI selon laquelle "près de 380.000 ménages occupent des HLM en France alors qu'ils gagnent plus de 4.000 euros par mois, ce qui les met au-dessus des plafonds de ressources" ; pour Jean-Louis Dumont, ce chiffre est un fantasme : le nombre de ménages en HLM au-dessus des plafonds de ressources ne serait que de 10.000, et se voient appliquer des surloyers. Et, comme le prévoit la loi "Boutin" (ou MOLLE) votée en 2009, les organismes HLM pourront expulser ces ménages à partir de 2014. Le cabinet de la ministre du logement chiffrerait quant à lui à 115.000 le nombre de ménages payant déjà un surloyer.
Cette affaire pose en fait le problème des aides à la pierre par rapport aux aides à la personne. Ces aides permettent depuis des décennies au secteur HLM, dont il faut rappeler qu'une partie est constitué de sociétés privées, de construire à coût réduit et de pratiquer en conséquence des loyers nettement inférieurs au marché. De manière cohérente, l'UNPI plaide au demeurant pour la suppression de toutes les aides à la pierre et leur réorientation en aides à la personne, permettant aux locataires de payer les loyers demandés par les propriétaires privés. Or, les aides à la personne accordées dans le secteur privé sont nettement inflationnistes dans les zones tendues. On estime en effet qu'elles ont contribué à alimenter des hausses de loyers supérieures à l'inflation pendant une bonne partie des années 2000. De subvention aux locataires, elles deviennent par le jeu du marché locatif une subvention aux propriétaires. On comprend pourquoi ces derniers les apprécient, alors qu'ils ne manquent pas de fustiger "dérive des dépenses publiques"...
Dans sa plainte à la Commission européenne, l'UNPI ne va pas aussi loin et demande que les aides de l'Etat et des collectivités publiques soient limitées au "réel coût net occasionné par un véritable "service d'intérêt économique général" (SIEG) au sens des traités européens. Or, si elle reconnait que "le logement subventionné est indispensable pour loger ceux dont les ressources sont insuffisantes pour accéder au marché", elle rappelle les critères pour un SIEG légal qui sont l'existence d’une "défaillance du marché", un mandat clair et précis dur la nature et durée des obligations de service public, des paramètres de compensation préalablement établis de façon objective et transparente, une compensation limitée aux coûts nets occasionnés par l’exécution des obligations de service public et une séparation des activités SIEG et des autres activités. Pour elle, les PLS et PLI, et à plus forte raison les avantages fiscaux et subventions dont bénéficient les organismes HLM pour le logement non conventionné, les commerces, bureaux, garages etc. ne correspondent pas à des SIEG.
A suivre !
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