Intervenant lors des rencontres Effinergie le 12 février, la ministre du logement Cécile Duflot a créé la surprise en remettant à l'ordre du jour une éventuelle obligation de travaux de rénovation énergétique des logements existants, maisons individuelles et immeubles collectifs. Pourtant, un groupe de travail, constitué dans le cadre du Plan bâtiment durable et missionné dans le contexte de la préparation de la loi d'orientation sur la transition énergétique dont le projet devrait être déposé au printemps 2014, avait conclu en novembre dernier qu'un tel projet se heurterait au problème de sa faisabilité juridique autant qu'à celui de son "acceptabilité sociale"...
Les rapporteurs, Jacques Chanut, de la Fédération française du bâtiment (FFB) et Raphaël Claustre, du Comité de liaison des énergies renouvelables (CLER), pointaient la nécessité d'un argumentaire positif et non culpabilisant : confort amélioré, économies financières réalisées, valeur verte, résilience vis-à-vis des ressources énergétiques, protection de l'environnement... -, et celle de la préparation de la filière : le nombre important d'entreprises, leur disparité et leur spécialisation rendent difficiles l'accompagnement, la sensibilisation et la formation aux enjeux de la rénovation énergétique des logements.
Etaient aussi pointées la difficulté à agir dans les copropriétés, la disproportion entre coût des travaux et prix d'acquisition des biens immobiliers dans certains secteurs géographiques, les temps de retour jugés trop longs des travaux de performance énergétique, la capacité financière des ménages et les flux d'investissements nécessaires, la taille du marché si vaste que les inévitables mesures d'accompagnement obligatoires s'avèreraient très (trop) coûteuses...
Certains contributeurs préconisaient l'instauration d'une phase d'expérimentation, soit sur un faible segment du parc propice à une obligation de travaux, soit sur un périmètre géographique restreint en partenariat avec des collectivités locales volontaires, soit sur l'analyse de dispositifs incitatifs ciblant les logements les plus énergivores.
L'introduction d'une éventuelle fiscalité environnementale dans les prochaines lois de finances pourrait également renforcer la rentabilité des opérations de rénovations énergétiques et favoriser le passage à l'acte, avec ou sans l'édiction d'une quelconque obligation", soulignai le rapport. On appréciera dans le contexte actuel le réalisme de cette proposition... En tout état de cause, la quasi-totalité des contributions rappelaient qu'avec ou sans dispositif coercitif, une ingénierie financière adaptée est indispensable pour atteindre les objectifs nationaux et européens d'efficacité énergétique...
Apparemment la ministre ne se considère pas comme découragée par ces objections. "Nous avons entamé en 2013 un volet majeur et décisif : celui de l'incitation. Trop souvent encore, le frein à la rénovation thermique, c'est la difficulté financière ou même l'absence d'intérêt pour engager des travaux de rénovation. Nous devons parvenir à ce que ces travaux deviennent une partie intégrante des décisions des Français" a-t-elle notamment déclaré. "En 2014, nous devons tracer une voie nouvelle, celle d'aller vers une obligation de travaux", a-t-elle ajouté, concédant toutefois que "celle-ci doit se faire en prenant en compte les attentes de la filière et
sans brusquer les habitants des logements". "Nous devons mesurer tous les freins et toutes les difficultés et surtout avoir comme première boussole qu'une vertu ne conduise pas à un vice et que les plus précaires souffrent d'un effet d'éviction à cause de règles trop strictes".
Les pouvoirs publics doivent selon elle "indiquer un cap, une volonté : la rénovation doit devenir la norme, elle ne doit plus être une option". Tout en prévenant que "cela nécessite que l'ingénierie financière soit en place". "Ce sera aussi l'année du passage à l'acte concernant le bâtiment tertiaire. Les modalités techniques sont en cours, mais je peux vous le dire dès aujourd'hui : nous tiendrons l'engagement, trop longtemps repoussé, d'une publication du décret prévu par la loi Grenelle cette année", a-t-elle aussi annoncé.
L'accompagnement est une condition nécessaire d'un décollage de la rénovation énergétique à grande échelle (rappelons que le gouvernement se fixe l'objectif d'atteindre un rythme de 500.000 logements rénovés énergiquement par an) ; l'action des guichets uniques doit donc être "renforcée et amplifiée". "Nous aurons des aides encore plus précises et utiles pour les ménages les plus précaires", également précisé Cécile Duflot.
Elle a encore annoncé une concertation visant à définir les modalités de déploiement des "passeports de la rénovation énergétique", qui doivent être un moyen de s'engager dans une rénovation "BBC compatible", par étapes s'il le faut, tant qu'elles sont réalisées dans le bon ordre. Ils s'adosseront à un véritable audit énergétique, complété de préconisations de travaux, ainsi qu'une évaluation des performances atteintes à chaque
étape.
Enfin, elle souhaite que le financement des travaux de rénovation par les banques soit facilité, "sur des durées plus longues et des taux plus intéressants que ce qui se fait aujourd'hui". Elle a confirmé la mise en place prochaine du fonds de garantie annoncé par le président de la République le 20 septembre en ouverture de la Conférence environnementale, et ce dès obtention des conclusions du rapport demandé à Pierre Ducret, président directeur général de CDC Climat. "Les banques doivent être au rendez-vous du financement de la rénovation thermique, elles doivent répondre à l'appel et à l'attente de millions de Français", a-t-elle demandé, avec un volontarisme à la mesure des réticences des banques à s'engager dans cette voie...
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