C'est ce qui ressort des chiffres de l'observatoire CLAMEUR (1) présentés le 4 mars par son président, François Davy, président de Foncia, et le professeur Michel Mouillart, son opérateur scientifique. La mobilité résidentielle (taux de logements qui changent de locataire dans l'année) continue une chute vertigineuse amorcée en fait depuis 2005, la faisant passer de plus de 30% à 23,8% en ce début de 2014. Une légère remontée avait été constatée en 2010-2011, la faisant remonter à 27,1%, mais depuis 2012 on assiste à un effondrement, la mettant au plus bas depuis 1998, même en tenant compte du fait qu'elle est généralement moins bonne durant les mois d'hiver... Du coup, entre 2011 et 2013, l'offre locative privée présentée chaque année sur le marché s'est contractée de 120.000 unités, chute de la construction locative privée comprise. Il est vrai que la mobilité baissant, il y a aussi moins de candidats à la location...
Sur un plan géographique, la mobilité décroît en allant d'ouest en est, l'Ile-de-France constituant un ilot de mobilité minimale (20,9%), au même titre que la Franche-Comté (23), Rhône-Alpes (20,4) et PACA (22,1). A l'autre bout, la Bretagne, les Pays de Loire et Poitou-Charentes affichent une mobilité insolente de 34 à 35% !
Sur Marseille, la mobilité s'établit à 16,5% depuis le début 2014, confirmant un marché bloqué en fait depuis 2007. Sur Paris, elle s'établit à 17,3% en 2014, en recul
de 10,4 % depuis 2009 (21,0 % depuis 2006-2008).
Les animateurs de CLAMEUR voient la demande déprimée par la montée du chômage et les incertitudes sur le pouvoir d'achat, ce qui est probable, ceux qui pourraient être tentés de changer de logement étant dissuadés de bouger de leur logement actuel. Mais paradoxalement, ils lui imputent aussi la tension des marchés, parce que sa diminution réduit d'autant l'offre de logements à relouer... En réalité, le marché locatif est pris dans une spirale de récession, la chute de la mobilité reflétant le blocage des parcours résidentiels, vers une location de meilleure qualité ou vers l'accession à la propriété, ce blocage rendant à son tour l'accès à la location des jeunes ménages plus difficile !
Sur un marché sans perspectives d'amélioration rapide, l'effort d'amélioration et d'entretien des logements fléchit : 26,6% en 2013 des logements reloués ont bénéficié de travaux avant leur remise en location contre plus de 33% de 2009 à 2011). En fait c'est au moins partiellement une conséquence de la baisse de la mobilité. Parce qu'a contrario, pour de nombreux logements, lors de leur remise sur le marché, les travaux d'amélioration-entretien sont plus fréquents, et plus coûteux. Car depuis 2009, le recul de l'activité s'est accompagné d'un allongement des délais moyens de relocation. La montée de la vacance locative entre 2008 et 2013 représente plus d'une semaine de recettes perdues. Le niveau actuel de la vacance, plus de 9 semaines en moyenne, équivaut chaque année à une perte de 4,8% des loyers perçus.
Globalement, sur un marché en dépression, les loyers de marché n'ont augmenté que de 0,6% en 2013, pour des prix à la consommation en hausse de 0,9% (INSEE) ; en 2012, les loyers de marché augmentaient de 2,2%, pour une inflation de 2,0%. Les petits logements voient leur loyer baisser : -1,1% en moyenne pour les studios (22,8% du marché), -0,3% pour les 2 pièces (32,1% du marché). En revanche, les plus grandes surfaces voient leur loyer augmenter, même fortement : +0,9% pour les 3 pièces (26,1% du marché), +2,7% pour les 4 pièces (12,5% du marché) et même +3,7% pour les 5 pièces et plus (6,5% du marché) !
Au niveau des villes, les évolutions sont contrastées : les loyers baissent dans près de 40% des villes de plus de 10.000 habitants. Le phénomène est accentué dans les villes plus importantes : depuis le début de l'année 2014, les loyers baissent dans 60% des villes de plus de 146.000 habitants, ils progressent moins que l'inflation dans 5% d'entre elles et ils augmentent au-delà de l'inflation dans 7 villes (35% des villes). La baisse sur Paris fait suite au ralentissement constaté en 2013. La baisse se poursuit en 2014 pour la troisième année consécutive au Havre et au Mans. A Marseille et Rennes, la baisse qui avait commencé en 2013 s'accélère. Et souvent, elle fait suite à des augmentations modérées (et toujours sous l'inflation) comme à Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Toulouse.
Les perspectives pour l'avenir du marché sont conditionnées par la mise en oeuvre de l'encadrement des loyers qui devrait être opérationnel à partir de 2015. Selon le calendrier ministériel actuel, l'encadrement doit être appliqué à partir de septembre ou octobre 2014 à Paris, et à l'automne en Ile-de-France, qui dispose de l'OLAP (observatoire des loyers de l'agglomération parisienne, opéré depuis près de 30 ans), avant d'être déployé en régions, moins bien pourvues.
Selon l'observatoire CLAMEUR, "si les "loyers médians de référence majorés" sont systématiquement fixés par les préfets à 20% au-dessus des loyers médians calculés par les observatoires publics, le mécanisme d'écrêtage des loyers de marché concernera (en moyenne et aux conditions de marché de l'année 2013) de l'ordre de
20% des relocations et locations nouvelles réalisées dans les 10 premières villes". La baisse de ces loyers écrêtés pourrait être aussi en moyenne de 20% par rapport aux niveaux actuels. A Paris, cet écrêtage pourrait concerner 20,7% du marché, avec une baisse moyenne de 23,1%, entraînant une baisse moyenne de l'ensemble des loyers de 4,8%. Mêmes effets à peu près à Marseille et à Lyon. Par contre, à Nice, la part du marché touché atteindrait 22,1%, avec une baisse pour les loyers écrêtés de 28,6% et une baisse moyenne générale de 6,3% ! A l'inverse, des villes plus sages comme Toulouse, Montpellier et surtout Nantes seraient moins touchées : dans cette dernière, l'écrêtage ne concernerait que 15% du marché, entraînant un écrêtage de 14%, et une baisse générale de 2,2%. A noter que l'écrêtage fait bouger la moyenne des loyers mais pas le loyer médian, les loyers écrêtés restant dans la moitié des loyers les plus élevés ; la diminution de l'ordre de 4% du niveau moyen des loyers de marché se fera en une fois, et les ménages modestes qui supportent les loyers les plus bas ne vont guère en bénéficier. L'effet économique sera par contre indéniable, en redonnant aux classes moyennes locataires un surcroît de pouvoir d'achat...
L'encadrement devrait aussi grandement aider les plus pauvres, confrontés à des marchands de sommeil louant des meublés et de micro-chambres de bonnes pour des loyers exorbitants. A condition, évidemment, que les victimes osent recourir à la justice pour faire jouer le droit à une baisse de loyer que leur ouvre la loi "ALUR"...
La grande interrogation, pour les locataires comme pour les propriétaires est de savoir comment seront calculées des loyers médians pertinents, sur des quartiers homogènes, sans mélanger les secteurs "huppés" et des secteurs populaires. Une rue ou un canal suffisent parfois à les séparer...
L'observatoire CLAMEUR se positionne par rapport aux observatoires publics en cours de mise en place pour l'encadrement des loyers. Alimenté par un nombre croissant d'organisations et d'administrateurs de biens - seule la FNAIM fait "bande à part" -, il étend son analyse et traite l'ensemble des villes, regroupements de communes et pays de plus de 2.500 habitants, métropole et DOM désormais inclus. Disposant d'un nombre accru de références, il affine son maillage, traitant 4.589 territoires, en distinguant les loyers selon le type de logements (studio/1 pièce, 2 pièces, etc.), dans 2.937 villes et 1.652 intercommunalités. CLAMEUR distingue aussi à présent le parc à "gestion déléguée" (mandat à un administrateur de biens) et celui géré en direct par les propriétaires. La mobilité résidentielle est nettement plus élevée dans le cas d'une gestion déléguée : sûrement l'effet de la situation géographique, des types de logements, la présence d'un pôle universitaire, etc. Egalement, l'observation du marché montre que la proportion de petits logements est sensiblement supérieure dans le cas d'une gestion déléguée : 58,9% de 2 pièces et moins, contre 36,4% en gestion directe, mais 16,0% de 4 pièces et plus contre 37.5% en gestion directe.
Les croisements de données permettent aussi d'estimer la part de la gestion directe dans le parc privé à un peu moins de 40%, alors que les estimations au doigt mouillé jusqu'ici avaient tendance à la situer plutôt à 60%...
(1) l'observatoire CLAMEUR (Connaître les loyers et analyser les marchés sur les espaces urbains et ruraux), opéré par le professeur Michel Mouillart de l'université Paris X, voit le nombre de ses contributeurs augmenter au point de prendre en compte à présent près d'un bail sur six signés en France. Les animateurs de l'observatoire, présidé actuellement par le président de Foncia, assisté des présidents de deux des trois grandes fédérations d'agents immobilier et administrateurs de biens, l'UNIS et le SNPI - la FNAIM a toujours refusé d'en faire partie - ambitionnent ouvertement d'en faire la référence en matière d'observation des loyers sur les marchés urbains de la métropole, selon un maillage de près de 3.000 marchés locaux, et de l'ouvrir courant 2014 au grand public, en concurrence frontale avec les observatoires que met en place le gouvernement pour la connaissance des marchés et l'encadrement des loyers ! Il est à présent alimenté par Apagl, Ataraxia, Belvia Immobilier, Billon Immobilier, Bouygues Immobilier, Century 21, Credit Foncier Immobilier, Dauchez, Foncia, Foncière Logement, Gecina, Groupama Immobilier, H&D (Sires), Icade, ICF Habitat, Immo De France, Loiselet & Daigremont, Maif, Nexity, Oralia, les Pact, - Seloger.Com, Sergic, Sogeprom, Square Habitat (Crédit Agricole), le Groupe SNI, le SNPI, Tagerim, l'UNIS, l'UNPI
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