Alors que la rénovation énergétique ne cesse d'être affirmée par les ministres, par le premier d'entre eux et par le président de la République comme la priorité des priorités, les actions entreprises semblent très en deçà de l'objectif de 500.000 logements rénovés par an, hors d'atteinte au rythme actuel. Devant cette situation, qu'illustre la non transcription dans le droit français de la directive européenne relative à la performance énergétique des bâtiments, le Comité de Liaison Energies Renouvelables (CLER) et France Nature Environnement (FNE) ont décidé de passer à l'offensive, en déposant le 22 avril 2014 une plainte contre la France auprès de la Commission Européenne !
La "RT 2012" (règlementation thermique) est en passe de faire baisser de manière décisive la consommation d'énergie dans le bâtiment neuf, la RT pour le bâtiment existant datant de 2007 est obsolète. Elle s'applique aux bâtiments résidentiels et tertiaires existants lors de travaux de rénovation et a pour objectif d'assurer une amélioration significative de la performance énergétique. Son application diffère selon l'importance des travaux entrepris :
- pour les rénovations très lourdes de bâtiments de plus de 1.000 m2, achevés après 1948, la réglementation définit un objectif de performance globale pour le bâtiment rénové ; cette RT dite globale impose des résultats ;
- pour tous les autres cas de rénovation, la réglementation définit une performance minimale pour l'élément remplacé ou installé, cette RT dite "élément par élément" constitue uniquement une obligation de moyens.
La plainte porte sur 4 griefs :
- le seuil de 1.000 m2 et la mise en conformité avec la directive européenne : la directive, révisée en juin 2010, a revu le seuil minimal des bâtiments pour lesquels les Etats membres doivent prendre des dispositions réglementaires pour encadrer les travaux de rénovation énergétique, et l'a réduit à... 50 m2 ! La France n'a évidemment pas encore transposé cette révision. Le Cler et la FNE estiment que le maintien du seuil de 1.000 m2 en France exclut du champ de la RT dite "globale" plus de 75% du parc de logements français (composé très majoritairement de maisons individuelles et d'immeubles de moins de 20 logements). De plus, en ajoutant la restriction de l'obligation aux immeubles construits après 1948, on évalue à moins de 10% des projets de rénovation de logements existants concernés par la RT dite "globale", en ne laissant qu'une obligation de rénovation "élément par élément". Les deux organisations concluent que "la réglementation thermique française, totalement obsolète, ne mène dans les faits à aucune amélioration de la performance énergétique lors d'une rénovation et n'entraîne aucune modification des marchés en faveur de l'efficacité énergétique".
- la révision des textes : aucun des deux textes (ceux encadrant la RT « élément par élément » entrée en vigueur le 1er novembre 2007 et la RT « globale » entrée en vigueur le 1er avril 2008) n'a été revu contrairement à ce que prévoient l'article 4 de la directive 2002/91/CE et l'article 3 de la directive refonte 2010/31/UE ; ces textes imposent des révisions régulières n'excédant pas 5 ans pour tenir compte des progrès techniques réalisés dans le secteur du bâtiment. La réglementation thermique pour l'existant, déjà obsolète lors de son entrée en vigueur, est donc légalement périmée depuis 2012...
- l'absence de prise en compte du chauffage électrique dans la réglementation, alors que tous les autres modes de chauffage sont explicitement concernés : alors que 20% des Français consomment 50% de la consommation d'électricité résidentielle par l'usage du chauffage électrique et que le réseau électrique européen est déstabilisé à chaque épisode hivernal rigoureux, la RT "élément par élément" passe sous silence le chauffage électrique comme système de chauffage principal !
- l'exclusion implicite de la réglementation de certains procédés constructifs : la RT "élément par élément" contient un certain nombre de provisions aboutissant, dans certains cas, à l'exclusion du champ de toute réglementation thermique des éléments de bâtiment qui font partie de l'enveloppe du bâtiment et qui ont un impact considérable sur sa performance énergétique ! Ainsi, l'article 2 de l'arrêté du 3 mai 2007 (« RT élément par élément ») liste les principes constructifs des parois opaques concernés par les exigences du texte réglementaire. Sont de fait exclus de toute contrainte de performance énergétique les procédés constructifs, pourtant communs, comme les murs en pierre, en terre, en "brique non industrielle", etc…
|