Deux nouveaux occupants, l'Agence pour l'emploi des cadres (APEC) et le groupe mutualiste Le Conservateur ont décidé de quitter la Tour Maine Montparnasse. Ils suivent en cela Amundi (filiale du Crédit agricole), le conseil régional d'Île-de-France et le Crips (une association de lutte contre le sida). En cause, les problèmes répétés de présence dans l'air intérieur des locaux de taux de fibres d'amiante dépassant les normes en vigueur, et le climat "anxiogène" créé par ces détections. En moins d'un an, plus de 450 personnes auront déserté l'immeuble, qui peut en accueillir 5.000, soit 9% des effectifs. Or les occupants, lorsqu'ils sont locataires sont en droit de résilier leur bail et se faire indemniser pour le préjudice subi (déménagement, pertes d'exploitation, etc.), et les copropriétaires bailleurs peuvent répercuter cette indemnisation et les pertes de loyer sur le syndicat des copropriétaires, responsable en premier lieu de la possibilité de jouir paisiblement des locaux. Même chose pour les copropriétaires occupants.
Mais les 300 copropriétaires (institutionnels ou foncières) sont en même temps responsables de la situation crée par leur décision, au milieu des années 2000, de faire effectuer les travaux de désamiantage de la tour sans la vider de ses occupants. Commencé en 2006, le chantier a coûté 250 millions d'euros, soit un peu moins d'un million par copropriétaire en moyenne, non récupérables sur les locataires, les travaux étant dûs au titre de l'obligation de délivrance ! Mais malgré cela, l'amiante n'a pas été éradiquée entièrement : à une soixantaine de reprises entre 2009 et 2012, les seuils de présence autorisés de ce matériau cancérigène ont été dépassés. Interrompus pendant quelques mois sur ordre du préfet, les travaux de désamiantage devraient reprendre mi-2015.
Des actions en indemnisation contre le syndicat des copropriétaires risquent donc d'être à somme nulle, les copropriétaires devant payer leur quote part des condamnations auxquelles le syndicat aurait à faire face, mais certains, notamment les bailleurs, peuvent y voir un intérêt s'ils espèrent récupérer plus que leur quote-part : difficile en effet pour un bailleur qui doit indemniser un locataire de ne pas appeler le syndicat en garantie, et advienne que pourra...
Par ailleurs, les copropriétaires subissent une double peine avec la dévalorisation de leurs lots : difficile en effet de ne pas tenir compte de la situation créée dans les valeurs d'actifs : "à cause de la polémique autour de l'amiante, plus aucune entreprise un peu sérieuse n'envisage de louer des locaux dans cet immeuble", indiquait récemment un conseil en immobilier d'entreprise au Figaro. "Et compte tenu du risque, personne n'ira acheter un plateau dans cette tour à moins que cela ne soit avec une très forte décote", déclarait la directrice immobilier d'une banque spécialisée. Sans compter que les bailleurs se doivent de se montrer conciliants avec leurs locataires et accepter des révisions de loyers en baisse plutôt qu'en hausse !
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