Le serpent de mer de la simplification des normes de construction aurait-il accouché d'une souris ? Pourtant les professionnels ont pu formuler leurs souhaits : les 50 mesures de simplification pour la construction présentées le 25 juin en grande pompe par Sylvia Pinel sont le résultat d'une grande concertation qui a été conduite par le ministère du logement entre novembre 2013 et février 2014, rassemblant tous les professionnels de la construction concernés : entreprises, maîtres d'ouvrage, maîtres d'oeuvre, personnalités qualifiées, etc. Or le résultat est maigre, laissant penser que la campagne menée par les milieux de la construction relevait plus d'une posture que d'un réel besoin de simplification ! Difficile en tous cas de trouver dans cet inventaire à la Prévert, quelque peu forcé pour faire nombre rond, des mesures de nature à produire le choc attendu sur les coûts de construction. Les moins anodines sont les suivantes :
- suppression de l'obligation dans les logements que le cabinet de toilettes ne communique pas directement avec les cuisines et les salles de séjour : cette obligation ferait actuellement peser une forte contrainte particulièrement sur la conception des petits logements, où cela se traduit par la création d'un "sas" entre le cabinet et les autres pièces, sas qui pour garantir l'accessibilité des sanitaires, a nécessairement une surface minimale importante, réduisant d'autant celle de la pièce principale ;
- révision de la norme relative aux installations électriques afin de dissocier ce qui ressort de la sécurité, qui demeurera obligatoire, de ce qui relève seulement du confort ; également le nombre maximal de prises par circuit pourra être augmenté, et d'une manière similaire, certains équipements, tels que sonnette, alarme, vidéophonie ou interphonie, qui nécessitent aujourd'hui des circuits dédiés, pourront être alimentés par d'autres circuits ;
- relèvement du seuil d'application de la RT 2012 pour les extensions de petits bâtiments existants (maisons individuelles notamment) ;
- suppression de l'obligation d'installer un conduit de fumée dans les maisons individuelles neuves équipées d'un système de chauffage électrique ;
- adaptation de la règlementation thermique relativement aux surfaces vitrées, qui pénaliseraient notamment les petits logements collectifs, et proportionnement des exigences de consommation maximale à la taille des maisons de petite et très petite surface ; il est également prévu des adaptations spécifiques aux DOM...
- suppression de l'exigence d'accessibilité aux handicapés du logement situé à l'étage par rapport à un logement ou un local commercial en rez-de-chaussée, ainsi que l'application des règles d'accessibilité intérieure aux logements non accessibles par fauteuil roulant (par exemple tous les logements situés en étage sans ascenseur) ; les chevauchements entre débattement de portes et cercle de rotation du fauteuil roulant dans certaines pièces seront désormais autorisés ; lorsqu'il n'est pas possible de rendre accessible l'entrée d'un bâtiment du fait de la topographie (rue en très forte pente rendant toute rampe d'accès impraticable...), il ne sera plus nécessaire de rendre accessible l'intérieur des locaux ;
- affinage des zones où les bâtiments neufs sont soumis à des prescriptions spécifiques pour la lutte contre les termites :aujourd'hui ces prescriptions s'appliquent sur la totalité du département dans lequel a été publié un arrêté ; demain, ce sera uniquement au niveau de la commune...
Les autres mesures sont plutôt des "mesurettes" : petites adaptations de la règlementation incendie aux spécificités de l'outre-mer, prise en compte des connaissances techniques acquises depuis l'entrée en vigueur de la réglementation en 1987, exonération d'exigences parasismiques d'éléments d'équipement "non structuraux" dont la chute, consécutive à un séisme, n'entrainerait pas de risque pour la sécurité des personnes (exemple : éléments situés dans des locaux techniques, éléments de façade situés au dessus d'espaces inaccessibles...) ou encore exonération de l'exigence d'installation de lignes téléphoniques, de dispositifs de distribution de la télévision et de ligne très haut débit en fibre optique dans des bâtiments d'habitation collectifs lorsque ceux-ci sont rendus inutiles du fait de l'isolement des sites (par exemple, ne pas prévoir de prises téléphoniques dans des secteurs qui ne pourront jamais être raccordés au réseau)...
A noter aussi la possibilité pour un client de demander au promoteur la réalisation de travaux modificatifs par rapport au projet d'origine, pour adapter le logement à ses besoins et à ses goûts, même si ces modifications rendent le logement non accessible aux handicapés, mais sous réserve que le logement reste visitable par une personne handicapée et que, d'autre part, son cabinet d'aisances puisse être ultérieurement adapté.
D'autres mesures visent à satisfaire des secteurs de production comme l'industrie du bois, en supprimant l'interdiction du bois en façade sur les grands bâtiments au titre de la règlementation sur la sécurité incendie de 1986 (3ème famille B et 4ème famille, donc pas les moindres), sous réserve du maintien d'une obligation de performance en termes de résistance au feu.
Enfin, les associations de consommateurs seront satisfaites : concernant les travaux de sécurisation des ascenseurs, la suppression de l'obligation d'assurer une précision d'arrêt de la cabine est confirmée : il s'agit de l'écart qu'il peut y avoir entre le plancher de l'ascenseur et celui de l'étage à l'ouverture des portes. Au vu du nombre très faible d'incidents constatés du fait du défaut de précision d'arrêt et étant donnée le coût disproportionné des travaux nécessaires pour assurer la précision prévue par les textes initiaux, un moratoire avait été mis en place en juillet 2013 afin d'étudier les éventuelles alternatives moins onéreuses pour les propriétaires. Les réflexions menées avec les parties prenantes n'ayant pas permis d'identifier une telle alternative, la suppression de la disposition est définitivement accordée. Même chose pour le "parachute de montée", dispositif limitant le risque de vitesse excessive de la cabine en montée. Compte-tenu de l'importance du parc d'ascenseurs concernés, le coût global de ces travaux s'élève à plusieurs centaines de millions d'euros à la charge des propriétaires, ce qui apparait disproportionné au regard des conséquences. Cette obligation sera suspendue dans l'attente d'éléments d'analyse plus précis.
Pour l'avenir, un Conseil supérieur de la construction sera mis en place, réunissant les professionnels de la construction, représentés à haut niveau, et les pouvoirs publics. Il sera saisi pour rendre un avis sur toute nouvelle réglementation impactant le bâtiment et s'attachera notamment à apprécier l'opportunité des mesures au regard de leur coût ainsi que leur cohérence avec les autres réglementations et normes en vigueur. Les pouvoirs publics mettront également en place "un véritable service après vote des réglementations" : pédagogie, écoute des acteurs et prise en compte des "remontées" de l'application, et évaluation dans un délai de 3 à 5 ans de toute nouvelle règlementation. Un espace Internet est d'ores et déjà accessible depuis le site du ministère du logement (www.territoires.gouv.fr/simplifier-la-construction), afin de permettre aux professionnels de faire part de leurs difficultés ou de leurs propositions d'amélioration concernant la réglementation et les normes de la construction.
Dont acte !
|