Il fallait faire quelque chose ! Sous l'effet du "rabotage" de la plupart des dispositifs qui dopaient la construction depuis une décennie, rabotage réalisé pour l'essentiel par le dernier gouvernement Fillon dans un contexte économique déprimé par la deuxième crise après les "subprime", celle des dettes souveraines, le secteur du bâtiment a vu sa production de logements chuter d'un gros quart : 100.000 logements de moins par an en deux ans à peine, et à peu près autant d'emplois !
Du coup, et alors que des mesures de relance avaient déjà été annoncées en juin, il fallait frapper fort. Le Premier ministre, Manuel Valls a montré qu'il prenait les choses en mains et a présenté lui-même son plan le 29 août à l'hôtel de Matignon, entouré de ses deux ministres concernées, toutes deux confirmées dans leurs fonctions dans le nouveau gouvernement : la ministre du logement Sylvia Pinel, et la ministre de l'écologie et du développement durable, Ségolène Royal.
Les mesures annoncées ont l'allure d'un plan de la dernière chance, à 180 degrés des orientations du début du quinquennat : retour aux mesures de soutien et lâchage de deux dispositifs phares des engagements du candidat Hollande portées par la précédente ministre du logement, Cécile Duflot, mais qui figuraient aussi à demi-mot dans les promesses du candidat Sarkozy : l'encadrement des loyers et la garantie universelle des loyers (GUL). Manuel Valls, que tout oppose à la chef de file écologiste, s'est laissé convaincre que ces mesures ruinaient la confiance des investisseurs et - pour le premier notamment -, créaient en raison de l'incertitude sur le niveau des plafonds de loyers qui allaient résulter de la mise en place des observatoires, un attentisme préjudiciable à l'économie du secteur. La mise en œuvre de l’encadrement des loyers prévu par la loi "ALUR" du 24 mars 2014 sera donc limitée à la la seule Ville de Paris, "à titre expérimental" ; il n'y aura pas d'extension avant un bilan de son application à Paris ; par ailleurs, la Garantie universelle les loyers (GUL) sera recentrée, notamment vers les jeunes salariés et les personnes en situation précaire. Voilà pour le détricotage...
Restent les bonnes vielles recettes fiscales : pour l'accession à la propriété des "primo-accédants, le prêt à taux zéro (le "PTZ+") avait déjà été réaménagé par un décret du 1er août, applicable aux offres émises à compter du 1er octobre, qui allongeait notamment le différé d'amortissement pour les ménages dont les revenus se situent dans la tranche 1 ; un nouveau décret annulera et remplacera le précédent, et allongera le différé d'amortissement pour les ménages dont les revenus se situent dans les tranches 2 et 3 ; le gouvernement compte par là augmenter le nombre de bénéficiaires pour atteindre 75 à 80.000 prêts en 2015 (contre 44.000 en 2013). Par ailleurs, un abattement exceptionnel de 100.000 euros est créé pour les donations de nouveaux logements neufs aux enfants et petits-enfants réalisées jusqu’à fin 2016...
Afin de relancer un investissement locatif en berne, le dispositif fiscal dit "Duflot" est revu : à compter du 1er septembre 2014, l'investisseur pourra s'engager à louer pour 6, 9 ou 12 ans, avec une réduction d'impôt proportionnelle à la durée ; de plus il pourra louer à un ascendant ou descendant, sous certaines conditions ; par contre, on ne sait pas si une telle location entrera dans la durée d'engagement de location ou si celle-ci sera suspendue pendant sa durée ; enfin, l’avantage fiscal du dispositif pour les sociétés civiles de placement immobilier (SCPI) qui réalisent des investissements locatifs sera aligné sur celui des particuliers (aujourd'hui la réduction d'impôt n'est calculée que sur 95% de l'investissement).
Il faut aussi "libérer le foncier privé", en particulier les terrains non-bâtis : en clair, inciter les propriétaires de terrains constructiles à les vendre pour construire des logements. Le gouvernement s'est pris par deux fois les pieds dans le tapis avec des mesures retoquées par le Conseil constitutionnel. A compter du 1er septembre 2014, l'imposition sur les plus-values des terrains non bâtis est alignée sur celle des immeubles bâtis, soit une exonération totale au bout de 22 ans de détention ; par la même occasion, les abattements des prélèvements sociaux vont être pour tous les biens alignés sur l'imposition au titre de l'impôt sur le revenu (IR), l'exonération au bout de 22 ans étant généralisée et totale ; c'est une revendication des professionnels qui dénonçaient l'illisibilité du dispositif actuel. Et afin de créer un "choc d'offre", pour toute promesse de vente conclue avant le 31 décembre 2015, le vendeur bénéficiera en plus d’un abattement exceptionnel de 30% sur l'assiette des plus-values imposables, à la fois pour l'IR et des prélèvements sociaux ; enfin, en cas de donation de terrain réalisée jusqu’à fin 2015, le cédant bénéficiera d’un abattement exceptionnel de 100.000 euros, à la condition que le terrain soit ultérieurement construit...
Enfin, pour réduire les coûts et faciliter la réalisation des projets, la simplification des normes de construction sera poursuivie au delà des 50 premières mesures annoncées le 25 juin, que par ailleurs le gouvernement s'engage à mettre en oeuvre avant le 31 décembre 2014. Ainsi, de nouvelles mesures seront lancées d’ici la fin de l’automne 2014 sur la base des propositions des professionnels déposées sur la plateforme Internet du ministère du logement. Par ailleurs, des mesures seront étudiées pour réduire les délais d'obtention des permis de construire : une mission est confiée dans ce but au préfet Jean-Pierre Duport, qui rendra ses premières conclusions d’ici 3 mois ; de surcroît, dès cet automne les délais de validité des permis de construire seront prolongés de 2 à 3 ans.
Le gouvernement a aussi rappelé l'effort entrepris pour relancer l’offre de logements neufs intermédiaires et sociaux : 30.000 logements intermédiaires en zones tendues seront construits dans les 5 prochaines années par une intervention exceptionnelle de l’Etat et du groupe Caisse des dépôts. Côté logement social, les pénalités renforcées prévues par la loi SRU pour les villes qui ne remplissent pas leurs obligations de construction de logements sociaux seront appliquées dès le 1er janvier 2015 ; dès cette date les préfets auront également la possibilité de délivrer des permis de construire dans ces mêmes communes.
La rénovation énergétique des logements n'est pas oubliée : la simplification et l'augmentation annoncées du crédit d’impôt développement durable (CIDD) - il sera notamment porté uniformément à 30% - sera mise en place pour s'appliquer aux travaux engagés à partir du 1er septembre 2014.
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