La Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), cherche depuis plusieurs mois à expliquer le marasme de la construction neuve en mettant en avant successivement les facteurs de coût qui selon elle poussent les prix de l'immobilier vers le haut : en particulier le coût des terrains, et les surcoûts de construction entraînés par "l'inflation normative". Restait la fiscalité, et notamment l'impact de la fiscalité sur le prix du logement neuf mais aussi sur la détention d'un logement. A cet effet, elle a demandé à un grand cabinet international, Fidal, de mener une étude de fiscalité comparée entre la France et les principaux pays de l'Union européenne.
Pour la FPI, la conclusion de cette étude est sans appel et met en évidence un écart fiscal important au détriment de la France. A y regarder de plus près, rien n'est moins sûr.
Certes, en ce qui concerne l'imposition liée à la production et à la vente, notamment d'immeubles collectifs, la France présente incontestablement le niveau d'imposition le plus élevé du fait de la conjugaison d'une TVA au taux de 20% appliquée au prix de vente de l'immeuble et des diverses autres taxes indirectes représentant quant à elles de 3% à 4% du prix de vente. La France, la Belgique et les Pays-Bas ont des taux de TVA comparables, conduisant à majorer le prix d'achat d'un appartement neuf par un taux de 20% (France) ou de 21% (Belgique et Pays-Bas). Les autres pays ont des régimes favorables en la matière permettant de réduire sensiblement pour les acquéreurs le prix d'achat d'un appartement neuf. Ainsi, au Royaume-Uni, la vente de l'appartement neuf ne sera pas soumise à TVA et les frais du promoteur génèreront un surcoût limité de TVA sur le prix de vente aux particuliers. Un régime proche est applicable sur option en Allemagne. Le Royaume-Uni est toutefois le régime le plus favorable avec l'Allemagne. Une TVA autour de 10% étant applicable pour l'Espagne et l'Italie.
Au premier abord, cette imposition paraît bien être un facteur de hausse des prix. Mais c'est ignorer la façon dont se forment sur une longue période les prix du neuf ! En réalité - et c'est ce qui explique que le Royaume Uni, avec le régime le plus favorable ne soit pas le pays où l'immobilier est le moins cher -, les promoteurs fixent leurs prix par rapport à ce que peut absorber le marché : attractivité du secteur urbain ou péri-urbain, pouvoir d'achat des acheteurs, niveau atteint par le marché de l'ancien, etc. Ensuite, ils déduisent le coût de construction et la marge visée pour faire l'opération, ce qui leur permet de fixer le prix maximum qu'ils vont consacrer à l'achat du terrain ! La fiscalité sur la construction et la vente fait partie des coûts, au même titre que ceux de la construction. Et c'est le prix du terrain qui - par ajustement dans le temps - l'encaisse si elle augmente... Autrement dit, elle est payée par les propriétaires de terrains constructibles !
L'étude commandée par la FPI s'essaie aussi sur l'imposition liée à la détention d'un appartement par une personne physique, supposée expliquer le manque d'appétence actuel des Français pour l'achat immobilier.
La France affiche nettement la fiscalité la plus élevée en matière d'impôts locaux : taxe foncière et taxe d'habitation réunis. Mais est-ce honnête de présenter le comparatif de manière aussi brute ? De ces deux taxes, seule la première est réellement une imposition sur la propriété foncière, la seconde, qui représente au moins un gros tiers de la masse globale s'apparente plus à un impôt sur le revenu, et est payée par les occupants du logement, donc les locataires lorsque celui-ci est loué. Par ailleurs, ces deux impôts financent les collectivités locales qui réalisent la grande majorité des infrastructures urbaines et routières, et délivrent une foule de services aux habitants. s'ils sont plus faibles ailleurs, c'est qu'ils sont financés autrement, ou alors que les habitants ne jouissent pas d'un cadre urbain ou de services comparables...
La France a également le niveau d'imposition le plus élevé pour l'impôt sur le revenu dans le cadre d'un investissement locatif hors régime Pinel, seul le Royaume-Uni ayant un régime d'imposition des loyers proche de celui de la France. La Belgique, l'Espagne et les Pays-Bas ont une imposition très nettement inférieure à la France en la matière. Mais là encore, on omet de mentionner le régime fiscal extrêmement favorable en cas de travaux, qui permet dans l'ancien de défiscaliser une grande partie de l'investissement ! Sans mentionner la défiscalisation des intérêts d'emprunt...
Enfin, s'agissant des plus-values sur la cession d'une résidence principale et des droits de donation/succession, la France a un régime d'imposition comparable à celui des autres pays étudiés, les cas d'exonération de plus-value sur résidence principale étant similaires à ceux des autres pays.
Comme pour les coûts de construction, il est donc difficile de prétendre dans ces conditions que la fiscalité est responsable du coût exorbitant du logement en France : en fin de compte, seule la "bulle immobilière" l'est réellement, permise par la baisse des taux d'intérêt depuis la fin des années 90, et l'inflation des divers dispositifs d'aide (défiscalisations, PTZ, aides au logement). Sans qu'elle ait véritablement le caractère d'une bulle spéculative, elle a néanmoins absorbé l'intégralité de l'avantage pouvoir d'achat procuré par la baisse des taux, et une bonne partie des aides à la personne qui se montent actuellement à 16 milliards par an...
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