Deux députés PS, Jacques Cresta et Sylviane Bulteau, ont lancé un pavé dans la mare qui devrait plaire aux agents immobiliers : les transactions immobilières de particulier à particulier, via des sites internet tels que Le Bon Coin ou PAP, provoqueraient un manque à gagner de plusieurs centaines de millions d'euros à l'Etat ! Ils ont posé en effet, à une semaine d'intervalle, la même question écrite adressée au gouvernement.
Selon eux, lorsqu'une transition immobilière se fait de particulier à particulier l'acheteur ne recourt pas aux services d'un agent immobilier et ne paie donc pas les 20% de TVA sur les honoraires d'agence. Or, "le principal site internet d'annonces gratuites en France, accessible sans inscription préalable, propose environ 260.000 annonces. Si l'on considère une somme moyenne [d'honoraires perdus] de 6.000 euros HT sur ces transactions, à laquelle on appliquerait 20 % de TVA, on obtient 312 millions d'euros environ de manque à gagner pour l'État", dénoncent les deux parlementaires...
Ces calculs sont puérils mais le chiffre auquel ils arrivent n'est pas irréaliste ! En fait, le nombre des biens affichés par les sites d'annonces - qu'ils soient "de particulier à particulier" ou exclusivement dédiés aux annonces de professionnels, ou encore mixtes comme Le Bon Coin dont 75% des annonces viennent de professionnels - ne sont pas représentatifs du nombre de transactions réalisées. Si on les additionne, on en trouve plusieurs millions ! En raison de la multi-diffusion pratiquée à grande échelle par les professionnels, et au fait que les particuliers eux-mêmes jouent sur plusieurs tableaux, et n'hésitent pas à donner des mandats à plusieurs agences toute en passant des annonces sur les sites de particulier à particulier...
Mais il se conclut bon an mal an entre 600 et 800.000 transactions dans l'ancien, dont environ 35% à 40% sans commission d'agence. A un coût moyen de 200.000 euros et un taux de commission HT se situant en moyenne à 4%, on arrive même à un chiffre moyen de manque à gagner de TVA de près de 400 millions...
Et il y a mieux, si on interdisait le particulier à particulier, on augmenterait le revenu des professionnels (bénéfice des agences et rémunération des négociateurs) de près de 2 milliards, autant de plus pour l'assiette de l'IS ou de l'impôt sur le revenu et 200 à 300 millions de recettes fiscales supplémentaires...
Las ! Ce ne sont pas les sites d'annonces qui sont responsables de cette perte de recettes, mais bien la liberté de traiter de particulier à particulier qu'il faudrait supprimer, ce qui est difficile à imaginer. A ce train-là, le législateur aurait du pain sur la planche : chaque fois qu'un particulier fait lui-même une tâche qu'il pourrait confier à un professionnel, il y a un manque à gagner pour le fisc (et pour le PIB !) : le bricolage, le ménage et la cuisine à la maison, le co-voiturage, la garde d'enfants par les grands parents, etc. Interdire de faire tout cela soi-même doperait à la fois les recettes fiscales et la croissance, très au delà des seules transactions immobilières ! Nos parlementaires manqueraient-ils d'audace ?
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