Un économiste, une sociologue, et trois ingénieurs ont produit pour Cerqual, organisme certificateur du groupe Qualitel, une étude intitulée "Vivre dans un logement BBC, un constat prometteur". Elle s’appuie sur l’analyse détaillée de six résidences ayant bénéficié du label "BBC (Bâtiment Basse Consommation) Effinergie", label qui a anticipé la règlementation thermique "RT 2012", et visait à répondre à trois questions : quelles sont les consommations réelles des logements comparées aux consommations conventionnelles définies par le label, et comment expliquer les écarts ?, quel est le vécu des occupants et quelles convergences ou divergences existe-t-il entre leur vécu et le confort mesuré ?, et enfin quels sont les choix techniques, les coûts d’investissement, d’entretien et d’occupation ?
Il en ressort dix principaux enseignements :
- enseignement n°1 : "les logements BBC, ça marche. Ce n’était pas gagné d’avance" ; l’échantillon analysé concernait six parmi les toutes premières opérations BBC lancées en France, et malgré cela les opérations étudiées n’ont présenté aucun dysfonctionnement significatif. Il est vrai que certains maîtres d’ouvrage avaient déjà pratiqué les labels HPE (Haute Performance Energétique) et THPE (Très Haute Performance Energétique). Mais le pari était néanmoins ambitieux puisque les exigences du label BBC Effinergie divisent par 2 à 4, selon l’énergie et la zone climatique, les consommations maximum de la réglementation thermique 2005 !
- enseignement n°2 : "les consommations réelles peuvent se situer au-dessus mais aussi au-dessous du calcul conventionnel BBC Effinergie. La consommation d’énergie tous usages peut être même inférieure à la convention allemande Passivhaus" ! Ainsi pour le chauffage, 12 ménages ont une consommation réelle supérieure à la convention mais 6 ménages dans 4 résidences ont une consommation réelle inférieure à la convention BBC. Deux ménages, à Garges-lès-Gonesse et à Laval, n’ont pas consommé d’énergie pour le chauffage et ont donc bénéficié de transferts de chaleur.
Pour les cinq usages pris en compte par la réglementation thermique, 12 ménages ont une consommation réelle supérieure à la convention, 6 ménages, dans 3 résidences, ont une consommation réelle inférieure à la convention BBC. Ce ne sont pas les mêmes ménages que précédemment.
Pour les consommations tous usages (celles prises en compte par la réglementation et celles liées à l’électro-ménager et à l’électronique domestique : télévision, ordinateurs…), il n’y a pas de convention française. Le label allemand Passivhaus en définit une, d’un niveau très performant, que les auteurs du rapport ont transposée dans le contexte français, recalculée en convention française à 97 kWhep/m².an, vu notamment les différences de coefficient énergie primaire-énergie finale. 11 ménages sont au-dessus de la convention Passivhaus, 7 sont au-dessous de la convention...
- enseignement n°3 : "Même dans le cas d’un dépassement significatif de la consommation d’énergie par rapport à la convention BBC, la baisse de la consommation réelle par rapport à la réglementation 2005 est très importante", ce qui est tout de même la moindre des choses...
- enseignement n°4 : "Quand on prend l’indicateur consommation en kWh par personne et par an à la place de l’indicateur usuel kWh/m²/an, les résultats sont inversés". Si on ne tient pas compte des 2 ménages qui ne chauffent pas leur logement, les ménages qui sont en dessous de la convention Passivhaus au m² sont ceux qui consomment le plus par personne, entre 4.300 et 7.100 kWh par an. A l’inverse, la majorité des ménages qui sont au-dessus de la convention Passivhaus au m² consomment moins de 4.000 kWh par personne et par an. La question de la densité d’occupation est essentielle pour analyser les consommations réelles. Une bonne performance en kWhep/m² an peut provenir d’une sous-occupation du logement...
- enseignement n°5 : "Les professionnels ont intérêt à multiplier les retours d’expérience détaillés, si possible avec une période de deux ans après livraison". L'étude recommande en particulier aux professionnels de veiller particulièrement au confort thermique d’été pour les résidences situées dans la moitié Sud de la France.
- enseignement n°6 : "La maîtrise des coûts d’investissement est liée à la courbe d’apprentissage des professionnels". Un des maîtres d'ouvrage a réalisé son opération à un coût de construction de 1.230 euros HT le par m² habitable (euros valeur 2009), et construit aujourd’hui ses résidences BBC, selon les caractéristiques techniques de l’opération, entre 1.050 et 1.150 euros HT le m² (euros valeur 2013). Même si la conjoncture fait que le marché de la construction est maintenant plus favorable aux maîtres d’ouvrage qu’aux entreprises de bâtiment, deux facteurs ont fortement joué : une tendance à la baisse du prix de certains composants mis sur le marché par les industriels, et surtout la courbe d’apprentissage des maîtres d’ouvrage, des maîtres d’œuvre et des entreprises de bâtiment. "Quand ces professionnels en sont à leur 3ème ou 4ème opération BBC, ils savent faire des choix qui ne coûtent rien (orientation de l’immeuble), qui font faire des économies (compacité) et qui évitent les surinvestissements inutiles", soulignent les auteurs de l'étude dans un entretien avec LeMoniteur.fr.
- enseignement n°7 : "Les professionnels ont intérêt à privilégier les techniques simples et robustes". L’étude montre qu’on peut faire des logements BBC performants sans ventilation double flux, sans triple vitrage, sans solaire thermique, sans solaire photovoltaïque. L’essentiel est que l’immeuble soit bien orienté, plutôt compact (mais la liberté de choix architecturaux est grande), bien isolé et bien ventilé. De surcroît, contrairement aux idées reçues, une des opérations les plus performantes de l’échantillon est la résidence "tout électrique"... Trois préoccupations doivnet guider les choix : facilité de maintenance, coût d’entretien maîtrisé, facilité d’utilisation par les occupants.
- enseignement n°8 : "L’usage et le comportement des occupants sont déterminants pour le niveau des consommations réelles. Les six facteurs clés". L’étude met en évidence six facteurs clés relatifs à l’usage et au comportement des occupants ayant une influence, qui peut être très forte, sur la consommation d’énergie : le nombre de personnes dans le logement, la durée d’occupation durant la journée, la semaine et l’année, le niveau d’équipement d’appareils domestiques et l’intensité de leur usage, la température intérieure choisie en hiver, les pratiques d’aération du logement, notamment l’ouverture des fenêtres et des portes sur jardin, et la plus ou moins bonne maîtrise de la chaudière, de la ventilation, des volets et du chauffe-eau solaire quand il y en a un.
Contrairement à ce que pense un grand nombre de professionnels et de chercheurs, la convention retenue par la réglementation n’est pas conçue pour prévoir les consommations mais pour comparer des logements (vides) avant livraison. Elle définit une température extérieure et un seul mode d’occupation, notamment fondé sur des températures de consigne de chauffage qui sont de 19°C en semaine jusqu’à 10h et après 18h et le week-end, et de 16°C entre 10h et 18h les jours de semaine...
- enseignement n°9 : "Le vécu des logements BBC par leurs occupants est globalement bon dans l’échantillon étudié". En simplifiant, trois catégories d’occupants peuvent être distinguées : les habitants qui connaissent les principes du BBC et les usages recommandés et valorisent le bon usage ou la technique (exemple de remarque : "on essaie d’utiliser à bon escient tous les avantages de la maison"), les habitants qui connaissent assez bien les caractéristiques du BBC mais connaissent mal les usages recommandés ou jugent qu’ils ne sont pas applicables (exemples de remarques : "théoriquement on n’a pas besoin d’aérer parce qu’il y a le double flux, on devrait laisser fermé jour et nuit mais on a encore cette habitude de se dire j’ouvre pour aérer"), et enfin les habitants qui ne connaissent pas les caractéristiques du logement BBC ni les usages recommandés, et qui y vivent comme dans un logement classique (exemple de remarque : "on ne sait pas à quoi ça correspond, mais on n’a pas cherché à comprendre parce que ça allait bien", ou "c’est un peu compliqué parce qu’on ne nous a pas trop expliqué").
Les deux dernières catégories peuvent pratiquer « l’effet rebond » qui consiste à profiter du logement BBC pour améliorer son confort (avec notamment une température intérieure relativement élevée l’hiver) et non pour économiser l’énergie. mais dans le Sud de la France, l’insuffisance de confort thermique d’été dû à une trop forte température dans les logements pendant les périodes de grande chaleur est mal vécue par les habitants.
- enseignement n°10 : "Les questions de l’information et du conseil aux occupants sont sous-estimées par les professionnels", ce qui explique au demeurant les mauvaises utilisations mentionnées précédemment. De même qu’il existe un processus d’apprentissage pour les professionnels, il y en a un pour les occupants, soulignent les auteurs de l'étude. "Cela ne peut pas se réduire à une brochure d’information, même si celle-ci est bien sûr indispensable. Cela passe par une bonne information (par les bailleurs, les syndics de copropriété) sur les consommations et un accompagnement, si possible à trois moments, l’entrée dans les lieux, après quelques mois de rodage, au bout d’un an sur la base des consommations réelles".
Un des promoteurs pense qu'au-delà du comportement dans le logement, les ménages doivent modifier progressivement leur mode de vie. La brochure d’information qu’il a diffusée s’intitule "Du bâtiment économe à la consommation responsable". Après les rubriques "Dépensez peu d’énergie en hiver" et "Vivez confortablement en été", sont présentés les thèmes "Optez pour des achats responsables" et "Déplacez-vous en douceur"...
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